Des marchés en ville aux hameaux isolés parmi les volcans, les indigènes d'Equateur font campagne pour les élections de dimanche, misant sur la popularité du soulèvement d'avant la pandémie et sur Yaku Perez, leur premier candidat présidentiel depuis quinze ans.

"Le mouvement d'octobre 2019 nous a donné un mandat (...) une identité politique", lance une des figures de la mobilisation, Leonidas Iza, parmi les bannières arc-en-ciel du parti Pachakutik ondulant au vent.

Poncho rouge, longue tresse et jean noir, ce leader des manifestations - qui se sont soldées par 11 morts, 1.340 blessés et ont fait vaciller le pouvoir du président Lenin Moreno - est venu soutenir les candidats aux législatives.

Tracts en main, entre étals de ferblanterie et de bananes plantain, ils arpentent le marché de Latacunga, chef-lieu de la province de Cotopaxi, à 90 km au sud de Quito.

"Quel que soit le gouvernement à venir, il va devoir traiter avec la position du mouvement indigène et des secteurs populaires" unis dans la protestation déclenchée par une hausse des prix des carburants, déclare-t-il à l'AFP.

Parmi la foule, des voix s'élèvent: "Iza, Iza, le peuple te soutient!", témoignant de la popularité du président du Mouvement indigène et paysan du Cotopaxi (MICC). "Je ne suis pas candidat. Je défends le mouvement", riposte-t-il en riant.

Pour la présidentielle, le Pachakutik, bras politique de la Confédération des nationalités indigènes d'Equateur (Conaie), a misé sur Yaku Perez.

A 51 ans, cet écologiste de gauche "semble davantage concilier les secteurs qui ont vu octobre d'un mauvais oeil, comme une émergence radicale de gauche", a précisé à l'AFP l'analyste Franklin Ramirez.

Sa candidature "essaie d'occuper un espace plus centriste, qui tente de se distancier à la fois de" l'ex-banquier de droite Guillermo Lasso, 65 ans, et d'Andrés Arauz, 35 ans, dauphin de l'ex-président socialiste Rafael Correa (2007-2017), ajoute ce politologue de la Faculté latino-américaine de sciences sociales (Flacso).

Le dernier candidat présidentiel indigène, Luis Macas, n'avait obtenu que 2,2% des voix en 2006, et avant lui Antonio Vargas 0,9% en 2002.

Cette année, Yaku Perez atteint 12% des intentions de vote, contre 32% pour Andrés Arauz et 21% pour Guillermo Lasso selon le dernier sondage publié par l'institut Market, et "pourrait définir un éventuel second tour" en avril, estime l'analyste.

Mais le vote indigène a "retrouvé de la vigueur" à la faveur de la révolte de 2019, ajoute-t-il, et il pèse plus par son "projet politique pluri-ethnique", au delà de la défense des autochtones, qu'en termes démographiques.

Les 14 peuples autochtones d'Equateur ne représentent en effet que 7,4% de la population, selon le dernier recensement en 2010. Leur candidat présidentiel, de l'ethnie Kañari, argue cependant d'études anthropologiques selon lesquelles 25% des 17,4 millions d'Equatoriens sont autochtones.

Son profil séduit Bertha Quishpe, infirmière au chômage en dépit de la pandémie de Covid-19, qui compte plus de 250.000 cas, dont près de 15.000 morts.

"J'aspire à un pays meilleur, plus constructif, plus honnête (...) J'appuie Yaku parce qu'il est simple, humble. Il est de la campagne comme nous, il connaît notre réalité", explique cette mère célibataire de 38 ans, déplorant les "humiliations" subies par les indigènes comme elle, dont 60% vivent dans la pauvreté.

Elle salue Leonidas Iza alors qu'il grimpe dans un pick-up rouge: cap sur une communauté isolée du paramo, lande humide des Andes.

Après une route bordée d'eucalyptus, d'énormes aloès et de cactus en fleurs, puis une piste de galets gris qui grimpe à plus de 3.500 m d'altitude, il rejoint d'autres militants et candidats dans le hameau de Cusubamba. Un haut-parleur hurle des slogans électoraux.

Mais avant la politique, la convivialité: le leader indigène ôte son poncho et un match enfiévré de volley s'engage dans un pré barré d'un filet fixé à plus de quatre mètres de haut, entre deux troncs d'arbre.

Le ballon s'envole sous le regard amusé de femmes coiffées de chapeaux de feutre. Assises dans l'herbe, elles étudient le tract plaidant notamment pour une distribution équitable de l'eau, l'accès à l'éducation, contre l'extraction minière "irresponsable" et la corruption.

"Comme indigènes, nous voulons quelque chose de meilleur que ce que nous subissons", argue Selia Ortiz, 41 ans, appauvrie par les prix trop bas des produits agricoles et des taux d'intérêt trop élevés.

Le Pachakutik espère remporter 17 à 24 des 137 sièges de l'Assemblée nationale et ainsi, selon Leonidas Iza, réformer les lois sur les terres, l'eau, promouvoir une régulation de la production agricole afin que les paysans, majoritairement indigènes, couvrent leurs coûts et puissent vivre décemment.

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