La société de transport Gefco mise en examen pour travail dissimulé #
Le PDG de Gefco a été mis en examen à Vesoul en tant que responsable légal de la société de logistique suspectée d'avoir bénéficié d'un système illégal de "prêt de salariés" par des entreprises étrangères, a-t-on appris lundi auprès du parquet.
Le dirigeant est la dixième personne mise en examen dans le cadre de cette enquête pour "travail dissimulé" et "recours en bande organisée au service d'une personne exerçant un travail dissimulé", confiée à l'Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI).
Il a par ailleurs été personnellement "placé sous le statut de témoin assisté" vendredi soir à l'issue de sa garde à vue, "car il a produit des pièces montrant qu'il avait réalisé des délégations de pouvoir à d'autres dirigeants", a indiqué à l'AFP le procureur de la République de Vesoul, Emmanuel Dupic.
Quatre autres cadres de Gefco responsables de sites basés en Haute-Saône et en Alsace ont déjà été mis en examen le 20 mars. Ils ont été remis en liberté sous contrôle judiciaire et ont dû payer des cautions de 4.000 à 10.000 euros.
La veille, cinq premiers suspects avaient été mis en examen parmi lesquels figuraient trois cadres d'une entreprise basée en Alsace. Ceux-ci sont soupçonnés d'avoir créé deux sociétés en Slovaquie et deux en Pologne, qui auraient fourni des chauffeurs routiers étrangers à Gefco de manière illégale. Deux responsables de ces entreprises étrangères sont aussi poursuivis.
Le transporteur français Gefco est suspecté d'avoir bénéficié d'un système illégal de "prêt de salariés" par ces entreprises polonaises et slovaques. Les gendarmes ont ainsi découvert 35 chauffeurs qui transitaient "dans des conditions indignes" sur une base logistique à Quincey (Haute-Saône), selon M. Dupic.
Pour les chefs d'entreprises, l'objectif était d'échapper au paiement de leurs cotisations sociales en France "pour un préjudice estimé par l'Urssaf à 800.000 euros entre 2015 et 2018", a ajouté le magistrat.
C'est une enquête lancée en 2017 après un contrôle de la Dreal (Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Bourgogne-Franche-Comté), qui a permis la découverte de cette filière internationale présumée de fraude à l'emploi de chauffeurs routiers.
as/bdx/sp
Rixe à Rennes: cinq gardes à vue, information judiciaire ouverte lundi #
Cinq personnes, dont quatre mineurs, étaient toujours en garde à vue lundi matin après une rixe qui a fait plusieurs blessés dont un grave samedi après-midi dans le centre de Rennes, a indiqué le parquet, en annonçant l'ouverture d'une information judiciaire.
L'adolescent de 14 ans, qui avait été blessé par arme blanche au thorax, a été opéré samedi soir et "est désormais hors de danger", a indiqué à l'AFP le procureur de Rennes Philippe Astruc.
"Cinq personnes domiciliées à Rennes, quatre mineurs et un majeur, sont encore en garde à vue", a précisé M. Astruc.
"Afin de déterminer les circonstances précises des faits et d'établir les responsabilités pénales des uns et des autres une information judiciaire sera ouverte dans la journée" de lundi, a-t-il ajouté.
Selon le magistrat, l'enquête a permis "d'établir que la rixe a concerné une quinzaine de protagonistes émanant de deux groupes". Cet affrontement pourrait "résulter d'une rivalité de quartiers (Villejean-Beauregard / La Bellangerais-Patton) sans que le motif précis du contentieux ne soit pour l'heure clairement établi", a-t-il ajouté.
Les victimes avaient été blessées au cours d'une rixe place de la mairie, samedi vers 16H00. Un jeune homme de 18 ans avait été blessé à la fesse et un autre de 16 ans au pied.
