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Rwanda : le général Lecointre dénonce des "accusations insupportables" contre l'armée française #

3/21/2021, 8:04 PM
Paris, FRA

Le chef d'état-major des Armées françaises, le général François Lecointre, a jugé dimanche "insupportables" et "complètement folles" les accusations sur le rôle de l'armée française pendant le génocide des Tutsi au Rwanda en 1994.

"Je lis des accusations que je trouve insupportables et complètement folles", a déclaré François Lecointre, qui a lui-même participé à l'opération Turquoise organisée par la France au Rwanda - il était alors capitaine - sur la chaîne BFM TV.

"il est fou d'imaginer que les soldats qui ont été engagés dans Turquoise y allaient pour autre chose que pour arrêter le massacre des Tutsi par les Hutus", a-t-il ajouté.

"C'est complètement inconséquent, insensé d'imaginer autre chose. C'est une injure faite à nos soldats", a-t-il martelé, ajoutant ne voir "aucun inconvénient" à ce que les archives sur cette période soient ouvertes.

Selon l'ONU, environ 800.000 personnes, essentiellement dans la minorité tutsi, ont été tuées en trois mois lors de massacres déclenchés après l'attentat contre l'avion du président Habyarimana le 6 avril 1994.

L'opération Turquoise était une intervention militaro-humanitaire lancée par Paris, sous mandat de l'ONU entre juin et août de la même année. Ses détracteurs estiment qu'elle visait en réalité à soutenir le gouvernement génocidaire hutu.

Les zones d'ombre sur le rôle de Paris avant, pendant et après le génocide des Tutsis restent une source récurrente de polémiques en France et empoisonnent les relations avec Kigali depuis plus de 25 ans.

Les interrogations ont été relancées en février par la révélation d'un télégramme diplomatique attestant que la France avait décidé en juillet 1994 de ne pas interpeller les autorités rwandaises responsables du génocide.

Ce télégramme "confidentiel diplomatie" demandait au représentant du Quai d'Orsay auprès de l'opération Turquoise de transmettre aux responsables génocidaires, par des "canaux indirects", le "souhait qu'elles quittent la Zone Humanitaire Sûre" alors contrôlée par les militaires français.

vl/pb

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MAR 20

Salariés espionnés: l'affaire Ikea loin d'être une première #

3/20/2021, 7:46 AM
Paris, FRA

Espionner ou surveiller abusivement des salariés: l'affaire reprochée à la filiale française du géant suédois de l'ameublement Ikea, jugée à partir de lundi devant le tribunal correctionnel de Versailles, n'est pas un cas isolé.

De nombreuses affaires de ce type sont portées chaque année devant la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), où elles ont représenté en 2019 un peu plus de 10% des plaintes reçues.

Rappel de quelques cas révélés ces dernières années en France et en Europe.

En juin 2019, la Cnil inflige une amende de 20.000 euros à une petite entreprise parisienne de traduction pour un système de vidéosurveillance intrusif et permanent: les six traducteurs étaient filmés "à leur poste de travail sans interruption".

La Cnil rappelle qu'une entreprise doit informer clairement ses salariés lorsqu'elle met en place des caméras et qu'elle ne peut les filmer en continu.

En févier 2014, la direction d'un centre commercial situé à Saint-Médard-en-Jalles (Gironde) est mis en demeure par la Cnil pour un "système de vidéosurveillance des salariés disproportionné".

L'autorité relève, lors d'une inspection, un total de 138 caméras sur le site, dont 39 installés dans des locaux non-accessibles au public ainsi qu'un dispositif biométrique pour contrôler les horaires des salariés.

Un employé de la Halle aux chaussures reçoit en décembre 2012 une lettre de licenciement pour des "pauses sauvages" détectées par le scanner qu'il porte à la main pour gérer le stock de son entrepôt.

La direction justifie ce licenciement par le fait que lorsque le dispositif n'envoie pas de signal, cela signifie que l'employé est inactif.

Le tribunal des prud'hommes de Châteauroux (Indre) sanctionne en février 2014 l'entreprise pour l'utilisation de ce système de surveillance non-déclaré.

En 2008 et 2009, deux scandales d'espionnage interne secouent le discounter allemand Lidl. Installation de caméras miniatures, embauche de détectives privés, collecte d'information sur la santé des salariés: le groupe reconnait les faits, présente ses excuses et accepte de payer de grosses amendes en Allemagne.

