La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a confirmé jeudi l'interdiction faite par la justice française au site d'investigation Médiapart de publier les enregistrements pirates de Liliane Bettencourt au coeur de cette affaire tentaculaire.
"Les requérants n'ignoraient pas que la divulgation des enregistrements réalisés à l'insu de Mme Bettencourt constituait un délit, ce qui devait les conduire à faire preuve de prudence et de précaution", note la Cour dans son arrêt.
La juridiction paneuropéenne avait été saisie par Médiapart, contraint en 2014 par la Cour de cassation de retirer de son site des extraits d'enregistrements clandestins publiés en juin 2010 et réalisés au domicile de Mme Bettencourt, héritière du groupe cosmétique L'Oréal décédée en 2017, par son majordome.
Le gestionnaire de fortune de Mme Bettencourt, Patrice de Maistre, que l'on entendait dans les enregistrements, ainsi que Mme Bettencourt, avaient demandé le retrait des retranscriptions écrites et des enregistrements audios et obtenu gain de cause en cassation.
Ces enregistrements, au coeur de ce qui allait devenir "l'affaire Bettencourt", révélaient notamment la santé déclinante de la milliardaire mais aussi de potentielles fraudes fiscales et des immixtions politiques, faisant basculer un simple conflit de famille en une affaire d'Etat.
"L'appartenance d'un individu à la catégorie des personnalités publiques ne saurait, a fortiori lorsqu'elles n'exercent pas de fonctions officielles, comme c'était le cas de Mme Bettencourt, autoriser les médias à transgresser les principes déontologiques et éthiques qui devraient s'imposer à eux ni légitimer des intrusions dans la vie privée", estiment les juges européens, selon lesquels la France n'a pas violé l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme relatif au droit à la liberté d'expression.
Pour la Cour, la justice française a en effet sanctionné "les requérants pour faire cesser le trouble causé à une femme qui (...) n'avait jamais consenti à la divulgation des propos publiés, était vulnérable et avait une espérance légitime de voir disparaître" du site Médiapart "les publications illicites".
dsa/bdx/shu
L'OREAL