Selon Ouest-France, un garçon de 17 ans s'est également présenté au CHU samedi soir pour une blessure au dos lors de cette rixe.
aag/rhl
Seine-Saint-Denis: une femme aux assises pour avoir commandité l'assassinat raté de son ex-conjoint #
Elle voulait "revivre", en finir avec "l'emprise" et les violences: une femme comparaît à partir de mardi avec six coaccusés devant la cour d'assises de la Seine-Saint-Denis pour avoir tenté de faire assassiner son ex-conjoint, le laissant handicapé à vie.
Dans la torpeur du mois d'août 2017, Amandine S., alors âgée de 30 ans, et Jimmy C.,37 ans, se promènent avec leur fils de 3 ans en forêt de Bondy, après un dîner au restaurant. Les parents sont séparés depuis la naissance de l'enfant, après une relation tumultueuse.
Au détour d'un chemin difficile d'accès car en travaux, ils s'approchent d'un homme tout de noir vêtu, juché sur une bicyclette, qui tient une arme. Jimmy C. n'a pas le temps de réaliser qu'un coup de feu part et l'atteint. Le père de famille s'en sort mais reste paraplégique. Il ne se déplace plus qu'en fauteuil roulant.
En garde à vue, après avoir donné des versions différentes, Amandine S. reconnaît avoir été l'instigatrice d'un plan macabre tissé patiemment pour éliminer son ancien compagnon, rencontré six ans avant les faits, afin de pouvoir "vivre, ou revivre tout simplement".
Aux enquêteurs, elle décrit "des violences, une emprise" caractérisées par des appels incessants, une surveillance et des humiliations.
"C'était une question de survie de son point de vue", affirme Nadia Oukerfellah, son avocate, estimant que le procès devra explorer le phénomène d'"emprise psychologique" entre l'accusée, au départ "une jeune femme ordinaire" estime Me Oukerfellah, et la victime.
Amandine S. a déposée quatre mains courantes en 2016 pour violences conjugales, sans compter deux procédures pour violences volontaires par conjoint ouvertes en 2014 et 2016.
Son ancien compagnon est connu pour des faits de trafic de stupéfiants et de violences conjugales. Mais "le jour où il est sorti de taule, il s'est rangé des voitures", assure son avocate, Me Daphné Pugliesi, qui décrit un père "fou de son môme", qui a "tout perdu" depuis le drame.
L'accusée "ne veut pas de père, elle veut avoir la paix toute seule avec son fils", ajoute-t-elle, dénonçant sa "stratégie de défense" qui est "une insulte pour les femmes battues".
La jeune mère de famille, sans antécédent judiciaire, a informé des proches de sa famille de son projet criminel. Des textos codés avec sa belle-soeur s'enquièrent de l'avancée des "travaux de la salle de bain". Au lieu de bricolage, il s'agissait en réalité de trouver un tueur à gages et de l'argent pour financer la besogne.
Tout comme le tireur, la commanditaire présumée comparaît pour tentative d'assassinat. A ses côtés, quatre hommes de sa sphère familiale, amicale et amoureuse doivent répondre de complicité de tentative d'assassinat, tandis que sa belle-soeur est renvoyée pour abstention volontaire d'empêcher un crime.
Au coeur de cette galaxie complice se retrouvent deux hommes: le père et le frère de l'accusée. Lors des auditions, ils ont reconnu avoir facilité le financement du crime et la recherche, via deux autres intermédiaires, de l'homme de main.
Celui-ci, Rudy P., 26 ans au moment des faits, a avoué sa participation, qu'il voyait plutôt comme un geste de bravoure. "On lui a dit que madame S. était en danger de mort, qu'elle était frappée régulièrement" et "il a une personnalité très influençable", souligne son avocate, Me Sophie Rey-Gascon.
Le procès, prévu sur plus de deux semaines, doit s'achever le 16 avril.
fan/pa/dlm
Violences sexuelles: des personnalités dénoncent "une proposition de loi vidée de toute portée" #
Une cinquantaine de responsables associatifs et de personnalités, dont la réalisatrice Andréa Bescond et la comédienne Alexandra Lamy, critiquent dans le Journal du dimanche la proposition de loi renforçant la protection des mineurs face aux violences sexuelles, qui selon eux a été "vidée de toute portée".