A la même époque, plusieurs autres affaires de surveillance interne éclatent dans ce pays: Deutsche Bahn, Deutsche Telekom et Airbus sont visés.

En 2011, Canal+ est relaxé mais plusieurs ex-employés sont condamnés pour l'espionnage quelques années auparavant de Bruno Gaccio, auteur de l'émission satirique "Les Guignols de l'Info".

Ce dernier, qui menait alors la contestation interne contre le licenciement du patron de la chaîne Pierre Lescure, avait été filé, filmé et la liste de ses appels épluchée par le service de sécurité de Canal.

Les juges ont estimé que malgré ces agissements, la responsabilité du groupe audiovisuel n'avait pas été engagée.

C'est la ténacité d'un ingénieur roumain, licencié en 2007 pour avoir utilisé l'internet de sa société à des fins personnelles, qui a abouti dix ans plus tard à un arrêt phare de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) établissant que les entreprises pouvaient, certes, surveiller leurs employés mais de manière raisonnable.

Pour prouver que le salarié avait commis une faute, son employeur avait présenté la transcription, sur 45 pages, de ses communications électroniques personnelles pendant une semaine.

Un mode de surveillance qui a violé, selon la CEDH, le "juste équilibre" nécessaire entre respect de la vie privée et droit de l'employeur de prendre des mesures pour le bon fonctionnement de sa société.

ot/cds/pa/dch

AIRBUS GROUP

DEUTSCHE TELEKOM

SOCIETE D'EDITION DE CANAL +

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MAR 19

Au procès des frères Guérini, Jean-Noël conteste avoir favorisé son frère Alexandre #

3/19/2021, 5:37 PM
Marseille, FRA

Jean-Noël Guérini a-t-il abusé de son pouvoir pour favoriser l'entreprise de son frère Alexandre? L'ex-président PS du conseil général des Bouches-du-Rhône s'est dit "humilié qu'on remette en cause sa probité" vendredi devant le tribunal correctionnel de Marseille.

"J'ai toujours séparé les intérêts privés de mon frère et l'intérêt général, je n'ai jamais mélangé les genres", a affirmé le sénateur, poursuivi pour "prise illégale d'intérêt".

Présent à la barre durant toute une longue matinée, l'ancien homme fort du PS des Bouches-du-Rhône s'est défendu pied à pied, documents étalés sur un pupitre devant lui, retrouvant la verve et l'emportement de ses meetings politiques.

"Inutile de regarder la salle, c'est le tribunal que vous devez convaincre", a glissé, amusée, la présidente Céline Ballerini.

Mais les témoignages d'anciens collaborateurs et la diffusion d'écoutes téléphoniques entre lui et son frère l'ont montré apparemment plus sensible aux sollicitations de son cadet qu'il ne l'affirme.

Evoquée dans la lettre anonyme à l'origine de l'enquête, la préemption puis la vente par le conseil général des Bouches-du-Rhône du terrain de la famille Semaire à la communauté d'agglomération Garlaban Huveaune Sainte-Baume (GHB) est à l'origine des poursuites contre l'élu et son frère.

Ce terrain de La Ciotat, mitoyen du centre d'enfouissement de déchets du "Mentaure" exploité par Alexandre Guérini, suscitait alors bien des convoitises, dont celle de l'entrepreneur qui devait accroître sa capacité de stockage pour répondre aux conditions de l'appel d'offre de GHB qu'il avait remporté.

A la barre, le beau-fils de l'ancien propriétaire du terrain a assuré que sa famille avait subi des pressions pour vendre, "coups de fil anonymes, perte d'une roue de l'un de ses camions sur l'autoroute".

C'est la ville de La Ciotat qui va déclencher les hostilités en annonçant son intention de préempter le terrain Semaire, alors occupé par une décharge sauvage, pour des raisons de sécurité et environnementales.

Furieux, Jean-Noël Guérini décide de faire jouer la prééminence du conseil général pour préempter le terrain.

"il y avait trois raisons à cela, la plus importante était politique", a-t-il dit, évoquant son refus de voir La Ciotat tenue par la droite lui damer le pion. il a également cité l'insécurité du site et la préservation d'une plante rare et protégée, le "liseron duveteux".

Curieusement, le même jour, une subvention sera votée par le département pour l'extension de la décharge du Mentaure.

