Ethiopie: le gouvernement "consterné" par la position des envoyés américain et de l'UE #
Le gouvernement éthiopien a exprimé sa "consternation" aux envoyés spéciaux américain et européen de retour du Tigré, leur reprochant d'avoir fait leur les pré-conditions aux négociations de paix exigées par les rebelles de la région au lieu de les pousser à discuter.
Un conflit armé oppose depuis novembre 2020 le gouvernement fédéral éthiopien aux autorités rebelles du Tigré, issues du Front de libération du Peuple du Tigré (TPLF). Les deux parties se disent prêtes depuis plusieurs semaines à engager des négociations, sans avancée concrète jusqu'ici.
En visite en Ethiopie, les envoyés spéciaux respectifs des Etats-Unis et de l'Union européenne pour la Corne de l'Afrique, Mike Hammer et Annette Weber, se sont rendus mardi à Mekele, capitale du Tigré, en compagnie d'ambassadeurs européens, pour "encourager le lancement des discussions" entre gouvernement et TPLF "sous les auspices de l'Union africaine".
A leur retour, "je me suis entretenu avec l'équipe de diplomates et ai exprimé la consternation du gouvernement", a annoncé mardi soir sur Twitter Redwan Hussein, conseiller à la Sécurité nationale du Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed.
Les diplomates "n'ont pas fait pression pour un engagement sans équivoque envers des pourparlers de paix, préférant se prêter au jeu de l'apaisement et des pré-conditions exigées" par les autorités rebelles du Tigré, dénonce-t-il.
Mardi, les deux envoyés spéciaux avaient réclamé dans un communiqué conjoint le rétablissement des services de base (électricité, télécommunications, banques) dont le Tigré est privé depuis plus d'un an, la levée de restrictions gouvernementales sur l'acheminement "d'argent liquide, de carburant et d'engrais" ainsi qu'un "accès humanitaire illimité" à la région.
M. Redwan souligne que "concernant le rétablissement des services, le gouvernement a réaffirmé sa disposition et réitéré les préalables, c'est-à-dire que soient créées des conditions favorables et un semblant de paix par l'entame de pourparlers".
Lundi, cité par la télévision officielle tigréenne, le chef des rebelles du Tigré, Debrestsion Gebremichael, avait à nouveau répété qu'aucune discussion ne commencerait avant que soient rétablis les services essentiels au Tigré.
Selon M. Redwan le communiqué des deux envoyés spéciaux "reprend la fable de +l'accès humanitaire illimité+, lequel a été réglé depuis longtemps: aucune limite au nombre de vols, pas plus sur le nombre de camions transportant de l'aide. La question du carburant a aussi été réglée", affirme-t-il.
Fin juillet, l'ONU affirmait néanmoins que "le manque de liquidités et de carburant au Tigré nuit lourdement à la distribution de nourriture au Tigré", où des millions de personnes ont besoin d'aide alimentaire.
Les combats ont quasiment cessé au Tigré depuis une trêve fin mars, mais la région reste coupée du reste du pays. A la faveur de la trêve, le gouvernement a autorisé la reprise de l'acheminement par la route de l'aide humanitaire, interrompu pendant trois mois, mais la situation humanitaire reste très difficile au Tigré.
ayv/blb
Ethiopie: le ventre vide, des Afar regardent passer les camions d'aide vers le Tigré #
Depuis un camp de fortune en contrebas d'une route de la région Afar, Abdu Robso, éleveur déplacé par la guerre dans le nord de l'Ethiopie, regarde, la faim au ventre, les camions d'aide alimentaire monter sans s'arrêter vers le Tigré, source de ses malheurs.
"Pourquoi toute cette nourriture va au Tigré et ne nous nourrit pas ?" s'interroge ce quinquagénaire coiffé d'un kofia, au visage émacié orné d'une barbiche blanche, montrant quelque 350 camions blancs du Programme alimentaire mondial (PAM) qui serpentent lentement.
L'axe relie Djibouti - où débarque l'aide internationale - au Tigré, région où a éclaté en novembre 2020 un conflit entre les autorités rebelles du Front de libération du Peuple du Tigré (TPLF) et le gouvernement fédéral éthiopien. Coupée du reste du pays, la région est au bord de la famine.
Comme des dizaines d'hommes, femmes et enfants originaires d'Abala, ville frontalière du Tigré, Abdu Robso survit avec presque rien à Erebti, localité à une soixantaine de km de chez lui, par plus de 40°C, à l'abri de bâches tendues sous des arbres.
La dizaine de milliers d'habitants d'Abala a fui en toute hâte une nuit de janvier quand les forces tigréennes l'ont bombardée depuis les hauteurs et envahi le nord de l'Afar.
Des jours de marche puis des heures en camion ont conduit Abdu Robso, son épouse et plusieurs de ses 22 enfants dans un camp de déplacés à des centaines de kilomètres de là.