Modifié à la marge jeudi par le Sénat, le texte va repartir en deuxième lecture à l'Assemblée nationale le 15 avril, le gouvernement souhaitant voir ses dispositions devenir opérationnelles dans les meilleurs délais.
Mais pour les signataires d'une tribune publiée par le JDD, le compte n'y est pas. "Derrière son titre de +loi pour renforcer la protection des mineurs+, ce dispositif fragilise la protection des enfants", estiment les signataires, parmi lesquels figurent Isabelle Aubry, présidente de l'association Face à l'inceste, et le réalisateur Karl Zéro.
La tribune critique notamment la "clause Roméo et Juliette" conditionnant l'application de la loi à un écart d'âge d'au moins cinq ans entre la victime mineure et l'agresseur majeur. Cette disposition "ramène le seuil de non-consentement à 13 ans quand les viols sont commis par des majeurs de 18 ans, alors même qu'aujourd'hui le code pénal interdit toute relation sexuelle entre un mineur de moins de 15 ans et un majeur, sous la qualification +d'atteinte sexuelle+. C'est un recul", estiment les signataires.
Concernant l'inceste, ces personnalités déplorent que "l'autorité de droit ou de fait devra être démontrée pour les conjoints, concubins ou les partenaires de ces derniers".
Enfin, elles regrettent que l'imprescriptibilité qu'elles demandaient ne soit "plus qu'une prescription glissante", voyant là "une avancée toute relative, qui ne reconnaît pas l'amnésie traumatique, dont plus de la moitié des victimes de violences sexuelles pendant l'enfance font état".
"Nous qui avons pris la parole pour que les enfants soient enfin protégés, nous dénonçons une proposition de loi vidée de toute portée. Nous vous demandons d'agir, dans l'intérêt supérieur de l'enfant", concluent les signataires de cette tribune en forme de lettre ouverte au président Emmanuel Macron.
bfa/ao
Cold cases: un groupe de travail préconise 26 mesures pour améliorer leur traitement judiciaire #
Création d'un "bureau des enquêtes criminelles cold cases" dans chaque cour d'appel, interdiction de détruire les scellés, formation des magistrats: un groupe de travail vient de faire 26 recommandations pour améliorer en France le traitement judiciaire des affaires non-résolues.
Mis sur pied en juillet 2019, ce groupe composé de quinze personnes - des magistrats, un avocat, un médecin-psychiatre, ainsi que des policiers et des gendarmes - a remis la semaine dernière à la Chancellerie un rapport d'une cinquantaine de pages, listant ses préconisations.
Contactée par l'AFP, le ministère de la Justice a confirmé avoir reçu le rapport et que ses recommandations étaient à l'étude, tout en précisant que certaines ne semblaient "pas pertinentes à ce stade".
Dans ce document, dévoilé par le Parisien et dont l'AFP a eu connaissance, le groupe de travail appelle à "créer une véritable +culture du cold case+ au sein de l'institution judiciaire".
Constatant une "absence de coordination" entre les acteurs judiciaires locaux et régionaux, il souligne que le "cloisonnement et l'oubli sont les maux essentiels dont souffre l'institution judiciaire face à la plus grave des criminalités".
Le rapport recommande tout d'abord de recenser les dossiers anciens toujours en cours d'enquête ainsi que les dossiers clôturés non résolus, et de mettre en place un bureau des enquêtes criminelles cold cases dans chaque cour d'appel.
Il propose aussi d'élaborer un site internet en accès libre recensant les affaires non élucidées, en y intégrant une rubrique consacrée aux disparitions d'enfants, et de sensibiliser le public sur les dossiers anciens grâce aux médias pour recueillir de nouveaux éléments de preuve.
Du côté de la conduite des enquêtes, le groupe de travail préconise de confier les investigations sur ces crimes à des magistrats spécialisés dans ces affaires qui relèveraient des juridictions interrégionales spécialisées (JIRS). Créées en 2004, ces juridictions regroupent des magistrats du parquet et de l'instruction et traitent pour l'heure des affaires de criminalité organisée et de délinquance financière présentant une grande complexité.