Pour l'ancien directeur de cabinet de Jean-Noël Guerini, Rémy Barges, "tout le monde au cabinet et au conseil général" savait que c'était en réalité "pour aider son frère".

Alors que la préemption du terrain Semaire devait entraîner son gel pendant 10 ans, la préfecture de région ouvre la voie à son utilisation pour agrandir la décharge en publiant en mars 2006 une déclaration d'utilité publique (DUP) d'urgence. Dans la foulée, le conseil général revend le terrain à la communauté GHB avec laquelle travaille Alexandre Guérini.

"J'ai la conscience tranquille", a assuré Jean-Noël Guérini soulignant que c'était bien l'Etat et non lui qui avait changé la destination du terrain. "Je ne pouvais pas imaginer que cette décision serait prise", a-t-il affirmé.

En réalité, la préfecture avait déjà à plusieurs reprises manifesté son intention d'autoriser l'extension du Centre du Mentaure au terrain voisin, notamment dans un arrêté de novembre 2004.

Alors, Jean-Noël Guérini a-t-il sciemment manoeuvré pour favoriser son frère? "Jamais je ne me suis occupé de ses entreprises", a-t-il martelé même s'il a reconnu avoir souvent été sollicité par son cadet.

"il avait la maladie du téléphone" mais "entre ce qu'il me disait de faire et ce que je faisais, il y avait la Méditerranée", a-t-il lancé.

Pourtant sur une écoute, on entend le sous-préfet d'Arles de l'époque, sollicité par l'élu pour un autre terrain convoité par Alexandre, lui expliquer: "Dites à votre frère qu'il prenne contact avec moi, j'arrangerai tout".

Onze prévenus, dont les deux frères Guérini, sont jugés depuis lundi devant le tribunal correctionnel de Marseille dans ce dossier tentaculaire de "système clientéliste", selon l'accusation. Le procès doit durer jusqu'au 9 avril.

pr/mdm/mpm

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MAR 19

Au procès des frères Guérini, Jean-Noël conteste avoir favorisé son frère Alexandre #

3/19/2021, 5:37 PM
Marseille, FRA

Jean-Noël Guérini a-t-il abusé de son pouvoir pour favoriser l'entreprise de son frère Alexandre? L'ex-président PS du conseil général des Bouches-du-Rhône s'est dit "humilié qu'on remette en cause sa probité" vendredi devant le tribunal correctionnel de Marseille.

"J'ai toujours séparé les intérêts privés de mon frère et l'intérêt général, je n'ai jamais mélangé les genres", a affirmé le sénateur, poursuivi pour "prise illégale d'intérêt".

Présent à la barre durant toute une longue matinée, l'ancien homme fort du PS des Bouches-du-Rhône s'est défendu pied à pied, documents étalés sur un pupitre devant lui, retrouvant la verve et l'emportement de ses meetings politiques.

"Inutile de regarder la salle, c'est le tribunal que vous devez convaincre", a glissé, amusée, la présidente Céline Ballerini.

Mais les témoignages d'anciens collaborateurs et la diffusion d'écoutes téléphoniques entre lui et son frère l'ont montré apparemment plus sensible aux sollicitations de son cadet qu'il ne l'affirme.

Evoquée dans la lettre anonyme à l'origine de l'enquête, la préemption puis la vente par le conseil général des Bouches-du-Rhône du terrain de la famille Semaire à la communauté d'agglomération Garlaban Huveaune Sainte-Baume (GHB) est à l'origine des poursuites contre l'élu et son frère.

Ce terrain de La Ciotat, mitoyen du centre d'enfouissement de déchets du "Mentaure" exploité par Alexandre Guérini, suscitait alors bien des convoitises, dont celle de l'entrepreneur qui devait accroître sa capacité de stockage pour répondre aux conditions de l'appel d'offre de GHB qu'il avait remporté.

A la barre, le beau-fils de l'ancien propriétaire du terrain a assuré que sa famille avait subi des pressions pour vendre, "coups de fil anonymes, perte d'une roue de l'un de ses camions sur l'autoroute".

C'est la ville de La Ciotat qui va déclencher les hostilités en annonçant son intention de préempter le terrain Semaire, alors occupé par une décharge sauvage, pour des raisons de sécurité et environnementales.

Furieux, Jean-Noël Guérini décide de faire jouer la prééminence du conseil général pour préempter le terrain.

