Les querelles fratricides entre indépendantistes bousculent la campagne électorale en Écosse: blanchi d'accusations d'agressions sexuelles, l'ancien dirigeant Alex Salmond a effectué un retour fracassant en politique vendredi en lançant un parti concurrent de son ancienne formation, actuellement au pouvoir.
L'ancien Premier ministre écossais de 66 ans a annoncé dans un discours créer le parti Alba ("Écosse", en gaélique écossais) en vue de former "une supermajorité au Parlement écossais pour l'indépendance" à l'issue des élections locales du 6 mai, dont les indépendantistes voudraient faire un tremplin pour organiser un nouveau référendum d'autodétermination.
"La stratégie du parti est claire et sans ambiguïté: parvenir à un pays indépendant qui réussit, juste sur le plan social et responsable sur le plan de l'environnement", a-t-il expliqué.
Alex Salmond a longtemps été l'homme fort de l'Écosse, dirigeant pendant 20 ans le Scottish National Party (SNP), dont il a fait le plus grand parti local. En 2014, il avait jeté l'éponge après la victoire du "non" au référendum sur l'indépendance. Il anime ces dernières années une émission sur la chaîne d'information RT, financée par l'Etat russe.
S'il affirme vouloir renforcer la majorité indépendantiste au Parlement, son annonce consacre des mois de déchirements entre indépendantistes.
Alex Salmond en conflit ouvert avec Nicola Sturgeon, qui lui a succédé, au sujet de la gestion par cette dernière d'accusations d'agressions sexuelles sur plusieurs femmes, dont il a été blanchi par la justice en 2019.
Il a mis en cause son ancienne protégée dans ce qui à ses yeux constituait un complot pour l'écarter de la vie publique.
Mise en place pour faire la lumière sur cette affaire, une commission parlementaire a conclu dans son rapport publié mardi que Nicola Sturgeon avait "trompé" le Parlement au sujet d'une réunion sur cette affaire.
Mais une enquête indépendante distincte a exonéré Nicola Sturgeon de toute violation du code de conduite ministériel, apportant une victoire majeure à la dirigeante, renforcée par le rejet mardi au Parlement d'une motion de défiance la visant.
Si elle est parvenue à défendre son poste, cette affaire a laissé des traces dans l'opinion, les sondages récents traduisant un affaissement du soutien au SNP et à l'indépendance.
- "Revanche" -
En 2014, les Écossais ont voté à 55% pour le maintien au sein du Royaume-Uni. Mais le Brexit, contre lequel la province britannique avait voté à 62% en 2016, a donné des ailes aux velléités d'indépendance.
La gestion très critiquée de la pandémie de coronavirus par le gouvernement de Boris Johnson a accentué la tendance, le Royaume-Uni étant le pays les plus touché en Europe avec plus de 125.000 morts.
Grand favori, le SNP espère décrocher le 6 mai une majorité telle au Parlement local qu'elle rendrait intenable la position du gouvernement de Boris Johnson. Ce dernier refuse toute nouvelle consultation, au motif qu'un tel vote ne doit avoir lieu qu'une fois par génération.
Le SNP a accueilli froidement l'annonce de son ex-dirigeant, dénonçant via un porte-parole ce retour en politique comme motivé par "un intérêt personnel" qui risquerait "d'occulter" celui des Écossais.
L'incapacité de M. Salmond à "montrer des signes de réflexion sur les graves préoccupations concernant sa propre conduite" soulèverait selon son ancienne formation "de réelles questions" sur la pertinence d'un retour.
Assurant ne pas vouloir affaiblir son ancienne formation dans un vote hybride mêlant listes et circonscriptions, Alba ne compte pas présenter de candidats dans les circonscriptions, évitant d'y affronter frontalement des élus du SNP qui pourraient perdre au profit de partis unionistes.
"Une majorité constituée de plusieurs partis en faveur de l'indépendance" constituerait une position plus "forte" pour entamer les négociations avec le pouvoir central en vue d'un nouveau référendum, a plaidé M. Salmond.
"Boris Johnson a déjà dit non aux propositions du SNP. Il aura beaucoup plus de mal à dire non à un parlement et à un pays" entier, a estimé l'ex-Premier ministre.
Mais l'opposition travailliste a balayé ces arguments: "Tout cela est une affaire de revanche plus que de référendum", a jugé le leader du Labour écossais, Anas Sarwar, sur la BBC.
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