Certaines affaires pouvant mener à des investigations à l'étranger pourraient pour leur part être centralisées au niveau national.
Alors que certaines de ces affaires sont le fait de tueurs en série, le groupe de travail préconise de "créer un nouveau cadre d'enquête" permettant d'"investiguer sur le parcours de vie d'un criminel".
Le rapport appelle aussi à fixer à trente ans le délai de prescription pour l'ensemble des crimes de sang, contre vingt actuellement, de systématiser les recherches génétiques en parentalité ou encore d'interdire la destruction des scellés dans les affaires non résolues.
Sollicité par l'AFP, Me Didier Seban, qui a fait partie du groupe de travail, a estimé que si ces mesures étaient mises en oeuvre, cela constituerait "une vraie avancée pour la résolution des cold cases" et répondrait "vraiment à ce qu'attendent les familles de victimes".
Au cours des travaux du groupe, l'avocat a toutefois émis une réserve sur une des mesures, plaidant pour la création d'un pôle à compétence nationale, et non régionale, permettant notamment d'enquêter sur les tueurs en série.
edy/pa/dch
Cold cases: un groupe de travail préconise 26 mesures pour améliorer leur traitement judiciaire #
Création d'un "bureau des enquêtes criminelles cold cases" dans chaque cour d'appel, interdiction de détruire les scellés, formation des magistrats: un groupe de travail vient de faire 26 recommandations pour améliorer en France le traitement judiciaire des affaires non-résolues.
Mis sur pied en juillet 2019, ce groupe composé de quinze personnes - des magistrats, un avocat, un médecin-psychiatre, ainsi que des policiers et des gendarmerie - a remis la semaine dernière à la Chancellerie un rapport d'une cinquantaine de pages, listant ses préconisations.
Contactée par l'AFP, le ministère de la Justice a confirmé avoir reçu le rapport et que ses recommandations étaient à l'étude, tout en précisant que certaines ne semblaient "pas pertinentes à ce stade".
Dans ce document, dévoilé par le Parisien et dont l'AFP a eu connaissance, le groupe de travail appelle à "créer une véritable +culture du cold case+ au sein de l'institution judiciaire".
Constatant une "absence de coordination" entre les acteurs judiciaires locaux et régionaux, il souligne que le "cloisonnement et l'oubli sont les maux essentiels dont souffre l'institution judiciaire face à la plus grave des criminalités".
Le rapport recommande tout d'abord de recenser les dossiers anciens toujours en cours d'enquête ainsi que les dossiers clôturés non résolus, et de mettre en place un bureau des enquêtes criminelles cold cases dans chaque cour d'appel.
Il propose aussi d'élaborer un site internet en accès libre recensant les affaires non élucidées, en y intégrant une rubrique consacrée aux disparitions d'enfants, et de sensibiliser le public sur les dossiers anciens grâce aux médias pour recueillir de nouveaux éléments de preuve.
Du côté de la conduite des enquêtes, le groupe de travail préconise de confier les investigations sur ces crimes à des magistrats spécialisés dans ces affaires qui relèveraient des juridictions interrégionales spécialisées (JIRS). Créées en 2004, ces juridictions regroupent des magistrats du parquet et de l'instruction et traitent pour l'heure des affaires de criminalité organisée et de délinquance financière présentant une grande complexité.
Certaines affaires pouvant mener à des investigations à l'étranger pourraient pour leur part être centralisées au niveau national.
Alors que certaines de ces affaires sont le fait de tueurs en série, le groupe de travail préconise de "créer un nouveau cadre d'enquête" permettant d'"investiguer sur le parcours de vie d'un criminel".
edy/pa/dlm
Trois adolescents blessés à l'arme blanche dans le centre de Rennes #
Trois adolescents de 14, 16 et 17 ans ont été blessés à l'arme blanche samedi après-midi dans le centre-ville de Rennes et trois autres mineurs ont été interpellés, a-t-on appris auprès de la police et des pompiers.
