C'est son parrain à qui il faisait confiance "comme un parent": le président du Centre national du cinéma (CNC), Dominique Boutonnat, a été mis en examen jeudi pour agression sexuelle et tentative de viol sur son filleul de 22 ans, accusations qu'il conteste.
Cette nouvelle affaire constitue un choc pour le monde de la culture secoué par de multiples cas de violences sexuelles.
Dominique Boutonnat, 51 ans, a été placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de contact avec la victime et de se rendre au domicile des parents de cette dernière, a précisé le parquet de Nanterre à l'AFP.
La plainte, déposée le 7 octobre, émane de son filleul, le fils d'une amie de longue date, pour des faits d'août dernier.
Pour l'avocat du patron du cinéma français, Me Emmanuel Marsigny, "cette mise en examen pour des faits contestés, sans qu'aucune confrontation n'ait été organisée traduit une précipitation tout à fait critiquable".
"Il s'agit pourtant d'un droit fondamental pour toute personne mise en cause de pouvoir être confrontée au plaignant avant qu'une décision de cette nature soit prise", a-t-il ajouté.
Cette mise en examen est "une étape nécessaire à la manifestation de la vérité et à la reconstruction personnelle de mon client", a de son côté réagi Me Caroline Toby, conseil du plaignant.
- "Tétanisé" -A la suite de la mise en examen, syndicats de producteurs, de réalisateurs et la CGT-Spectacle ont demandé la mise à l'écart de Dominique Boutonnat et la nomination d'une nouvelle présidence du CNC, qui de son côté n'a pas communiqué depuis que l'affaire a éclaté mercredi, malgré plusieurs sollicitations.
Selon la plainte, consultée par l'AFP, les faits se seraient déroulés lors de vacances sur l'île grecque de Kea.
Dans la nuit du 3 août dernier, les deux hommes veillent tard car le parrain "insiste". L'étudiant lui dit avoir "confiance en lui comme s'il était un parent", ce dernier lui aurait répondu le "considérer comme un fils". Ils se seraient également baignés dans la piscine, sans maillot de bain pour le filleul, selon ses dires.
Quand M. Boutonnat "l'enlace dans ses bras, assez fortement", l'étudiant se sent "mal à l'aise", raconte-t-il aux enquêteurs. Répétant être fatigué, l'étudiant indique vouloir aller se coucher.
M. Boutonnat l'aurait raccompagné.
Dans la chambre du jeune homme, son parrain aurait vanté leur relation "incroyable", "à protéger" et tenté de l'embrasser, toujours selon le récit du plaignant.
"Je ne fais rien pour le relancer, je reste stoïque", dit-il. Puis son parrain lui aurait avoué avoir déjà "eu envie" de lui. "Cette phrase me fait l'effet d'une claque", raconte l'étudiant, qui tente de "désamorcer la situation".
"Je lui dis que je suis très fatigué, que c'est gentil (...) que moi aussi je l'aime comme un filleul aime son parrain".
Mais il affirme que son parrain tente de le masturber. L'étudiant "tétanisé" décrit une "torture". "Je le masturbe pour qu'il arrête de me toucher", dit-il, ajoutant que son parrain essaie ensuite de lui imposer une fellation.
Depuis cette nuit, le filleul dit avoir "beaucoup pensé au suicide". Il raconte aussi avoir porté plainte car depuis cet été, M. Boutonnat "raconte à tout le monde (...) que je me suis jeté sur lui".
- "Un homme mort" -Le jeune homme cite "certains textos" envoyés par M. Boutonnat à ses parents, dans lesquels son parrain craindrait d'être "un homme mort" si l'affaire s'ébruitait.
Car Dominique Boutonnat, 51 ans, est un homme puissant. Président du CNC depuis le 24 juillet 2019, il a auparavant fait carrière dans le financement de la création cinématographique et audiovisuelle, après avoir travaillé chez l'assureur Axa.
C'est son frère Laurent, réalisateur et auteur-compositeur connu pour ses chansons interprétées par Mylène Farmer, qui l'avait introduit dans le monde du cinéma.
Cet ancien condisciple d'Edouard Philippe à Sciences-Po Paris avait été, selon Le Figaro, l'un des premiers soutiens à la campagne présidentielle d'Emmanuel Macron en 2017.
Cette affaire s'inscrit dans une longue série d'accusations de viol ou d'agression sexuelle concernant des personnalités du monde de la culture, les derniers en date étant l'artiste Claude Lévêque, l'acteur Richard Berry et le producteur de télévision Gérard Louvin et son mari. Tous démentent les accusations dont ils font l'objet.
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