En mémoire des Bouddhas de Bamiyan, dynamités par les talibans en mars 2001, le musée du Louvre-Lens expose trois oeuvres du plasticien Pascal Convert, dont un immense polyptyque photographique de 16 mètres de long reproduisant la falaise afghane.
"Vous êtes face à la falaise du temps. Vous êtes face à l'histoire", a déclaré l'artiste lors de l'inauguration jeudi, devant le "Panoramique de la Falaise de Bamiyan", en noir et blanc, installé jusqu'à l'été 2022 dans la Galerie du temps du Louvre-Lens, fermé comme tous les lieux d'art.
En revenant d'une mission en 2016, grâce à un appareil photo robotisé qui a pris des milliers de clichés et au recours à la technique du platine-palladium, Pascal Convert a réalisé 15 épreuves, d'un mètre soixante de haut sur un mètre dix de large, captant dans les moindres détails la falaise de grès meurtrie.
Ressortent les deux immenses trous dans lesquels logeaient les deux Bouddhas, hautes de 55 et 38 mètres. Les statues, sculptées à la main au Ve siècle dans la falaise couleur caramel de Bamiyan, étaient entourées d'un réseau de caves, monastères et autres lieux saints. Aujourd'hui, on peut encore y distinguer des restes de fresques.
Après des années d'offensives destructrices dans tout le pays, les talibans, qui considéraient toute représentation d'une forme humaine comme un affront à l'islam, s'en sont pris aux Bouddhas de Bamiyan. Ils les ont d'abord attaqués avec des tirs d'artillerie pour finir par les faire exploser en mars 2001.
"L'oeuvre d'art dans sa technique, des milliers de photographies tuilées, avec l'image au sein du papier, c'est un acte de résistance. Faire ces seize mètres, la grandeur, l'ampleur, c'est en faire un objet de combat", commente M. Convert. "Si on gratte, l'image est dedans, elle résiste. Vous pouvez la laisser un siècle, elle ne bougera pas, comme la falaise".
L'exposition s'accompagne de deux autres oeuvres de Pascal Convert exposées jusqu'au 24 mai 2021- un polyptyque photographique de l'une des grottes saccagées par les talibans et un film sur les enfants- et d'un texte sur l'histoire de Bamiyan du philosophe George Didi-Huberman, qui glisse: "cela fait longtemps que les majestueux Bouddhas de Bamiyan énervent les énervés, les identitaires, les conquérants d'empires. Rien n'énerve plus un énervé que le face-à-face avec une figure sereine".
D'autres photographies de Pascal Convert sont exposées au Musée Guimet à Paris, en miroir avec des vestiges archéologiques retrouvés sur le site de Bamiyan, dans une exposition visible jusqu'au 21 juin.
jpa-jlv/rl/bow