Le projet de rénovation du Grand Palais a pour but de pousser les murs intérieurs et de rétablir lumière et espace, souligne l'historien d'art belge Chris Dercon, à la tête de la Réunion des musées nationaux-Grand Palais depuis 2019.
Q: Un bâtiment de 120 ans va être rénové. Sera-ce une transformation audacieuse ou une rénovation-mise aux normes classique?
R: On ne va rien réinventer. Tout était là mais il faut tout redécouvrir. Le Grand Palais, c'est un îlot, un quartier... Est-ce qu'il fallait jeter toutes les interventions du passé? Pas du tout! A nous de trouver les moments intéressants, décisifs, à garder.
Cloisonné, compartimenté, ce grand palais était de plus en plus petit, c'était devenu une black box!
On a suivi son voyage pendant tout le XXe siècle. Ca a été aussi un travail d'archéologie. Parfois des objets de 3 ou 4 centimètres nous ont amenés à dire: non, là il faut trouver d'autres solutions!
Pendant le premier confinement, j'ai eu le temps de l'explorer, jour et nuit. On a redécouvert des choses magnifiques, des couches de couleurs disparues, d'anciens graffitis, par exemple un du désigner Jean-Charles de Castelbajac.
Certains lieux étaient perdus, espaces mal aimés, parfois introuvables, souvent inutilisables.
On va donc enlever ce qui n'est pas intéressant. Ce n'est pas une simple mise aux normes, on est en train de retravailler les idées du début qui étaient complètement perdues.
Q: Quelle vision portez-vous pour ce lieu que vous définissez comme un îlot culturel?
R: Raynold Arnould, ce visionnaire, ancien directeur des Galeries nationales du Grand Palais nommé dans les années 1960 par André Malraux, disait qu'il fallait créer une maison de la culture pour le XXe siècle, il voulait aussi créer une bibliothèque pédagogique.
Ce furent les idées fondatrices aussi pour le Centre Pompidou: un forum, une piazza...
Dès les débuts du Grand Palais il a offert un mix: le salon artistique, des évènements, le salon de l'industrie. On a eu ici bien plus que des expos: par exemple Peer Gynt, de la Comédie Française, les Radio City Rockettes, Prince en concert...
On appelle cela le Zeitgeist, l'esprit du temps. Dans les musées du monde entier, on demande de faire tout: des évènements, y compris commerciaux, des expos pas seulement d'arts plastiques, mais aussi de l'architecture, de la danse, de la performance...
Une autre dimension est de retrouver la lumière verticale et horizontale. C'est une architecture de lumière: pendant la nuit aussi, la lumière de la ville entre dans le Grand Palais et c'est magnifique. C'est aussi un bâtiment de couleurs qu'il faut retrouver.
Q: Comment faire communiquer les galeries d'expositions du Grand Palais et le Palais de la découverte, faire dialoguer l'art et la science?
R: Notre situation est presque unique, depuis l'ouverture du Palais de la découverte en 1937 dans l'aile ouest.
C'est une opportunité fantastique car aujourd'hui les deux pôles de la démocratie sont les arts et la science. Et beaucoup d'artistes parlent de leur intérêt pour la science. Chez Arnault et chez Pinault, de plus en plus d'expositions tournent d'ailleurs autour de l'art et de la science.
PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN-LOUIS DE LA VAISSIERE
jlv/or