La France s'engage dans le renouvellement de la composante océanique de sa force de dissuasion en lançant vendredi la conception de ses futurs sous-marins lanceurs d'engins (SNLE), tapis sous les mers pour porter le feu nucléaire.
La ministre des Armées Florence Parly se rend dans l'après-midi sur le site de la Direction générale de l'armement (DGA) de Val-de-Reuil, en Normandie (Nord), où elle doit annoncer la notification d'un contrat de "plusieurs milliards d'euros" pour la phase de "conception générale" de ces quatre sous-marins amenés à être livrés à partir de 2035, a annoncé son cabinet.
Il s'agit de remplacer les SNLE de la classe Le Triomphant en service et lancés entre 1994 et 2008. D'où leur qualification de "SNLE 3G", pour troisième génération depuis le premier SNLE français mis à l'eau en 1967.
Ces programmes s'étalent sur des durées très longues, explique-t-on au cabinet de la ministre. La phase de "conception générale", permettant de définir précisément les composants principaux du bâtiment, doit durer cinq ans et la première tôle être découpée en 2023 pour des submersibles ayant vocation à naviguer jusque dans les années 2080-2090.
S'il est "trop tôt pour estimer" le coût total du programme, qui constitue l'assurance-vie de la France face aux menaces contre ses intérêts et dont le montant a vocation à rester secret, Paris a déjà autorisé l'an passé l'engagement de 5,1 milliards d'euros pour les SNLE 3G.
Les SNLE français -au nombre de quatre pour en avoir un en permanence en patrouille- "constituent le socle de la stratégie nucléaire", rappelle Corentin Brustlein, directeur de recherches à l'Institut français des relations internationales (IFRI).
"Leur indétectabilité fait leur invulnérabilité afin qu'ils puissent être un instrument de représailles face à un agresseur potentiel", explique-t-il à l'AFP. Et donc le dissuader d'agir. Une fois en mer avec 16 missiles nucléaires à son bord, le sous-marin "se dilue dans l'océan" afin de ne pas être repéré.
Toutes les puissances nucléaires dotées d'une façade maritime ont une "aspiration à développer une force océanique", selon lui.
Les Etats-Unis doivent remplacer leurs 14 sous-marins de classe Ohio par 12 sous-marins de classe Columbia à partir de 2031. Les Britanniques doivent renouveler les leurs (4) à partir de 2028. La Russie "redéploie et renforce une composante navale sous-marine" d'une dizaine de bâtiments. Et la Chine qui, "pendant longtemps avait des SNLE qui existaient sur le papier, fait désormais de vraies patrouilles" avec ses six sous-marins Jin. Sans compter "la Corée du Nord (qui) investit également cette technologie", ajoute Corentin Brustlein.
- L'enjeu de la discrétion -
Les futurs sous-marins français seront "un peu plus longs et un peu plus lourds" que les SNLE actuels (138 mètres pour 14.300 tonnes en plongée), explique-t-on chez Naval Group, maître d'oeuvre industriel du programme avec TechnicAtome, chargé des chaufferies nucléaires.
Ils seront également composés d'un équipage mixte de 110 personnes.
Sur le plan technique, "il y aura des briques technologiques en filiation avec les bâtiments en service et quelques domaines dans lesquels il y a des ruptures technologiques liées à la furtivité", confie-t-on chez Naval Group.
Tout repose sur la discrétion acoustique, estime Corentin Brustlein. "Cela passe par la conception de chaufferies nucléaires plus discrètes sans doute, par la réduction du bruit rayonnant, c'est-à-dire le bruit produit à l'intérieur du sous-marin et qui pourrait sortir de la coque".
L'enjeu est donc de concevoir des bâtiments "discrets au moment de leur entrée en service mais aussi sur les 30-35 ans de leur durée de vie" et d'identifier les ruptures potentielles dans les technologies de détection.
Les premières études sur les SNLE 3G ont commencé il y a déjà dix ans chez Naval Group. Le programme représentera 100 millions d'heures de travail d'ici le lancement du dernier de la série en 2050 pour le groupe et les 200 sociétés parties au projet.
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