La reconnaissance des maladies professionnelles, qui permet l'indemnisation des victimes du travail, introduite par la loi du 25 octobre 1919, reste très insuffisante, estiment des sociologues auteurs d'un ouvrage présenté lundi.

Aujourd'hui encore, "plus de 40% des déclarations n'aboutissent pas à une reconnaissance (en maladie professionnelle); cette sous-reconnaissance reste massive et durable", a dit Jérôme Pélisse, co-auteur de l'ouvrage, intitulé "Cent ans de sous-reconnaissance des maladies professionnelles" (Presses des Mines), dans le cadre d'un débat organisé par le centre de sociologie des organisations (Sciences Po/CNRS).

Consacré "aux effets du travail sur la santé" et à leur prise en charge insuffisante par les pouvoirs publics, ce qui rend souvent "invisibles les origines professionnelles de nombreuses maladies et décès", le livre se veut un "plaidoyer pour une meilleure reconnaissance et indemnisation des maux du travail", selon M. Pélisse, co-auteur avec Catherine Cavalin, Emmanuel Henry et Jean-Noël Jouzel.

L'ouvrage rassemble des contributions d'historiens et de sociologues et analyse "l'inertie" du système, construit autour de la notion de "présomption d'imputabilité" (si une pathologie est inscrite dans le tableau des maladies professionnelles, le salarié n'a pas à prouver le lien direct qui existe entre sa maladie et son travail, NDLR).

Alain Carré, médecin du travail, a salué un ouvrage pointant enfin les raisons de "l'indignation", au vu d'un "système opaque et organisé" qui "dépasse largement les frontières du territoire", le livre évoquant des problèmes similaires en Belgique, en Espagne et au Brésil.

Pour lui, la "complexité" des procédures "augmente sans cesse pour les victimes et leurs ayants droit" et leur "dématérialisation" risque "d'exclure un nombre phénoménal de gens qui n'y auront pas accès". Le médecin déplore aussi un "manque de traçabilité réelle" des dangers potentiels comme les agents chimiques dangereux ou les critères rendus "inatteignables" pour la reconnaissance de la pénibilité.

Jean-Noël Jouzel, l'un des quatre auteurs, a déploré que le nombre restreint de maladies professionnelles recensées dans les tableaux officiels, comparées au nombre d'agents et de facteurs cancérogènes, "relève plus du rapport de force entre partenaires sociaux que des connaissances scientifiques".

Il a souligné lui aussi les difficultés des victimes à faire reconnaître leurs droits, lors d'un "parcours du combattant", faute de "présomption d'imputabilité" dans de "très nombreux cas" comme les dégâts causés par "les pesticides".

L'ouvrage met en lumière "les inégalités d'accès au repérage" des maladies professionnelles, "qui ne saurait reposer sur les généralistes et cancérologues seuls", a salué la cancérologue Béatrice Fervers.

Une proposition de loi sur la réforme de la santé au travail, qui se veut axée sur la prévention, doit être examinée par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale à partir de mardi.

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