La Commission européenne a donné mercredi un mois à la Pologne pour faire cesser les activités de la chambre disciplinaire de la Cour suprême, compétente pour sanctionner les magistrats, estimant que son "indépendance et impartialité ne sont pas garanties".
L'exécutif européen, qui menace de saisir à nouveau la Cour de justice de l'UE, indique que la réponse de Varsovie à sa lettre de mise en demeure du 3 décembre n'a pas dissipé ses "inquiétudes" sur cette instance créée en 2017.
Celle-ci avait été mise en place dans le cadre de réformes judiciaires controversées du parti conservateur nationaliste Droit et Justice (PiS) au pouvoir en Pologne.
"La chambre disciplinaire de la Cour suprême continue à avoir une emprise sur les juges polonais et menace leur indépendance", a dénoncé le commissaire européen à la Justice Didier Reynders.
"La décision d'aujourd'hui est une étape supplémentaire qui, je suis confiant, portera ses fruits", a ajouté le Belge, qui s'est dit "déterminé à prendre des mesures fortes pour garantir que toutes les juridictions dans l'Union européenne puissent exercer leurs pouvoirs en totale indépendance, conformément au droit de l'UE".
Cette action entre dans le cadre d'une procédure d'infraction déclenchée en avril 2020 contre une loi polonaise permettant de sanctionner les juges qui remettent en question les réformes de la justice.
Le vice-ministre polonais de la Justice a rejeté mercredi les accusations de Bruxelles.
"La Commission peut mener la dixième étape de la procédure d'infraction, mais même l'entrer dans la onzième étape ne permettra pas à la Commission de s'immiscer dans les structures du système judiciaire polonais, du fait qu'elle relève de la compétence exclusive d'un état membre", a-t-il déclaré cité par l'agence PAP.
"Il me semble que la Commission a un problème beaucoup plus pressant à résoudre lié au système désastreux d'achat de vaccins, et c'est sur cela qu'elle devrait se concentrer", a-t-il ajouté.
Les réformes de la Justice lancées par les conservateurs, jugées attentatoires à l'indépendance des magistrats, sont dans le collimateur de Bruxelles et ont déjà donné lieu à des condamnations par la justice européenne.
La Cour de justice de l'UE avait déjà ordonné en avril 2020 la suspension provisoire des activités de la chambre disciplinaire.
"La Commission considère que la Pologne viole le droit de l'UE en permettant à la Chambre disciplinaire de la Cour suprême - dont l'indépendance et l'impartialité ne sont pas garanties - de prendre des décisions qui ont un impact direct sur les juges et sur la façon dont ils exercent leur fonction", indique un communiqué de l'exécutif européen.
Depuis avril, quelques juges polonais, critiques des réformes de la justice, ont été sanctionné par la chambre disciplinaire, malgré sa suspension provisoire.
Selon la présidente de la Cour Suprême polonaise, Malgorzata Manowska, la chambre a toujours le droit d'examiner les affaires visant à lever l'immunité des juges. Il ne s'agit pas, selon elle, de la procédure disciplinaire visée par la décision de la Cour de justice d'avril 2020, a-t-elle déclaré récemment.
"La Pologne a un mois pour répondre" et "prendre les mesures nécessaires pour se mettre en conformité avec le droit de l'UE, sinon la Commission pourrait soumettre le dossier à la Cour de justice" européenne, a indiqué mercredi l'exécutif européen.
La Commission européenne a déclenché en 2017 à l'égard de la Pologne une procédure dite de l'article 7 du traité sur l'UE.
Ce mécanisme prévu en cas "de violation grave" de l'Etat de droit dans un pays de l'Union peut en théorie déboucher sur la privation du droit de vote de ce pays mais s'avère inopérant en pratique.
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