"il y avait trois raisons à cela, la plus importante était politique", a-t-il dit, évoquant son refus de voir La Ciotat tenue par la droite lui damer le pion. il a également cité l'insécurité du site et la préservation d'une plante rare et protégée, le "liseron duveteux".

Curieusement, le même jour, une subvention sera votée par le département pour l'extension de la décharge du Mentaure.

Pour l'ancien directeur de cabinet de Jean-Noël Guerini, Rémy Barges, "tout le monde au cabinet et au conseil général" savait que c'était en réalité "pour aider son frère".

Alors que la préemption du terrain Semaire devait entraîner son gel pendant 10 ans, la préfecture de région ouvre la voie à son utilisation pour agrandir la décharge en publiant en mars 2006 une déclaration d'utilité publique (DUP) d'urgence. Dans la foulée, le conseil général revend le terrain à la communauté GHB avec laquelle travaille Alexandre Guérini.

"J'ai la conscience tranquille", a assuré Jean-Noël Guérini soulignant que c'était bien l'Etat et non lui qui avait changé la destination du terrain. "Je ne pouvais pas imaginer que cette décision serait prise", a-t-il affirmé.

En réalité, la préfecture avait déjà à plusieurs reprises manifesté son intention d'autoriser l'extension du Centre du Mentaure au terrain voisin, notamment dans un arrêté de novembre 2004.

Alors, Jean-Noël Guérini a-t-il sciemment manoeuvré pour favoriser son frère? "Jamais je ne me suis occupé de ses entreprises", a-t-il martelé même s'il a reconnu avoir souvent été sollicité par son cadet.

"il avait la maladie du téléphone" mais "entre ce qu'il me disait de faire et ce que je faisais, il y avait la Méditerranée", a-t-il lancé.

Pourtant sur une écoute, on entend le sous-préfet d'Arles de l'époque, sollicité par l'élu pour un autre terrain convoité par Alexandre, lui expliquer: "Dites à votre frère qu'il prenne contact avec moi, j'arrangerai tout".

Onze prévenus, dont les deux frères Guérini, sont jugés depuis lundi devant le tribunal correctionnel de Marseille dans ce dossier tentaculaire de "système clientéliste", selon l'accusation. Le procès doit durer jusqu'au 9 avril.

pr/mdm/mpm

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MAR 19

VIE PRATIQUE: un salarié peut faire l'objet d'une enquête secrète #

3/19/2021, 8:14 AM
Paris, FRA

Dans certains cas, un employeur peut organiser dans l'entreprise une enquête sur un salarié, éventuellement confiée à un enquêteur extérieur, sans que ce salarié ne soit entendu pour se défendre ni même être informé de ce procédé, a admis la Cour de cassation.

A partir du moment où l'entreprise déclare agir pour vérifier une dénonciation de harcèlement moral, le résultat d'une telle enquête n'est pas une preuve déloyale issue d'un procédé clandestin de surveillance de l'activité du salarié, déclare la Cour.

Et en pareil cas, la loi selon laquelle "aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à sa connaissance" peut être écartée, d'après la Cour.

Le dossier concernait un salarié que ses subordonnés accusaient de mal se comporter et auquel ils reprochaient de proférer des grossièretés ou des injures, de les surveiller en permanence et de créer une ambiance de stress et de conflits. L'entreprise, avec l'accord des délégués du personnel, avait chargé un intervenant extérieur de procéder à une enquête sans en informer le salarié visé et sans entendre son point de vue.

Il s'agit d'un procédé clandestin de surveillance, interdit par la loi, disait le salarié, licencié au vu du résultat de l'enquête, et il s'agit aussi d'un mode de preuve déloyal, donc interdit.

Dans un premier temps, ce salarié a obtenu gain de cause. La cour d'appel avait admis que son information préalable ait pu être évitée pour les besoins de l'efficacité de l'enquête, mais elle avait en revanche jugé impossible qu'une personne visée ne soit pas entendue par l'enquêteur pour présenter sa défense.

Cet arrêt a donc été cassé. Dès lors que l'entreprise invoque un éventuel harcèlement moral, elle peut organiser et confier à un tiers une enquête secrète et non-contradictoire, a jugé la Cour de cassation.

(Cass. Soc, 17.3.2021, V 18.25.597).

or/shu

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MAR 19

"J'ai vécu ma vie comme une guerrière": ce jour où Eva Thomas a brisé le tabou de l'inceste #

3/19/2021, 7:04 AM

Elle fut l'une des premières victimes d'inceste à témoigner à visage découvert à la télévision: Eva Thomas raconte à l'AFP son combat vers la paix intérieure, retrouvée après s'être battue "comme une guerrière" dans un "sursaut de survie".

