La Banque d'Angleterre a annoncé jeudi une hausse de ses taux directeurs d'un demi-point de pourcentage, mesure drastique pour contrer l'inflation qui s'accélère et va selon elle plonger le Royaume-Uni en récession pour plus d'un an.
Le choix de la BoE de relever son principal taux à 1,75%, soit une hausse de 50 points de base, la plus forte augmentation depuis 1995, risque aussi de peser sur l'économie en rendant les emprunts plus coûteux.
L'inflation britannique devrait, selon le rapport de politique monétaire, poursuivre son escalade à plus de 13% en octobre, un record depuis fin 1980, après avoir déjà atteint en juin 9,4% sur un an.
De quoi compliquer la tâche du futur Premier ministre, en pleine campagne des Conservateurs pour la succession de Boris Johnson qui voit les débats accaparés par la crise aigüe du coût de la vie traversée par les britanniques.
La flambée des prix du gaz depuis le début de l'invasion russe de l'Ukraine fait notamment prévoir à la banque centrale une hausse douloureuse, de 75%, du plafond des prix de l'électricité facturée aux consommateurs en octobre.
Les dégâts seront lourds pour l'économie: "Nous prévoyons une contraction de la production chaque trimestre" entre les trois derniers mois de 2022 et les trois derniers de 2023, prévient la Banque d'Angleterre (BoE).
Et "la croissance après cette période restera très faible", ajoute-t-elle, avec une hausse de 3,5% en 2022, mais une première contraction du PIB de 1,5% en 2023 et une deuxième de 0,25% en 2024.
- "Sympathie" -"J'ai de la sympathie pour ceux qui se demandent pourquoi nous relevons nos taux maintenant et rendons la vie plus difficile", a assuré Andrew Bailey, gouverneur de la BoE, lors d'une conférence. "Mais l'option alternative est pire", a-t-il insisté.
"Notre travail, c'est d'éviter que l'inflation s'installe au delà de deux, trois ans", comme elle l'avait fait dans les années 1970, complète Ben Broadbent, membre du comité de politique monétaire.
Selon la BoE, mieux vaux ainsi agir plus fort maintenant que de voir le cycle de durcissement de la politique monétaire s'installer dans la durée.
M. Bailey a indiqué que pour les réunions à venir, "toutes les options seront sur la table" et que la lutte contre l'inflation restait sa priorité.
La BoE suit l'exemple de la Réserve fédérale américaine et de la Banque centrale européenne, qui ont choisi de monter leurs taux de respectivement 0,75 et 0,50 point de pourcentage en juillet.
La banque centrale britannique a indiqué qu'elle voterait aussi, en septembre, sur la possibilité de commencer à vendre activement les obligations qu'elle détient dans le cadre de son programme de rachats d'actifs.
- Critiques politiques -"L'hiver arrive et s'annonce comme une horreur absolue pour l'économie britannique", commente Laith Khalaf, analyste de AJ Bell, jugeant que si une hausse de 0,50 point est historique "elle est éclipsée par les prévisions économiques épouvantables de la Banque d'Angleterre".
Pour Paul Dales, de Capital Economics, la BoE risque d'avoir à remonter ses taux à "3% en début d'année prochaine". Mais il estime que la récession pourrait être moins marquée que la Banque ne le prévoit.
La décision de la BoE a été amplement commenté par le monde politique.
Liz Truss, en tête dans la course à Downing Street, affirme vouloir changer le statut de la BoE pour qu'elle vise plus directement l'inflation, mais propose aussi des baisse d'impôts critiquées pas ses opposants.
"Mes baisses d'impôts sont nécessaires, nous pouvons les payer et elles ne doperont pas l'inflation", a affirmé Mme Truss dans un communiqué.
Mais toute politique qui ferait augmenter l'emprunt public "conduira à une inflation élevée (...) qui rendra tout le monde plus pauvre", argue son adversaire Rishi Sunak sur Twitter.
"Je ne vais pas commenter ce qui pourrait se passer" en cas de baisses d'impôts, a évacué M. Bailey jeudi devant la presse, mais il a rappelé qu'"une des forces de la BoE était son indépendance".
Si la BoE a été l'une des premières grandes banques centrales à remonter ses taux fin 2021, certains économistes estiment pourtant que des hausses dès le milieu de l'année dernière auraient permis de juguler l'inflation avant qu'elle ne décolle.
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