Mais depuis que le TPLF a évacué l'Afar fin avril, les autorités de la région enjoignent les déplacés à rentrer, promettant de l'aide. "Nous avons accepté et nous voilà ici sans rien", constate Abdu Robso.
En fin de matinée, rien ne cuit sur les foyers du camp restés éteints. Les plus faibles dorment. Les enfants mangent quelques fruits cueillis dans les arbres.
"Les camions acheminant l'aide au Tigré passent ici. Et nous ? Qu'avons-nous fait de mal ? Pourquoi aucune aide n'arrive ici ? Nous aussi nous avons faim", s'insurge Aldim Abdela, berger de 28 ans.
"La raison, c'est que le Tigré a des dirigeants forts et pas nous", croit savoir Moustapha Ali Boko, 45 ans, qui "ressent une discrimination immense de la part de la communauté internationale".
Selon lui, le TPLF sait mobiliser la forte diaspora tigréenne et les réseaux tissés dans la diplomatie internationale durant les 27 ans que le parti a gouverné l'Ethiopie.
Le directeur du PAM en Ethiopie, Claude Jibidar, l'assure: en plus du Tigré, "le PAM a toujours distribué de la nourriture en Afar (...) on en parle moins, mais cela continue".
Pourtant, à Erebti "certains dorment le ventre vide" et "il n'y a pas de médicaments", souligne Moustapha Ali Boko: "On n'a rien reçu des autorités, seulement de l'Apda", une ONG locale.
Pour une des responsables de cette organisation, Valerie Browning, qui critique l'action du PAM dans la région tout en admettant une récente amélioration, "les Afar n'ont jamais été pris en compte dans les calculs de personne, ni du gouvernement d'Ethiopie, ni du monde".
"Aucun Afar ne veut que les Tigréens meurent de faim, c'est évident. Mais d'un autre côté, le monde, les Tigréens et le gouvernement d'Ethiopie ne devraient pas vouloir que les Afar meurent de faim (...) et malheureusement c'est ce qui se passe".
Cette infirmière australienne dit "n'avoir jamais vu de problèmes aussi extrêmes" dans cette région où elle vit depuis 33 ans, où "la situation humanitaire est au-delà de la crise", une sécheresse inédite s'ajoutant aux conséquences de la guerre.
Fin juillet, l'ONU faisait état de "taux d'insécurité alimentaire et de malnutrition particulièrement alarmants" en Afar, notamment chez les déplacés.
Mais comment rentrer chez soi quand il n'y a plus rien ?
Moustapha Ali Boko et Abdu Robso reviennent d'Abala. "Nos maisons sont détruites et notre bétail a disparu", explique le premier. "Toute la ville a été pillée", rentrer "c'est impossible", renchérit le second.
Abala est une ville fantôme enveloppée d'un silence macabre, ont constaté des journalistes de l'AFP. Les commerces sont tous totalement vides. Ce qui n'a pas été emporté jonche la rue principale.
L'hôpital est dévasté. Appareils de réanimation, de radiologie, couveuses et lits dépérissent à l'extérieur. Fenêtres, portes, matériel ont été détruits, les matelas emportés. La réserve a été pillée, le générateur mis en pièces.
Seule une dizaine de familles vivent en ville. Dont celle d'Ali Mohammed. Sa fille blessée lors des combats, il n'a pas pu fuir très loin et il a retrouvé sa maison où les rebelles "ont pris beaucoup de choses".
"Les conditions sont très dures. La farine est pleine de charançons, nous tamisons, mais (...) elle a un goût aigre. Nous n'avons ni huile ni oignons, nous mangeons du berbéré (mélange local d'épices) mélangé à de l'eau", détaille ce fermier de 45 ans.
"Je n'ai aucune raison d'aller ailleurs, c'est ici chez moi", lance-t-il, mais "il n'y a pas de médicaments, pas d'eau, nous buvons l'eau de la rivière et nous tombons malades".
Comptant sur l'aide promise par le gouvernement, il souhaite que les autres habitants rentrent car "ici, nous vivons avec les singes et les chiens errants".
ayv/sva/jhd
Ethiopie: Washington et Bruxelles réclament le retour des services essentiels au Tigré #
Les envoyés spéciaux américain et européen pour la Corne de l'Afrique, de retour d'une rare visite au Tigré, ont réclamé mardi le rétablissement des services de base et la levée de restrictions dans cette région d'Ethiopie en guerre depuis novembre 2020 avec le gouvernement fédéral.
Les combats ont quasiment cessé au Tigré depuis une trêve en mars, mais la région reste coupée du reste du pays et privée d'électricité, de télécommunications et de services bancaires depuis que les autorités rebelles tigréennes en ont repris le contrôle quasi-total courant 2021.
