14 juillet 2016, Nice. Il est un peu plus de 22h30, le feu d'artifice vient de finir lorsqu'un homme au volant d'un camion de 19 tonnes fonce sur la foule qui flâne sur la Promenade des Anglais.
Zigzagant pendant près de deux kilomètres pour percuter le plus de piétons possible, sur le trottoir et sur la chaussée, le conducteur tuera 86 personnes et en blessera plusieurs centaines, en quatre minutes et 17 secondes selon les enquêteurs.
Ce soir là, quelque 30.000 personnes - Niçois et touristes du monde entier, souvent en famille - sont rassemblées sur la célèbre avenue de la Côte d'Azur et sur les galets des plages qui la bordent, pour assister au feu d'artifice célébrant la fête nationale française.
Le bouquet final a été tiré et la foule commence à se disperser, lorsque le camion blanc, conduit par Mohamed Lahouaiej Bouhlel, 31 ans, s'engage sur la Promenade des Anglais.
"Je l'ai vu démarrer. J'étais en face de lui, j'ai vu le chauffeur sourire et accélérer", racontera aux enquêteurs une employée municipale qui attendait le bus.
- "Concentré sur sa tâche" -Arrivé au niveau de l'hôpital pour enfants Lenval, à 22h33 et 27 secondes comme le montrera l'analyse de la vidéosurveillance, le camion circule à vive allure sur le trottoir et commence à heurter des piétons. Il fonce notamment sur un groupe d'enfants devant un étal de vente de bonbons.
Robert Holloway, un ex-journaliste de l'AFP, remonte alors de la plage avec son épouse: "Tout à coup, à une cinquantaine de mètres, le camion a semblé surgir de nulle part, comme cabré au-dessus des têtes. Tous phares allumés, il oscillait et slalomait d'un bord à l'autre de la promenade. Dans un vacarme de métal hurlant, il a défoncé des sièges, un parking à bicyclettes et la rambarde surplombant la plage", raconte-t-il.
Certains se réfugient dans des hôtels, sautent sur les toits des restaurants de plage, se jettent à la mer et nagent le plus loin possible... D'autres restent tétanisés. "Je tenais ma fille et ma nièce, j'ai fermé les yeux, je me suis crispée de peur jusqu'à ce que le camion passe dans mon dos", racontera une femme aux enquêteurs.
John, un Sud-Africain, est frappé par le calme du conducteur. "C'est presque comme s'il jouait à un jeu vidéo. Il était juste concentré sur sa tâche: essayer d'écraser le plus de monde possible".
- Corps couverts de draps -Un cycliste, Alexandre Niguès, profite d'un ralentissement du camion pour tenter d'ouvrir la portière, côté conducteur, mais celui-ci le menace avec une arme et il lâche prise.
Un autre homme, Franck Terrier, saute de son scooter et s'accroche au niveau de la cabine, mais après avoir tenté de lui tirer dessus, le conducteur lui donne un coup de crosse qui le fait tomber au sol.
Le véhicule s'immobilise enfin, près du Palais de la Méditerranée, un luxueux complexe hôtelier. "Il était arrêté, l'avant du véhicule complètement arraché. Il n'y avait plus de capot moteur", racontera un policier aux enquêteurs.
Un homme monte sur le cale-pied côté conducteur, cherchant à intervenir avant d'être écarté par des policiers.
Bouhlel tire, les forces de l'ordre ripostent. Le conducteur est tué à 22h37 et 44 secondes, établira l'enquête. Il est retrouvé sur le siège passager du camion, avec à ses côtés un pistolet semi-automatique de calibre 7,65 et plusieurs armes factices.
"Des centaines de personnes couraient dans tous les sens. Certaines criaient. D'autres pleuraient", témoigne Valéry Hache, un photographe de l'AFP arrivé très rapidement sur place. Sur la Promenade, "il y a des corps partout, couverts de draps, blancs et bleus".
L'attentat est revendiqué le 16 juillet par le groupe jihadiste Etat islamique, qui contrôlait alors de vastes pans de l'Irak et de la Syrie, mais aucun lien direct avec l'auteur n'a été établi par l'enquête.
Des empreintes et documents retrouvés dans le poids-lourd de location permettent d'établir rapidement l'identité du tueur. Mohamed Lahouaiej Bouhlel était un chauffeur-livreur tunisien au passé violent, père de trois enfants, résidant à Nice depuis une dizaine d'années. Il se serait radicalisé quelques mois avant son acte, qu'il avait minutieusement préparé.
burs-paj/mw/iw/cbn