Coup d'envoi sans fanfare du procès Natixis pour sa communication au début de la crise de 2008 #
Achetées fin 2006 pour 19 euros pièce, les actions de la banque Natixis ne valaient plus grand-chose lors de leur revente "en catastrophe", se désole Jean-Pierre, petit actionnaire présent lundi pour l'ouverture du procès de l'établissement bancaire pour des faits datant d'il y a... 14 ans.
Natixis, filiale du groupe bancaire mutualiste BPCE, est jugée depuis lundi pour deux semaines au tribunal correctionnel de Paris pour avoir sous-estimé dans sa communication lors de la crise des "subprime" de 2008 son exposition indirecte à celle-ci.
C'est la première fois qu'une banque est jugée en France pour des faits liés à la crise, mais seule une quinzaine de personnes ont assisté à l'ouverture du procès, et l'amende encourue, 7,5 millions d'euros au maximum, est symbolique au regard de la taille de la banque.
Le premier jour a essentiellement consisté en un long propos liminaire de l'un des magistrats du tribunal, rappelant les faits visés par la procédure et détaillant l'évolution d'un certain nombre d'échanges internes au sein de Natixis au moment de la crise des subprime.
Très technique, cet exposé truffé d'anglicismes et d'acronymes a replongé la salle plus de dix ans en arrière, dans l'univers financier enfiévré d'alors où valsaient pêle-mêle les produits financiers sophistiqués, les transactions en centaines de millions de dollars et les montages juridiques complexes.
"J'avais été alléché par l'offre de Natixis", entré en Bourse en 2006, s'est souvenu pour l'AFP Jean-Pierre Zuryk, 50 ans, fonctionnaire, croisé devant la salle d'audience.
"J'ai acheté 51 actions au prix de 19 euros pièce, pour constater quelques années plus tard que ça ne valait plus que deux, trois euros", explique à l'AFP ce petit porteur présent lundi au tribunal.
Aujourd'hui, l'action Natixis reste aux alentours de quatre euros. Et BPCE est en train de racheter les parts des actionnaires minoritaires pour retirer Natixis de la cote.
"J'ai dû vendre en catastrophe, parce que j'ai eu un gros souci personnel; j'ai presque tout perdu", raconte Jean-Pierre Zuryk, disant espérer de cette procédure une indemnisation.
"Ce sont des gens, pour beaucoup, qui ont été conduits en décembre 2006, pressés par leur conseiller à investir, à acheter des actions Natixis. On leur disait que c'était l'équivalent d'un livret A de caisse d'épargne", a dit Alain Géniteau, avocat des parties civiles, à l'AFP. "L'attitude de Natixis? Une totale indifférence, on n'est pas dans le même monde. Eux, ils parlent franglais, nous, on parle français."
En novembre 2007, dans un communiqué sur ses résultats du troisième trimestre de l'année, la banque française avait indiqué que les risques portés par la banque sur les "subprime", un type de crédit hypothécaire distribué aux États-Unis, étaient "limités".
La crise coûtera finalement cher à la jeune banque, qui verra son cours s'effondrer, passant de 19,55 euros lors de son introduction en Bourse fin 2006, à moins d'un euro par action en 2009.
C'est à cette époque que de petits actionnaires emmenés entre autres par l'Association pour la défense des actionnaires minoritaires (Adam) avaient saisi la justice, l'organisation portant plainte pour "diffusion d'informations trompeuses" et "présentation de comptes inexacts".
Seuls deux communiqués de 2007 ont donné lieu à la mise en examen de Natixis en 2017, soit dix ans après les faits.
Le renvoi devant le tribunal ne concerne que l'un des deux, celui portant sur les résultats du troisième trimestre, l'autre ayant abouti à un non-lieu du juge d'instruction.
Les audiences s'étendront sur sept demi-journées, entre le 29 et le 1er avril, puis du 6 au 8 avril.
Si la justice juge que Natixis a volontairement sous-estimé son exposition pour tromper le marché, la banque risque jusqu'à 7,5 millions d'euros d'amende.
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