L'acheminement d'argent et de carburant par les agences humanitaires y est depuis aussi restreint par le gouvernement fédéral.
Les autorités rebelles du Tigré ont fait du rétablissement de ces services un préalable aux négociations de paix annoncées avec le gouvernement.
Les envoyés spéciaux respectifs de l'Union européenne et des Etats-Unis pour la Corne de l'Afrique, Annette Weber et Mike Hammer, "ont effectué leur première visite conjointe à Mekele", capitale du Tigré, "pour encourager le lancement des discussions entre le gouvernement fédéral d'Ethiopie et le Front de libération du Peuple du Tigré (TPLF) sous les auspices de l'Union africaine", selon un communiqué conjoint.
Ils "conviennent qu'un rétablissement rapide de l'électricité, des télécommunications, des services bancaires et autres services de base au Tigré est essentiel pour la population du Tigré".
Les deux envoyés spéciaux indiquent que le chef des autorités rebelles du Tigré, Debretsion Gebremichael, a remis une lettre à transmettre au gouvernement éthiopien garantissant la sécurité des personnes envoyées dans la région pour y rétablir les services essentiels.
"Avec cette garantie en matière de sécurité, il ne devrait pas y avoir d'obstacle au début du rétablissement des services" essentiels au Tigré, disent-ils.
Il estiment aussi "impératifs l'accès humanitaire illimité au Tigré et aux régions voisines de l'Afar et de l'Amhara touchées par le conflit, ainsi que la levée des restrictions" gouvernementales sur l'acheminement au Tigré "d'argent liquide, de carburant et d'engrais".
L'ONU estime que le manque d'argent liquide et de carburant "nuit lourdement" à la distribution de l'aide alimentaire aux millions de personnes qui en ont besoin dans la région.
"Le dialogue politique est nécessaire pour résoudre le conflit dans le nord de l'Ethiopie et permettre une paix durable", indiquent les deux diplomates qui "se félicitent de l'engagement public des deux parties à entamer des pourparlers et à soutenir une médiation africaine".
Ils demandent aussi aux belligérants de coopérer avec la Commission d'enquête mise en place par l'ONU sur les violations des droits humains commises depuis le début du conflit et de lui "permettre l'accès aux zones de conflit (...) afin qu'elle puisse mener une enquête crédible".
Les trois membres de cette commission, créée en décembre 2021 pour une période d'un an renouvelable par le Conseil des droits de l'Homme des Nations unies, se sont rendus en Ethiopie entre les 25 et 30 juillet, où ils ont réclamé au gouvernement éthiopien l'accès illimitée aux zones concernées.
Durant leur visite, ils ont "rencontré plusieurs personnes pour discuter de plusieurs aspects de leur mandat", parmi lesquels des responsables du gouvernement, dont le vice-Premier ministre Demeke Mekonnen et le ministre de la Justice Gedion Timotheos, indique le Conseil dans un communiqué.
Avec les responsables du gouvernement, "la Commission a discuté des modalités de coopération, notamment de l'interprétation de son mandat, et a réitéré sa requête d'accéder aux zones concernées par son enquête", selon le Conseil des droits de l'Homme.
"Elle espère que le gouvernement lui accordera sans délai un accès illimité, afin qu'elle puisse visiter les sites et discuter librement et de façon confidentielle avec les témoins et personnes d'intérêt".
Après avoir, à sa création, refusé de coopérer avec cette commission, le gouvernement éthiopien avait donné son feu vert à sa venue en Ethiopie.
Il a indiqué le 25 juillet qu'il était possible qu'il "reconsidère sa position sur la question de la coopération" avec la Commission si celle-ci "respecte la position du gouvernement" sur divers points et "si un accord est trouvé sur (ses) modalités d'action".
ayv/cpy
Ethiopie: Washington et Bruxelles réclament le retour des services essentiels au Tigré #
Le rétablissement des services essentiels au Tigré est "indispensable", ont estimé mardi les envoyés spéciaux américain et européen pour la Corne de l'Afrique, de retour de cette région du nord de l'Ethiopie en conflit depuis novembre 2020 avec le gouvernement fédéral.
Les combats ont cessé depuis une trêve en mars, mais la région est coupée du reste du pays et privée depuis plus d'un an d'électricité, de télécommunications et de services bancaires.
L'acheminement d'argent et de carburant par les agences humanitaires y est restreint par le gouvernement fédéral.
Les autorités rebelles du Tigré, qui ont repris le contrôle de l'essentiel de la région courant 2021, ont fait du rétablissement de ces services un préalable aux négociations de paix annoncées avec le gouvernement.
