Une musulmane indienne, victime d'un viol collectif, qui s'est produit au cours de sanglants affrontements inter-communautaires en 2002, dans l'Etat occidental du Gujarat, s'est dite "tétanisée" par la libération anticipée de ses agresseurs.
Bilkis Banon, qui était enceinte au moment de son agression, a aussi perdu sept membres de sa famille, dont sa petite fille de trois ans, assassinés par un gang d'hindous dans le Gujarat en 2002.
Onze hommes, condamnés à la prison à vie pour ces faits, sont sortis de prison lundi après y avoir purgé 14 ans.
Dans une déclaration publiée par son avocat mercredi, Mme Banon s'est dite "privée de mots".
"Je suis encore tétanisée", a-t-elle déclaré.
"J'ai fait confiance aux plus hautes juridictions de notre pays. Je faisais confiance au système, et j'apprenais lentement à vivre avec mon traumatisme", raconte-t-elle.
"La libération de ces condamnés m'ôte la paix et ébranle ma foi en la justice. Mon chagrin et ma foi vacillante n'affectent pas que moi, mais toute femme qui se bat pour obtenir justice dans les tribunaux", a-t-elle ajouté.
Jeudi, à New Delhi, une petite manifestation contre la libération de ces hommes a été organisée.
Selon un bilan officiel, quelque 1.000 personnes, pour la plupart des musulmans, ont été tuées par balle, battues ou brûlées dans ces émeutes en 2002, qui ont éclaté après la mort de 59 pèlerins hindous dans l'incendie d'un train, imputé à tort à des musulmans.
L'actuel Premier ministre indien Narendra Modi, qui dirigeait à l'époque le Gujarat, son Etat natal, avait été accusé d'avoir fermé les yeux avant d'être blanchi en 2012.
L'Etat, encore gouverné par le parti nationaliste hindou (BJP) de M. Modi, a choisi de faire coïncider l'annonce de la libération des agresseurs de Bilkis Banon avec les célébrations du 75e anniversaire de l'indépendance de l'Inde.
"La remise en liberté des 11 condamnés a été envisagée après avoir pris en compte divers facteurs, comme la durée de la prison à vie en Inde, qui est généralement de 14 ans ou plus, l'âge, le comportement de la personne, etc.", a défendu un haut fonctionnaire de l'Etat, Raj Kumar, cité par le quotidien Hindustan Times.
Le politicien de l'opposition Rahul Gandhi, petit-fils de l'ancienne Première ministre Indira Gandhi a interpelé M. Modi, sur Twitter : "Monsieur le Premier ministre (...) le pays tout entier voit la différence entre vos paroles et vos actes".
"Le parti pris du BJP pour une religion est tel que même les viols brutaux et les crimes haineux sont pardonnables", a déclaré, pour sa part, Asaduddin Owaisi, éminent politicien musulman.
L'Inde compte 1,4 milliard d'habitants dont 80% d'hindous et quelque 200 millions de musulmans.
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