Un emploi saisonnier annulé qui laisse démuni, une reconversion qui tourne court, un job étudiant perdu qui oblige à changer de voie et parfois un rêve qui se réalise: le Covid-19 a bousculé le parcours professionnel de jeunes adultes en France, comme ailleurs.
Les jeunes sont les plus touchés par les conséquences économiques de la pandémie, avec un taux de chômage de 17,1% pour les moins de 25 ans en janvier dans la zone euro, selon les dernières chiffres de l'office européen des statistiques. En France, près d'un sur cinq ne travaille pas.
Voici les parcours de cinq jeunes Français sur un an, entre périodes de confinements (du 17 mars au 10 mai puis du 30 octobre au 15 décembre 2020), couvre-feux, fermeture prolongée des bars et des restaurants, des remontées mécaniques et des frontières.
- Saisonnière dans les Alpes, Amandine se retrouve démunie -
Depuis plus de cinq ans, Amandine, 31 ans, alternait son emploi au gré des saisons, l'hiver dans la très chic station de ski de Megève, l'été dans la très huppée station balnéaire de Saint-Tropez (sud).
Depuis septembre, elle disposait d'une promesse d'embauche dans une épicerie fine de Megève. Installée fin novembre avec son compagnon dans un appartement, elle devait commencer début décembre.
Mais avec les restrictions pour contenir l'épidémie, les remontées mécaniques sont à l'arrêt, les stations de montagne ont perdu l'essentiel de leurs touristes.
Son employeur repousse à deux reprises le début de son contrat. Il explique "qu'il n'y a pas de fréquentation et donc pas d'embauche" et "me dit +dès janvier, je te mets au chômage partiel+". La jeune femme ne peut "pas tenir éternellement" avec un loyer de 900 euros sans revenus.
Finalement, mi-janvier, Amandine, qui préfère rester anonyme, reçoit un SMS: elle ne sera pas embauchée de la saison. "Je suis hyper dégoûtée: je suis dans une situation plus que précaire, sans revenus, sans chômage, avec des frais énormes sur Megève". Loin d'être seule dans cette situation, elle ne trouve aucun emploi de substitution.
"On travaille dans l'ombre (...) et on se retrouve à être complètement démunis", dit-elle. "On est des milliers à être comme ça, ça fait des mois que ça dure et on ne sait pas où on va".
- Drae loupe un emploi et rate sa reconversion de barman -
Début 2020, Drae, 22 ans, venait de se réorienter vers le métier de barman après avoir tourné le dos au secteur de l'industrie pour lequel il s'était destiné avant de réaliser que ce n'était "absolument pas" ce qu'il voulait faire.
Il entame une formation, interrompue par le premier confinement. Quand il l'achève, le secteur de la restauration est l'un des plus touchés par la paralysie de l'économie.
"J'ai galéré comme pas possible" pour trouver du travail. En octobre, Drae, qui a pris un nom d'emprunt, finit par décrocher un job dans une franchise de restaurant en Lorraine (est), "un très bon début".
Avant de démarrer, il doit faire deux semaines d'apprentissage. Mais "le dernier jour, juste avant de signer mon contrat à durée indéterminée, est tombée l'annonce magnifique du deuxième reconfinement".
Le jeune homme est privé de contrat "à un jour près" alors qu'il a quitté le domicile familial dans la perspective d'un salaire. "J'avais déménagé pour me rapprocher de mon travail" avec un loyer de 370 euros à payer.
Aujourd'hui, aidé par sa famille, il gagne un peu d'argent en donnant des cours de jeu vidéo en ligne. "Si ça continue, j'aurais pas le choix, je vais faire une croix sur mon rêve de bar" et repartir vers l'industrie.
- Cécilia perd son job étudiant et abandonne ses ambitions -
Cécilia Falduzza, 21 ans, finançait sa "très coûteuse" école d'ostéopathie avec un emploi de serveuse. Avec la crise sanitaire, elle est "virée de son job étudiant" et se retrouve "dans l'incapacité de payer" son école.
"C'était vraiment le métier" qu'elle voulait faire, dit-elle. "Ç'a été un moment très très dur, avec beaucoup de cris, de larmes et un fort sentiment d'injustice".
"Mais je n'avais pas le choix, il fallait avancer, me construire un avenir". Avec son baccalauréat (diplôme français de fin d'études secondaire) Sciences et technologies de la santé et du social, elle peut se réorienter vers le métier d'infirmière.
"Je me suis dit +peut-être que ça pourrait vraiment me plaire+ et au final que peut-être je serais plus épanouie".
"Mais le fait de ne pas avoir pu poursuivre mes études d'ostéopathe sera un regret que j'aurai toujours en moi et ma préoccupation première quand j'aurai des enfants sera qu'ils n'aient pas à travailler pour payer leur école".
- Ses parents touchés par le Covid-19, Déborah décide de devenir infirmière -
Au début de l'épidémie en France, Déborah Gauer, 28 ans, perd sa mère et voit son père plongé dans le coma. La situation la pousse à se poser "les bonnes questions" et aboutit au choix de quitter son métier pour devenir infirmière.
Comptable "depuis à peu près dix ans", elle avait choisi cette voie sans grande conviction et déjà décidé de faire un bilan de compétences.
Mais "beaucoup de choses se sont passées pendant cette période: j'ai perdu ma maman à cause du Covid le 18 mars. Mon père, endormi en premier, était dans le coma pendant cinq semaines et demi".
A son réveil, il avait perdu 25 kilos, "deux-trois jours après, les infirmières lui ont annoncé le décès de ma mère", raconte-t-elle.
Elles "ont été tellement gentilles. Je pense que c'est ça qui m'a aussi motivée: toute l'aide qu'elles nous ont apportée, un jour j'aimerais aussi l'apporter", dit la jeune femme, désormais préinscrite au concours pour une école d'infirmière.
Avant le Covid, elle ne s'était "jamais envisagée dans cette voie-là".
- Inoccupée dans le tourisme, Elizabeth étudie, démissionne et change de métier -
Elizabeth, 31 ans, était employée d'une agence de tourisme spécialisée sur la Russie à Paris. "J'étais responsable du service croisières mais je m'occupais aussi un peu des ressources humaines car ça me plaisait".
Avec la fermeture des frontières, l'activité se réduit à peau de chagrin. Le chiffre d'affaires passe de 9 millions d'euros fin 2019... à 500.000 euros en 2020.
"A partir de juillet, je n'avais que quatre ou cinq heures de travail par semaine et ça m'a donné le temps de faire à distance une licence en ressources humaines pour avoir davantage de compétences".
En novembre, ne voyant pas de fin à la crise, la jeune femme regarde le marché du travail et obtient rapidement deux entretiens. "En janvier je démarrais comme responsable RH dans une société de services numériques de 35 personnes. La crise a été pour moi une opportunité".
soc-lyo/dp/ybl