Les envoyés spéciaux respectifs de l'Union européenne et des Etats-Unis pour la Corne de l'Afrique, Annette Weber et Mike Hammer, ont effectué leur première visite conjointe à Mekele", la capitale du Tigré, "pour encourager le lancement des discussions entre le gouvernement fédéral d'Ethiopie et le Front de libération du Peuple du Tigré (TPLF) sous les auspices de l'Union africaine", selon un communiqué conjoint publié mardi.
Ils "conviennent qu'un rétablissement rapide de l'électricité, des télécommunications, des services bancaires et autres services de base au Tigré est essentiel pour la population du Tigré".
Les deux envoyés spéciaux indiquent que le chef des autorités rebelles du Tigré a remis une lettre à transmettre au gouvernement éthiopien garantissant la sécurité des personnes envoyées dans la région pour y rétablir les services essentiels.
"Avec cette garantie en matière de sécurité, il ne devrait pas y avoir d'obstacle au début du rétablissement des services" essentiels au Tigré, disent-ils.
Il estiment aussi impératifs "l'accès humanitaire illimité au Tigré et aux régions voisines de l'Afar et de l'Amhara touchées par le conflit, ainsi que la levée des restrictions" gouvernementales sur l'acheminement au Tigré de "l'argent liquide, du carburant et des engrais".
L'ONU estime que le manque d'argent liquide et de carburant "nuit lourdement" à la distribution de l'aide alimentaire dans la région.
"Le dialogue politique est nécessaire pour résoudre le conflit dans le nord de l'Ethiopie et permettre une paix durable", indiquent les deux diplomates qui "se félicitent de l'engagement public des deux parties à entamer des pourparlers et à soutenir une médiation africaine".
Ils demandent aussi aux belligérants de coopérer avec la Commission d'enquête mise en place par l'ONU sur les violations des droits humains commises depuis le début du conflit et de lui "permettre l'accès aux zones de conflit (...) afin de lui permettre de mener une enquête crédible".
ayv/sva/cpy
La guerre en Ethiopie a restreint la liberté de la presse, selon le CPJ #
Le conflit ayant éclaté en novembre 2020 dans le nord de l'Ethiopie a accéléré la détérioration de la liberté de la presse et effacé les progrès entrevus à l'arrivée au pouvoir en 2018 d'Abiy Ahmed, estime le Comité de protection des Journalistes (CPJ).
Au 1er décembre - date du recensement annuel de l'organisation -, 16 journalistes éthiopiens étaient emprisonnés, plaçant alors l'Ethiopie à égalité de l'ultra-répressive Erythrée voisine au rang des pires geôliers de journalistes d'Afrique subsaharienne, souligne le CPJ dans un communiqué reçu mardi par l'AFP, même si seuls huit reporters le sont encore.
"Le conflit entre gouvernement fédéral et forces rebelles du Front de libération du Peuple du Tigré (TPLF) a déclenché une répression des médias qui a éteint la lueur d'espoir allumée par les premières réformes du Premier ministre Abiy Ahmed" dans ce qui fut "l'un des pays les plus censurés au monde" lorsque le TPLF gouvernait l'Ethiopie entre 1991 et 2018, selon le CPJ.
"La lutte pour le contrôle de la narration de la guerre est l'une des principales raisons de l'hostilité croissante envers la presse" en Ethiopie où "journalistes et commentateurs exprimant une voix discordante ou produisant un journalisme indépendant sont susceptibles d'être arrêtés, menacés, expulsés ou de subir d'autres formes d'attaques".
Selon l'organisation, 63 journalistes ont été arrêtés depuis le début de l'offensive gouvernementale contre les autorités rebelles du Tigré le 4 novembre 2020, dont huit sont toujours détenus au 1er août, plusieurs ont été agressés ou intimidés et deux ont été assassinés.
Le CPJ dénonce aussi l'abus de longues détentions provisoires de journalistes souvent sans inculpation ultérieure.
Dans un deuxième communiqué, le CPJ réclame ainsi la libération de Temesgen Desalegn, rédacteur en chef du magazine en langue amharique Fitih, en détention depuis le 26 mai et une vague d'arrestations dans la région de l'Amhara, où grandit un mécontentement contre le gouvernement.
Fin juillet, selon le CPJ, la Cour suprême a annulé la décision judiciaire remettant en liberté sous caution M. Temesgen, accusé de divulgation de secrets militaires et de publication d'informations inexactes, haineuses ou subversives visant à démoraliser la population, deux infractions passibles respectivement de cinq et dix ans de prison.
"Un abus tellement flagrant du système judiciaire est honteux", dénonce Muthoki Mumo, représentante du CPJ pour l'Afrique subsaharienne, demandant aux autorités de "cesser de criminaliser le travail journalistique".
La répression de la presse "intervient dans un contexte de violations des droits humains de la part de tous les belligérants", note également le CPJ qui a en juillet réclamé la libération de cinq journalistes détenus au Tigré, sous contrôle du TPLF.
ayv/md/as