Gouvernement et rebelles tigréens s'accusent mutuellement d'être à l'origine des combats qui ont fait voler en éclat cinq mois de trêve et menacent de replonger le nord de l'Ethiopie dans la violence et aggraver la détresse humanitaire.
Voici ce que l'on sait sur cette reprise des hostilités:
. Que s'est-il passé ? Les combats ont débuté mercredi vers 05H00 locales (02H00 GMT) dans des zones des régions de l'Amhara et de l'Afar, frontalières de la pointe sud-est du Tigré.
Les deux camps se rejettent la responsabilité d'avoir brisé la trêve convenue fin mars.
Les rebelles ont annoncé que l'armée fédérale éthiopienne avait lancé une "offensive à grande échelle", affirmant "défendre (leurs) positions". Le gouvernement a, lui, accusé les forces du Front de libération du Peuple du Tigré (TPLF) d'avoir "rompu la trêve" en lançant une attaque.
Accès et communications dans cette zone septentrionale de l'Ethiopie étant très limités, il est impossible de vérifier ces affirmations de manière indépendante, ainsi que de savoir si les combats se poursuivent jeudi.
Dans les jours précédents, les deux camps se sont accusés mutuellement de préparer une reprise des hostilités.
L'armée éthiopienne a affirmé mercredi avoir abattu un avion transportant des armes destinées aux rebelles tigréens, qui avait "violé l'espace aérien éthiopien en passant par le Soudan", selon l'agence de presse nationale ENA citant un général de l'armée.
Aucun détail n'a toutefois été fourni, ni sur la date de l'incident ni sur l'origine de l'appareil. L'armée a seulement affirmé qu'il est "présumé appartenir à des ennemis historiques voulant affaiblir l'Ethiopie et qui ont depuis des années soutenu le TPLF".
Les autorités rebelles du Tigré ont dénoncé "un mensonge flagrant".
. Des pourparlers de paix impossibles ?Durant les cinq mois de trêve, la communauté internationale s'est employée à convaincre les belligérants de discuter.
L'Union africaine a multiplié les contacts via son envoyé spécial, l'ancien président nigérian Olusegun Obasanjo. Des émissaires américain, européen et onusien se sont également rendus à Mekele, capitale du Tigré, début août.
Si le gouvernement comme le TPLF se sont toujours dits prêts à des négociations pour mettre fin au conflit, plusieurs divergences persistent.
Addis Abeba veut que les discussions soient parrainées par l'UA et commencent "sans condition préalable". Les rebelles refusent une médiation assurée par M. Obasanjo, dont ils mettent en cause l'impartialité, et exigent avant toute discussion le rétablissement des services essentiels (électricité, télécommunications, banque, carburant...) au Tigré.
Dans une lettre mercredi, les autorités tigréennes ont admis que de contacts directs avaient eu lieu - sans en préciser les dates - lors de "deux séries confidentielles de pourparlers face-à-face avec des hauts responsables militaires et civils" gouvernementaux, ayant permis de "s'entendre sur une cessation des hostilités et une levée du blocus sur les services essentiels".
Mais pour Connor Vasey, du centre de réflexion Eurasia, "en pleine recrudescence des combats, aucune partie ne va être disposée à réduire son poids dans de futures négociations en faisant des compromis sur des questions-clés".
"Au lieu de cela, elles chercheront probablement à utiliser la prochaine phase des combats pour renforcer leurs positions de négociation", ajoute-t-il.
. Quel impact sur la situation humanitaire ? La trêve décidée fin mars, et globalement respectée depuis, avait permis la reprise des convois d'aide vers le Tigré, interrompus alors depuis trois mois.
La situation est catastrophique dans la région, ravagée par les combats et privée des services essentiels. Selon le Programme alimentaire mondial (PAM), 89% de la population souffrait d'insécurité alimentaire en juin et près de la moitié (47%) d'"insécurité alimentaire grave".
Les organisations humanitaires ont répété que l'aide acheminée au Tigré ces derniers mois restait largement insuffisante.
Mercredi, l'ONU s'est également alarmée que les autorités rebelles se soient emparés des 12 camions citernes du PAM, contenant 570.000 litres de carburant, stationnés à Mekele.
"Des millions de personnes mourront de faim si nous n'avons pas de carburant pour livrer de la nourriture. C'est SCANDALEUX et HONTEUX. Nous exigeons le retour de ce carburant MAINTENANT", a dénoncé sur Twitter le directeur du PAM, David Beasley.
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