Le géant français de l'eau et des déchets Suez s'activait lundi pour échapper à l'OPA hostile de son concurrent Veolia, déterminé à créer un grand groupe mais dont l'assaut est désormais examiné par la justice et le gendarme boursier.
Le président de Suez, Philippe Varin, a appelé à une "solution négociée". "Nous ne pouvons pas accepter que Veolia veuille démanteler Suez, comme il le prévoit", a-t-il lancé une nouvelle fois, sur Franceinfo.
Ce nouveau round a commencé dimanche soir quand Veolia a annoncé lancer une offre publique d'achat sans l'accord de Suez, rompant son engagement précédent, et poussant ce dernier à saisir en urgence le tribunal de commerce de Nanterre.
Celui-ci a ordonné tôt lundi matin à Veolia de suspendre le lancement de son OPA, dans l'attente d'un débat au fond sur ses précédents engagements d'amicalité.
Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a dans la foulée annoncé que le gendarme de la Bourse allait être saisi.
"Cette offre n'est pas amicale et cela contrevient aux engagements qui ont été pris à plusieurs reprises par Veolia. Elle pose aussi des questions de transparence. Pourquoi est-ce que, subitement, cette offre a été déposée?", a-t-il déclaré sur Europe 1.
Selon l'ordonnance en référé du tribunal de commerce, consultée par l'AFP, Suez devra délivrer une assignation sur le fond à Veolia, en vue d'une première audience le 18 février. La procédure, faite d'échanges d'écritures entre les parties, pourrait prendre un à trois mois.
Mais dans le même temps, Veolia a formellement déposé lundi à 07H00 son offre auprès de l'Autorité des marchés financiers (AMF), affirmant n'avoir reçu avis de la décision de justice qu'à 07H23.
"Nous l'avions déposée avant. Nous maintenons donc que notre offre est valable", a déclaré son PDG Antoine Frérot à la presse.
Dans un avis publié en fin d'après-midi, l'AMF n'a rien dit sur le fond et s'est bornée à déclarer qu'elle "examinera(it) le moment venu la conformité du projet d'offre publique".
Mais Veolia y a vu la preuve d'une première manche gagnée, puisque la publication même de l'avis confirme, selon un communiqué du groupe dans la soirée, que l'offre "a été valablement déposée ce matin".
"Cette offre répond donc au souhait de la direction de Suez de se voir présenter une offre d'achat formelle", poursuit Veolia.
- Appel au "cessez-le-feu" -"Veolia passe en force", a déploré Franck Reinhold von Essen (CGT), de l'intersyndicale de Suez. "C'est le Trump du capitalisme à la française."
Dans un marché mondial de plus en plus concurrentiel, Veolia veut créer un "super champion français" du secteur, et a lancé son offensive fin août.
Le groupe a déjà acheté en octobre 29,9% du capital de son concurrent auprès de l'énergéticien Engie. Et il a justifié dimanche sa décision de lancer une OPA sur le reste des actions par le fait que "ses tentatives répétées d'amicalité se sont toutes heurtées à l'opposition" de Suez.
Il propose 18 euros par action sur les 70,1% de Suez restant, soit une opération de 7,9 milliards d'euros (l'action Suez a terminé à 17,17 euros à la clôture lundi).
La direction de Suez, soutenue par les syndicats, dit redouter une casse sociale et industrielle. Mi-janvier, Suez avait fait état d'une proposition alternative de reprise par les fonds Ardian et GIP, appelant Veolia à dialoguer.
Après des mois de guérilla judiciaire et d'échanges acerbes par médias interposés, Antoine Frérot et le directeur général de Suez, Bertrand Camus, se sont finalement vus vendredi. Mais les deux projets sont difficiles à concilier, entre fusion d'une part et maintien de deux groupes de l'autre.
La commission des affaires économiques du Sénat, qui a monté un groupe de travail sur ce dossier, a appelé le gouvernement à "imposer un cessez-le-feu et promouvoir une solution concrète".
L'Etat est le premier actionnaire d'Engie, qui était lui-même le principal actionnaire de Suez avant de vendre ses parts en octobre. Veolia les a rachetées, et attend désormais l'assemblée générale annuelle de Suez, prévue d'ici juin.
Le groupe espère finaliser son projet de fusion d'ici 8 à 14 mois, après accord des autorités de la concurrence.
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