En septembre 1986, les téléspectateurs d'Antenne 2 et des "Dossiers de l'écran" s'émeuvent en direct devant le récit du viol dont cette psychopédagogue a été victime trois décennies plus tôt. "J'ai témoigné comme on se jette dans le vide. Mais j'étais déterminée à briser le silence", souligne Eva Thomas, aujourd'hui octogénaire.

Dans son appartement niché sous les toits de Grenoble, elle explique avoir voulu "tendre la main" à toutes les victimes qui, comme elle, avaient expérimenté "la solitude la plus absolue". "Je n'ai pas vécu ma vie comme une victime, mais comme une guerrière".

Un soir d'été 1957, Eva Thomas est violée par son père alors qu'elle vient d'obtenir son brevet. Dès lors, elle s'emploie à fuir ce jardinier "doux et calme" qui n'avait jamais élevé la voix et endossé pour ses enfants le rôle "de la tendresse".

Pour préserver son noyau familial, elle choisit de se taire. "J'avais perdu mon père. C'était ça, le vrai traumatisme". Quand l'adolescente de 15 ans se confie au curé du village, persuadée d'avoir commis un "péché mortel", ce dernier lui conseille "d'oublier ça". "J'ai obéi car je voulais réaliser mes rêves".

Eva Thomas grandit en Normandie dans une famille catholique passant ses vacances au presbytère et dans laquelle baigne "l'idée du sacrifice". La petite fille se construit en "rébellion" face à des proches qui espèrent la voir marcher sur les traces de sa mère alors qu'elle a pour modèle sa tante, une institutrice laïque.

Malicieusement, la fillette de 10 ans confesse au prêtre son rêve d'institutrice, expliquant avoir été "appelée par Dieu". "Ça a marché: il a incité mes parents à me payer des études. J'avais pris ma vie en main. Quand c'est arrivé, j'étais construite. Cela a joué beaucoup dans mon histoire".

Après l'agression, elle souffre d'anorexie et arrête ses études pour retourner chez ses parents. "Quand le médecin a parlé d'hôpital, j'ai recommencé à manger pour reprendre mon projet. C'est en restant dans la réalité que j'ai réussi à tenir".

À 19 ans, elle réalise son rêve en devenant institutrice dans son village. Deux ans plus tard, elle quitte la France pour enseigner en Algérie et rencontre le père de sa fille, avec lequel elle s'établira au Tchad. En 1971, le couple revient en France.

Hantée par des cauchemars, Eva Thomas peint des nuits entières pour s'apaiser. Sur l'une des poupées momifiées qu'elle confectionne, elle commence à écrire son récit.

En 1980, elle rédige une lettre à son père, qui avoue et lui demande pardon. "Ça changeait tout. Cela a eu un pouvoir réparateur très puissant".

Révoltée que la parole d'une fillette violée par son père ne soit pas entendue, elle couche sur le papier, dans une "traversée douloureuse mais libératrice", ce qui deviendra "Le viol du silence", son premier livre publié en 1986 après son passage aux "Dossier de l'écran".

La déflagration médiatique de son témoignage propulse SOS Inceste, son association fondée en 1985 à Grenoble, aux avant-postes du débat. Très vite, la militante devient porte-parole "des autres". "J'étais en mission. On était des soeurs qui se sauvaient ensemble".

En 1989, le procès d'une victime poursuivie par son père pour diffamation vient briser cet élan. À la barre, Eva Thomas témoigne de l'importance de la "parole publique". Mais le procureur se range du côté de la loi. "J'étais dans une colère folle et ne savais plus à quoi me raccrocher".

"Obsédée" par le sentiment d'avoir été "foudroyée" par la justice, elle se met en tête d'obtenir réparation malgré la prescription et dépose auprès du tribunal un changement d'état civil. "Quand j'ai reçu la lettre d'acceptation, j'ai instantanément retrouvé toute ma santé physique et psychique".

Eva Thomas estime que la société n'était "pas prête", lorsqu'elle a parlé, à affronter l'inceste et qu'elle a cheminé durant 35 ans vers "l'écoute". Aujourd'hui, "elle a compris que l'inceste est un crime, une vraie destruction de l'identité".

bp/ag/swi/shu

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