Le débat sur les privatisations pour remplir les caisses de l'Etat, vidées par l'impact de la pandémie de Covid-19, refait surface en Allemagne et devient un enjeu politique à quelques mois des élections législatives.
C'est un proche d'Angela Merkel et du patronat, le ministre conservateur de l'Economie, Peter Altmaier, qui l'a initié en estimant que le gouvernement devrait "réduire les participations de l'Etat" au capital d'entreprises.
Cette campagne de privatisation aurait d'autant plus d'intérêt que la valeur de ces participations a "considérablement augmenté ces dernières années", vient-il de plaider dans le quotidien Die Welt.
Elle permettrait à ses yeux de couvrir une partie des dépenses publiques gonflées par la crise économique induite par le Covid-19, face à laquelle le gouvernement a déjà déboursé plus de 1.000 milliards d'euros et dû pour cela jeter aux orties sa doctrine du "zéro déficit".
- "Bizarre" -
Au sein du gouvernement de coalition entre conservateurs et sociaux-démocrates du SPD, la proposition a toutefois provoqué des vagues.
Le ministre des Finances, Olaf Scholz, candidat du SPD à la Chancellerie lors des élections législatives de fin septembre, l'a qualifiée de "bizarre".
Les entreprises où l'Etat est présent jouent un "rôle non négligeable" au moment où une "aide massive aux entreprises et aux employés (est en cours) pour atténuer les conséquences économiques de la pandémie", a-t-il expliqué.
Un autre responsable du SPD, Sören Bartol, voit, lui, ressurgir le débat des années 1990 marquées par une privatisation à marche forcée des combinats de l'ex-RDA communiste et la fin de plusieurs monopoles d'Etat à l'Ouest: "Le fait que l'Etat vende son argenterie n'était pas une bonne idée à l'époque et ne l'est pas maintenant" en pleine pandémie, estime-t-il.
La proposition de M. Altmaier surgit au moment où l'Allemagne a engagé un débat de fond sur l'avenir de sa politique budgétaire: faut-il revenir, une fois la pandémie passée, à la rigueur qui prévalait auparavant? Ou l'Allemagne doit elle durablement assouplir sa position face aux défis à venir et recourir durablement à l'endettement?
Entre 2020 et 2021, Berlin devrait déjà émettre plus de 300 milliards d'euros de nouvelles dettes, du jamais vu dans l'histoire récente du pays.
Fin janvier, un autre proche de la chancelière, le ministre conservateur à la Chancellerie Helge Braun, a jeté un pavé dans la mare dans son camp en proposant de supprimer le "frein à l'endettement" inscrit dans la Constitution nationale, qui limite drastiquement les possibilités de déficit public.
Le parti social-démocrate est de son côté favorable à des hausses d'impôts sur les revenus très élevés pour soutenir les caisses de l'Etat.
- Pactole de 50 milliards -
Côté privatisations possibles: L'Etat détient de fait un pactole dans des sociétés cotées. Il est valorisé à "50 milliards d'euros environ", indique le ministère de l'Economie à l'AFP.
Il comprend les ex-monopoles publics tels que Deutsche Telekom et Deutsche Post dont l'Etat, actionnaire minoritaire, pourrait se dégager à bon prix.
D'autres milliards d'euros sont investis dans une myriade de sociétés non cotées. Dernier exemple récent, l'entrée dans l'opérateur privé de réseaux électriques 50Hertz afin de barrer la route à un investisseur chinois et qui n'a pas vocation à être durable.
Car paradoxalement, les appels à la privatisation surviennent au moment où l'Etat allemand a entrepris de faire l'inverse: achats de minorités de blocage dans des sociétés considérées comme stratégiques face aux appétits étrangers ou étatisation partielle d'entreprises en perdition à cause du Covid-19.
L'Etat a ainsi volé au secours de la compagnie aérienne Lufthansa comme du géant du tourisme TUI.
Berlin avait aussi secouru la seconde banque allemande, Commerzbank, au pire de la grande crise financière de 2009. S'il en détient encore 15% des actions, s'en débarrasser ne sera en revanche dans ce cas pas une bonne affaire: la valeur de ces titres a chuté depuis de plus de 80%.
jpl/ylf/plh
DEUTSCHE POST
ING GROEP
COMMERZBANK
TUI AG
DEUTSCHE LUFTHANSA AG
DEUTSCHE TELEKOM