L'un avance, l'autre pas : pendant que le Tempest, projet de futur avion de combat britannique, vient de passer une étape clé, son rival le Système de combat aérien futur (SCAF), porté notamment par la France et l'Allemagne, stagne depuis près d'un an.
Dévoilé au salon aéronautique de Farnborough en 2018, le programme de Future Combat Air System (FCAS) a été lancé par le gouvernement britannique avec BAE Systems, Rolls-Royce, Leonardo et la branche britannique du fabricant de missiles MBDA, tous réunis dans la "Team Tempest".
L'objectif : développer pour 2035 autour d'un avion de combat furtif - conçu pour ne pas être détecté par les radars - un système incluant des drones accompagnateurs, le tout connecté via un "cloud de combat" avec les autres moyens militaires engagés dans une opération.
L'Italie et la Suède se sont rapidement jointes au programme pour développer des technologies communes, et le Japon, avec qui des coopérations sur la motorisation du futur avion et son radar sont déjà en cours, pourrait bientôt faire de même.
Le Tempest vient de franchir un important jalon à l'occasion de l'édition 2022 de Farnborough.
"Un démonstrateur de combat en vol volera dans les cinq prochaines années", a annoncé le directeur pour le combat aérien futur du ministère britannique de la Défense, Richard Berthon.
Ce préprototype doit permettre de tester et valider les technologies envisagées pour le Tempest.
"C'est une activité qui n'arrive qu'une fois par génération", a opiné Herman Claesen, directeur du programme chez BAE Systems, notant que le dernier démonstrateur remonte à "environ 40 ans" avec celui qui a donné naissance à l'Eurofighter.
À l'origine de l'Eurofighter, qui rassemble Royaume-Uni, Allemagne, Italie et Espagne, un projet d'avion de combat européen auquel participait également avec la France, dont Paris a fini par se retirer en 1985 pour lancer, seul, le Rafale.
Paris avait bien relancé une coopération avec Londres en 2014 sur un projet futur avion de combat sans pilote, avant de faire machine arrière à la suite du Brexit.
Pour tous ces pays, le développement des technologies que suppose un futur système de combat aérien constitue le moyen de conserver leur savoir-faire dans l'aviation militaire pour les décennies à venir.
Londres s'est engagé à hauteur de 2 milliards de livres (2,35 milliards d'euros) dans le programme sur la période, Rome sur 2 milliards d'euros sur 15 ans.
- "On n'est plus très loin" -Face à cela, Paris, Berlin et Madrid planchent depuis l'été 2017 sur un projet similaire au Tempest, le SCAF. Ce programme, qui doit entrer en service à l'horizon 2040, devrait avoisiner les 100 milliards d'euros, bien trop pour les finances d'un seul pays.
Mais l'éclosion du programme se fait dans la douleur : après des mois d'âpres discussions sur le partage des tâches entre les trois pays, les gouvernements ont signé fin août 2021 un accord prévoyant 3,6 milliards d'euros pour financer des études détaillées, dites de "phase 1B", en vue de lancer en 2025 la construction d'un démonstrateur en vol qui décollerait deux ans plus tard.
Et depuis, rien. Les contrats n'ont pas été passés faute d'accord entre le français Dassault Aviation et son partenaire principal Airbus, qui représente les intérêts de l'Allemagne et de l'Espagne.
Véhément, Dassault a plusieurs fois accusé ces derniers mois Airbus de jouer avec ses "lignes rouges" en formulant des "demandes complémentaires" qui reviendraient à priver l'industriel français des moyens d'assurer la maîtrise d'oeuvre dont il a la charge, allant jusqu'à menacer d'un "plan B" en cas d'échec de la coopération.
En cause, la répartition des responsabilités sur les technologies liées à la furtivité et surtout sur les commandes de vol, le "système nerveux" de l'avion.
"Nous demandions à avoir accès à beaucoup d'informations pour mieux comprendre et mieux participer à la décision, assez clairement ce sujet a été un point de blocage et on l'a compris", explique Jean-Brice Dumont, vice-président chargé des avions militaires chez Airbus.
Pour lui, "on n'est plus très loin" d'un accord.
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