Veolia annonce une OPA sur son concurrent Suez, aussitôt suspendue par la justice: l'affrontement des deux champions français du secteur de l'eau et des déchets est brusquement monté en intensité, avec l'Autorité des marchés financiers en arbitre.
Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a annoncé que le gendarme de la Bourse de Paris allait être saisi. "Cette offre n'est pas amicale et cela contrevient aux engagements qui ont été pris à plusieurs reprises par Veolia. Elle pose aussi des questions de transparence. Pourquoi est-ce que, subitement, cette offre a été déposée ? Donc nous allons saisir l'Autorité des marchés financiers dès ce matin", a expliqué M. Le Maire sur Europe 1.
Le tribunal de commerce de Nanterre, saisi en urgence dimanche soir par Suez, s'est réuni dans la nuit, selon les avocats du requérant. Dans son ordonnance, il ordonne à Veolia de suspendre le lancement de toute OPA contre son concurrent, dans l'attente d'un débat au fond sur ses précédents engagements d'amicalité.
Le tribunal ordonne à Veolia "de ne pas rendre l'Autorité des marchés financiers (AMF) destinataire d'un projet d'offre public ni d'initier d'offre publique sur les titres de Suez non préalablement approuvée par le conseil d'administration de Suez", indique l'ordonnance en référé, prise après la décision de Veolia, annoncée dimanche soir, de lancer son OPA sans l'accord de Suez.
Suez devra délivrer une assignation sur le fond à Veolia, en vue d'une première audience le 18 février, ajoute le tribunal. La procédure, faite d'échanges d'écritures entre les parties, pourrait prendre un à trois mois.
Mais dans le même temps, Veolia a formellement déposé lundi à 07H00 son offre auprès de l'AMF, expliquant n'avoir reçu avis de la décision de justice qu'à 7h23.
"Nous l'avions déposée avant. Nous maintenons donc que notre offre est valable", a déclaré son PDG Antoine Frérot à la presse, ajoutant à l'imbroglio général.
L'AMF a simplement indiqué pour sa part qu'elle "communiquera sur le dossier le moment venu."
- "Pas sincère" -Veolia, qui a acheté en octobre 29,9% du capital de son grand concurrent auprès de l'énergéticien Engie, a décidé dimanche de lancer son OPA sur le reste des actions, estimant que "ses tentatives répétées d'amicalité se sont toutes heurtées à l'opposition" de sa cible.
Son conseil d'administration a décidé de lancer une offre publique d'achat au prix de 18 euros par action, sur les 70,1% restant, soit une opération de 7,9 milliards d'euros.
Dans un marché mondial hyper concurrentiel, Veolia veut créer un "super champion français" du secteur et a lancé ouvertement son offensive fin août.
Mais la direction de Suez, soutenue par les syndicats, s'oppose au projet de fusion, dont elle redoute une casse sociale et industrielle. Elle s'alarme en particulier du sort de l'activité Eau, que Veolia devra revendre pour respecter les règles de la concurrence.
Mi-janvier, Suez a annoncé une proposition alternative de reprise par les fonds Ardian et GIP, appelant Veolia à dialoguer.
Après des mois de guérilla judiciaire et d'échanges acerbes par médias interposés, Antoine Frérot et le directeur général de Suez Betrand Camus se sont finalement vus vendredi.
Mais les deux positions semblent peu conciliables, entre projet de fusion de l'un et souhait de maintien de deux groupes indépendants de l'autre.
"Suez n'est pas sincère quand il prétendait vouloir discuter, il ne voulait que gagner du temps (...). M. Camus non seulement a refusé de suspendre les travaux avec les deux fonds, mais il n'a cessé de me proposer de discuter de leur offre et non pas de la mienne", a relaté Antoine Frérot lundi, brandissant la menace d'"un projet financier" porté par "un fonds américain" (GIP).
Quant à M. Le Maire, "c'est quand même Bercy qui a initié toute l'opération en demandant à Engie en juillet de clarifier sa stratégie", a répliqué M. Frérot. L'Etat est le premier actionnaire d'Engie qui était lui même le principal actionnaire de Suez avant de vendre ses parts en octobre. Veolia les a rachetées.
Après avoir semblé soutenir le projet de Veolia, le gouvernement a réclamé un projet amical puis voté, en vain, contre la cession des actions d'Engie. La Caisse des dépôts, actionnaire à 6,1% de Veolia, s'est récemment dite prête à soutenir "une solution négociée qui permettrait de consolider deux grands groupes français".
Lundi, M. Frérot n'a pas souhaité dire si le vote de son conseil sur le lancement de l'OPA avait été unanime ou pas.
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