Kylian Le Reste, jugé pour avoir percuté avec son véhicule Bunyamin et Samet, neuf et sept ans, en 2019 à Lorient, tuant le premier et blessant grièvement le second, avait-il conscience de les avoir heurtés avant de s'enfuir? C'est sur ce point que les débats ont porté lundi devant le tribunal.

Le procureur de Lorient a requis huit ans de prison avec mandat de dépôt pour le principal prévenu, qui comparaissait libre, et un an avec sursis pour sa passagère.

Le 9 juin 2019, après un refus d'obtempérer, Kylian Le Reste s'enfuit à très vive allure, multipliant les infractions au code de la route, percute une voiture sans faire de blessés, avant de faucher sur un trottoir les deux jeunes cousins, frôlant un troisième. Il redémarre aussi sec, puis s'arrête et s'enfuit avec son ex-compagne Gaëlle Taugeron.

"Ça s'est passé tellement vite, entre le stress, l'adrénaline, je n'arrivais pas à contrôler tout ça. Je n'ai pas souvenir de les avoir vus", a déclaré le prévenu de 22 ans, déjà condamné pour conduite sans permis, reconnaissant toutefois avoir vu "des silhouettes".

Il comparaît en correctionnelle pour homicide involontaire aggravé, blessures involontaires, conduite sans permis avec récidive et non assistance à mineur en danger.

"J'avais pas de limites. Inconsciemment, je savais que quelque chose de grave s'était passé", a expliqué Kylian Le Reste, qui s'est enfui "affolé" pour échapper aux gendarmes, lui qui était déjà sous contrôle judiciaire pour conduite sans permis.

Quand il apprend peu après, par un ami, qu'il a percuté deux enfants, il explique avoir été "bouleversé", sans être "prêt à assumer".

D'une voix faible, Gaëlle Taugeron, 22 ans, a reconnu avoir eu "conscience des chocs", pensant qu'il s'agissait du "trottoir". "Je ne savais pas où je regardais, j'étais apeurée", a décrit la jeune femme, jugée pour non-assistance à mineur en danger.

Très ému, le conducteur du véhicule percuté décrit une "scène de guerre". "J'ai vu les corps des enfants rebondir sur la porte du garage (...) Quand je suis arrivé, le corps d'un des enfants semblait désarticulé. Quelques secondes après mon arrivée, il est décédé sous mes yeux", a déclaré Cédric Raverdy.

Samet, aujourd'hui âgé de neuf ans, souffre de graves séquelles physiques et cognitives. Il a notamment perdu l'usage d'un bras et doit être assisté pour tous les actes de la vie courante. Quasi mutique, il a simplement déclaré avoir envie de "retourner à l'école".

Diyar, dix ans, qui souffre du "syndrome du survivant" et a été éclaboussé du sang de ses cousins, a expliqué être rentré chez lui sans rien dire "de peur d'être grondé". "Il n'est pas comme avant, il se réveille la nuit, tremble. Toute la famille est morte", a lancé son père. Interrogée, la mère de Bunyamin s'est effondrée en larmes.

Le tribunal s'est longuement penché sur la relation unissant les prévenus, Mme Taugeron la décrivant comme "toxique", avec un compagnon qui l'"enfermait". Elle avait déposé plainte avant le drame pour harcèlement et violences.

"C'est +l'amour total+, vous projetiez d'habiter avec lui", a souligné la présidente du tribunal, évoquant "une emprise amoureuse mâtinée de peur".

Kylian Le Reste a concédé une relation "difficile", reconnaissant les violences, tout en expliquant avoir espéré renouer avec la jeune femme.

"Ce n'est pas un banal accident de la route, ce n'est pas une faute d'inattention, c'est une suite d'infractions, c'est une tragédie annoncée qui aurait pu être évitée", a plaidé l'avocat des victimes, Me Philippe Courtois. "Il n'y a aucun doute que Mme Taugeron et M. Le Reste ont vu les enfants, toutes les expertises le disent", a-t-il ajouté.

"C'est un vrai mépris de la loi qui dissimule un vrai mépris de la vie humaine", a dénoncé le procureur, évoquant des éléments de preuves "monstrueux" face à des dénégations qui ont "zéro crédibilité" compte-tenu des innombrables "mensonges" des prévenus.

"Il n'y a jamais eu autant d'ingrédients réunis pour que l'accident mortel arrive. La souffrance des victimes a été partagée par toute la France. On a les preuves accablantes d'une conduite assassine", a-t-il ajouté.

"M. Le Reste est quelqu'un qui soit ne parle pas, soit pleure", a rappelé son avocat Me Archibald Celeyron, évoquant "des progrès fulgurants pour dire ce qu'il ressent", invoquant "son jeune âge" et un projet d'insertion dans la soudure.

"Mon client n'avait plus la maîtrise de son véhicule. Quoi qu'il fasse, il n'aurait pas pu éviter la percussion", a-t-il ajouté.

L'avocate de la passagère, Me Elodie Grelot, a décrit une jeune femme en "stress absolu", "victime de cette conduite", et qui n'avait "à aucun moment vu les enfants, étant restée tête baissée".

Les prévenus ont formulé des excuses à l'issue des plaidoiries. Le tribunal s'est retiré pour délibérer.

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