L'infirmière Drahoslava Letakova passe une main dans ses cheveux, s'appuie contre un mur et, les yeux humides, raconte en quelques mots son quotidien épuisant en ces temps de pandémie.

"Que je suis ici tout le temps? Que je n'ai pas de temps libre? Que je n'ai pas eu de vacances depuis plus de six mois? C'est bien ça, ma vie professionnelle", dit-elle d'une voix douce.

Mme Letakova est infirmière en chef au service de médecine interne dans un hôpital de la ville de Stod en République tchèque, le pays qui enregistre actuellement les taux d'infection au Covid-19 par habitant les plus élevés au monde.

L'hôpital, qui se trouve dans l'Ouest de ce pays de 10,7 millions d'habitants, prend en charge les patients vivant dans un périmètre de 50 kilomètres.

"Je commence à 6 heures du matin, tous les jours, et reste aussi longtemps que nécessaire. Je rentre chez moi quand il fait nuit", déclare l'infirmière qui a environ 90 personnes à sa charge, au lieu des 50 patients habituels.

"Certaines jeunes infirmières portent des compteurs kilométriques, elles font plus de dix kilomètres par jour, rien que dans le service", dit-elle à l'AFP alors qu'on entend quelqu'un tousser violemment dans une pièce voisine.

Son établissement est en proie à un afflux constant de nouveaux patients.

La République tchèque a enregistré 1,2 million de cas et 20.000 décès depuis le début de la pandémie, et le rythme quotidien de croissance oscille en ce moment autour de 15.000 nouveaux cas chaque jour.

Le ministère tchèque de la Santé a indiqué mardi que le pays se trouvait à bout de ses capacités en soins intensifs.

"Nous ne pouvons en aucun cas maintenir les normes actuelles des soins de santé, il y a des ralentissements et des reports dans les soins non-Covid. Le système dans son ensemble est proche d'atteindre ses limites", a déclaré le vice-ministre Vladimir Cerny.

L'hôpital de Stod est un bon exemple. Son directeur, Miroslav Zabransky, rejette la responsabilité sur la souche britannique du virus qui se propage à travers le pays.

"Très souvent, la situation avec des lits libres change en l'espace d'une heure. Nous avons maintenant cinq lits libres mais nous risquons d'avoir tout à l'heure deux patients supplémentaires sans place" libre, indique-t-il à l'AFP.

L'hôpital a transformé son service de médecine interne en une unité Covid, tandis que les patients non-Covid ont été transférés en gynécologie et en chirurgie.

"Les gens des services Covid sont épuisés. Souvent, ils ne peuvent pas partir en vacances, et quand ils peuvent, ils n'ont nulle part où aller. La charge mentale est la pire", souligne M. Zabransky.

Il considère les vaccins comme "une lumière au bout d'un tunnel", mais un déploiement lent et des problèmes d'approvisionnement rendent cette lumière faible.

La République tchèque est confinée partiellement. Des querelles légales opposent le gouvernement populiste et l'opposition au sujet du resserrement des mesures anti-virus.

Le gouvernement n'a pas décrété un confinement plus strict jeudi malgré des appels de plus en plus forts en faveur des mesures plus serrées qui avaient aidé le pays à combattre la première vague de la pandémie au printemps.

Tout en parlant à l'AFP, Mme Letakova salue une jeune infirmière en civil qui quitte la salle après le déjeuner.

"Elle a un petit enfant en quarantaine", soupire-t-elle.

"Mes filles ont besoin de congés. Les vacances de printemps arrivent et je dois leur accorder du temps" libre, souligne l'infirmière en chef, tout en sachant que cela augmenterait sa charge de travail.

M. Zabransky se dit ouvert à l'aide offerte par l'Allemagne voisine, mais ces propositions ont jusqu'à présent rencontré un accueil mitigé de la part le gouvernement tchèque.

Le directeur de l'hôpital refuse de fournir des données sur le nombre de patients Covid-19 soignés à Stod depuis le début de l'épidémie.

"Je n'ai pas encore fait mes calculs. Je pense que le pire est encore à venir", dit-il.

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