Traitements "sordides", de grosses sommes récoltées de la mendicité: 18 Roms bulgares comparaissent à partir de lundi devant le tribunal correctionnel de Toulouse, soupçonnés de blanchiment d'argent et de traite d'êtres humains sur une trentaine de leurs compatriotes.
Lancée en mai 2017 après la plainte d'un Bulgare, l'enquête avait permis d'identifier cinq réseaux parallèles opérant depuis un camp du nord de Toulouse, chacun dirigé par une famille de Roms bulgares originaires de la région de Pleven.
Leur mode opératoire? Recruter des personnes, parfois mineures, en Bulgarie, et leur promettre un avenir meilleur en France grâce aux gains conséquents de la mendicité.
Mais arrivés dans la Ville rose, les chefs de ces réseaux leur confisquaient leurs papiers d'identité, récupéraient la totalité de l'argent récolté et infligeaient des traitements "sordides" à ceux qui ne ramenaient pas assez, selon la brigade criminelle et de répression des atteintes aux personnes (BCRAP).
"L'un des mendiants s'est fait rouler dessus par une voiture, un homme a été attaché toute la nuit à un arbre et battu à coup de câble électrique, un homme a reçu des coups de couteau, un autre un coup de feu", avait confié à l'AFP le responsable de la Sûreté départementale au moment de l'arrestation des prévenus.
Les enquêteurs avaient par ailleurs observé des flux financiers de plusieurs milliers d'euros vers la Bulgarie: les pièces récoltées étaient échangées contre des billets auprès des commerçants locaux, ensuite acheminés par voie routière ou via des organismes de transfert de fonds.
Parmi les 18 Bulgares jugés --11 hommes et sept femmes--, seul un comparaît libre.
- "Misérables vs miséreux?" -"Ils contestent avoir contraint qui que ce soit à mendier, étant eux-même des misérables qui vivaient dans des conditions d'une précarité extrême au camp", affirme à l'AFP Me Alexandre Martin, l'avocat de l'une des cinq familles impliquées.
"Tout le débat sera de savoir si ces misérables ont profité de plus miséreux qu'eux", dit-il.
Les enquêteurs confirment que les prévenus vivaient au milieu du camp "de façon discrète". Mais en Bulgarie, ils menaient grand train, avec "grosses cylindrées et maisons luxueuses".
La région de Pleven dans le nord de la Bulgarie, d'où sont originaires à la fois les prévenus et les victimes de l'affaire, est l'une des plus démunies dans ce pays le plus pauvre de l'Union européenne.
La minorité Rom, estimée à environ 9% de la population de 6,9 millions d'habitants, est largement illettrée, plongée dans la misère et fait objet de nombreux préjugés.
Selon une étude publiée en avril 2020, 21,6% des Bulgares déclarent "haïr" les Roms et 15% ont "peur" d'eux.
Les prévenus "ont vécu eux-même la situation des victimes, avec une enfance de misère où il fallait obéir au père et lui porter l'argent de la mendicité", indique à l'AFP Me Christian Etelin, un autre avocat de la défense.
"On peut dire la Bulgarie c'est l'Europe, c'est merveilleux, mais il y a des zones là-bas où on est quasiment au Moyen-Age, avec un fonctionnement proche du tribalisme", dit-il, affirmant qu'ils "reproduisent ici le seul schéma qu'ils connaissent, dans la perspective de se sortir d'affaire".
En 2014, un procès similaire avait eu lieu à Marseille, où le tribunal correctionnel avait condamné à des peines allant de quatre à sept ans d'emprisonnement six membres d'une famille de Roms bulgares pour avoir exploité la mendicité de six compatriotes et la prostitution d'une jeune femme.
Parmi les 33 victimes à Toulouse--31 hommes, une femme et un enfant de sept ans--, 32 sont volontairement retournées en Bulgarie.
Le procès est prévu jusqu'au 27 janvier.
mer/vk