"Ils ne m'ont jamais promis 50.000 euros": un ex-paparazzi niçois, jugé pour son rôle présumé dans l'enlèvement de l'hôtelière Jacqueline Veyrac, a assuré vendredi que ses co-accusés l'avaient impliqué à son insu, lui faisant croire à une affaire d'adultère.
"J'ai toujours été du bon côté, je me retrouve mêlé à un truc sordide à l'insu de mon plein gré", a affirmé Luc Goursolas devant la cour d'assises des Alpes-Maritimes.
Celui que les rédactions et les policiers niçois surnomment "Tintin" soutient que le trio accusé d'être à l'origine du rapt, le 24 octobre 2016, de Jacqueline Veyrac, 80 ans, après une première tentative en décembre 2013, ne lui a "jamais parlé d'enlèvement, ni de remise de rançon".
Deux balises GPS, retrouvées sous le 4x4 de Mme Veyrac et reliées à son téléphone, l'accusent. Il a reconnu les avoir posées quelques jours avant l'enlèvement, à la demande des principaux accusés, Philip Dutton, un SDF britannique passé par l'armée, et Giuseppe Serena, un restaurateur italien en rogne contre les Veyrac.
M. Serena a tenu moins d'un an et demi à la tête de La Réserve, une adresse gastronomique avec vue sur mer, que les Veyrac lui avaient confiée en location-gérance, un échec ruineux dont il est soupçonné d'avoir voulu se venger.
Pour sa défense, Luc Goursolas assure qu'il n'aurait jamais pris le risque de poser à mains nues une balise reliée à son téléphone et aurait plutôt utilisé une nanobalise plus chère, plus discrète et mieux cachée: "Les services de police ne l'auraient pas trouvée ou alors, il aurait fallu désosser la voiture !".
Il affirme aussi que M. Serena l'a sollicité pour surveiller son compagnon adultère, une prestation à 500 ou 1.000 euros, "les tarifs pour un mari cocu". "Ils ne m'ont jamais promis 50.000 euros, sinon j'aurais compris qu'il y avait une embrouille", affirme-t-il.
- "C'est pas glorieux" -L'enquête a pourtant démontré qu'il n'a jamais dénoncé ses co-accusés, ni alerté la police durant la séquestration de Mme Veyrac, enfermée à l'arrière d'un Renault Kangoo et qui s'est libérée au bout de 48 heures, avec l'aide d'un passant.
Il a certes approché un ancien policier en retraite pour "tout balancer", assure-t-il à la cour, mais il a renoncé à le suivre au commissariat.
Vêtu d'une veste de costume gris sur un col roulé, il comparaît libre, prend des notes durant les audiences (qui sont prévues jusqu'au 29 janvier) et répond à la barre avec une bonhomie qui ne masque pas son inquiétude.
"J'ai perdu pied et j'ai été un peu lâche, c'est peut-être à cause de ça qu'elle a passé une deuxième nuit dans le camion (...), c'est pas glorieux", admet-il: "J'essayais de trouver une solution pour me sortir de là".
Agé de 50 ans, Luc Goursolas raconte qu'il "traîne depuis l'âge de 16 ans dans les commissariats" en quête de tuyaux ou sollicité par des policiers pour apporter son concours avec son matériel, qu'il a fait "des centaines de scoops", flirtant avec la légalité, comme pour son activité de détective privé, "un peu illicite, sans carte pro, au +black+", convient-il.
Au procès, le tribunal s'est étonné voire offusqué du mélange des genres avec la police incarné par M. Goursolas. Au propre comme au figuré, "Tintin" avait ses entrées chez les policiers, mangeant à la cafétéria, sachant taper le code des portes au grand commissariat niçois de la caserne Auvare.
"Il faisait partie de notre univers, nous rendait des services pour trouver des endroits pour planquer, toujours disponible, gentil, serviable. On utilisait sa voiture. On lui avait même monté un gyrophare, une deux-tons. Il avait un brassard de police", a témoigné un retraité de la sûreté urbaine. "Il faisait partie des meubles, nous aidait et faisait des articles de presse", a dit une enquêtrice, devenue son amie.
Au moment de l'enlèvement, la casier judiciaire de M. Goursolas était vierge. Mais cette fois, ce ne sont pas les foudres d'un élu, d'une star ou de Monaco qu'il encourt pour des clichés volés, mais la perpétuité pour complicité d'enlèvement.
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