Les neuf soldats français tués par un bombardement ivoirien le 6 novembre 2004 à Bouaké (Côte d'Ivoire) ne sont "pas morts pour rien", ont souligné mardi plusieurs de leurs camarades rescapés, au deuxième jour du procès de cette affaire qui reste entourée de zones d'ombre.
"Qu'on ait les pilotes (auteurs du bombardement) ou pas, qu'ils soient condamnés ou pas, ça ne changera rien aux choses", a déclaré à la barre le capitaine Xavier Boivert, chargé de la logistique sur le camp français bombardé ce jour-là.
La mission de paix française de l'époque en Côte d'Ivoire - éviter un embrasement sanglant entre le sud loyaliste et le nord rebelle - "a peut-être contribué à éviter" plus de drames, a souligné l'ex-officier à l'allure juvénile, aujourd'hui fonctionnaire, dans son costume bleu roi.
"Ça fait partie du métier, et j'en suis très fier, ça avait un sens pour moi. Je ne veux pas que parce qu'on cherche (des coupables), on oublie tout cela", a-t-il martelé. "On a tous vécu un choc terrible", mais ça reste "un fait de guerre".
Avocat de nombreuses parties civiles, Jean Balan l'apostrophe en affirmant que ce bombardement n'était pas une bavure ivoirienne mais une "manipulation" française destinée à renverser le président Laurent Gbagbo qui aurait mal tourné.
Xavier Boivert ne souscrit pas. "Pour moi, ils sont morts au combat. Ce sont au pire des erreurs dans le cadre de la guerre", juge-t-il. Les victimes sont "un drame absolu", mais "on fait notre travail, parfois au sacrifice de nos vies, et certains ont plus de chance que d'autres", conclut le témoin, en estimant que lui-même, rescapé, n'est "pas une victime".
Un peu plus tôt, le lieutenant Thierry Brice, à l'époque chef du camp français de Bouaké, avait également refusé de se considérer comme une "victime", estimant que tout militaire partant "à la guerre" connaît les risques encourus.
"Le bombardement est une tragédie, mais ce n'est pas le premier, et pas le dernier", a expliqué cet officier expérimenté en uniforme d'apparat mastic, képi et gants blancs à la main.
Trois hommes, un mercenaire biélorusse et deux officiers ivoiriens soupçonnés d'être les pilotes auteurs du bombardement sont poursuivis pour assassinat et jugés en absence jusqu'au 16 avril devant la cour d'assises de Paris.
L'enquête n'est pas parvenue à déterminer qui avait donné l'ordre du bombardement et avec quelles complicités.
emd/pa/dch