La victime de 14 ans a été grièvement blessée au thorax, place de la mairie vers 16H00, sans qu'on sache si ses jours sont en danger, ont précisé les mêmes sources, confirmant une information du quotidien Ouest-France.
Le jeune homme de 17 ans a été blessé à la cuisse ou à la fesse au même endroit, tandis que celui de 16 ans a été blessé au pied, au même moment, sur la place du Parlement qui jouxte celle de la mairie.
Les trois victimes ont été hospitalisées.
Trois adolescents ont été interpellés peu après par des gendarmes qui sécurisaient une manifestation dans le centre-ville. Ils ont été placés en garde à vue mais n'avaient pas encore été entendus samedi soir, selon la police.
"On n'a pas de notion d'affrontement entre quartiers. Tout ça est encore très nébuleux", a indiqué à l'AFP une source policière.
Contacté, le parquet n'a pas donné suite dans l'immédiat.
aag/dlm
Des centaines de Tchétchènes défilent contre la stigmatisation de leur communauté #
Plusieurs centaines de Tchétchènes ont manifesté samedi à Rennes et à Strasbourg contre la stigmatisation dont leur communauté fait selon eux l'objet et pour honorer la mémoire d'un des leurs tué par balle la semaine dernière dans la capitale bretonne.
"On tire sur nous deux fois: la première fois pour nous tuer, la deuxième fois pour nous salir", a dénoncé Magomed, 30 ans, voisin d'Hamzat Labazanov, 23 ans, tué d'une balle dans la tête, le 17 mars en pleine journée, dans le quartier Cleunay à Rennes.
Deux hommes d'une vingtaine d'années, connus de la justice, ont été mis en examen pour meurtre en bande organisée et complicité et incarcérés. Le jour des faits, le procureur de Rennes Philippe Astruc a évoqué un "possible règlement de comptes sur fond de trafic de stupéfiants".
"Dès qu'il se passe quelque chose avec un Tchétchène, on nous colle cette étiquette", a regretté Magomed. "Les membres de notre communauté meurent et c'est nous qui sommes accusés."
Près de 400 Tchétchènes, venus de toute la Bretagne, du Mans ou de Rouen, se sont rassemblés à Rennes près de l'immeuble de la victime. Ils ont observé un temps de prière puis ont marché jusqu'au Carrefour City devant lequel Hamzat a été tué.
"C'était quelqu'un de bien, tout le monde l'aimait, avait confiance en lui", a décrit un jeune Tchétchène de 23 ans à la fine barbe.
"Un petit gars en or, qui n'a jamais été mêlé à quoi que ce soit d'illégal", a approuvé Magomed, 31 ans, ingénieur logisticien, qui habite le même immeuble.
Selon ses proches, Hamzat a été tué parce qu'il a voulu chasser des dealeurs du hall de son immeuble. Lue pendant le rassemblement, une résolution de l'association Paix et droits de l'homme a dénoncé les "informations erronées" et "accusations tendancieuses à l'encontre des réfugiés tchétchènes".
Le père de la victime a appelé au calme et demandé aux plus jeunes de se tenir à distance des points de deal.
A Strasbourg, environ 150 Tchétchènes se sont également rassemblés place de la République, dont certains venus de Paris, Nice ou Reims. "Nous sommes des réfugiés politiques qui avons laissé notre patrie pour vivre EN PAIX", proclamait une pancarte.
"Nous sommes nous-mêmes assimilés à des trafiquants. C'est quelque chose que nous ne comprenons pas", a dénoncé Chamil Albakov, porte-parole de l'Assemblée des Tchétchènes d'Europe. "Ce n'est pas parce que nous vivons dans des quartiers populaires que nous pouvons être dénigrés, ou que des jeunes peuvent être tués".
"Nous demandons que l'origine tchétchène ne soit pas associée systématiquement à la criminalité. Dans les médias, le mot "Tchétchène" est systématiquement associé à la violence ou à la criminalité", a abondé l'avocat Zelimkhan Chavkhalov.
Pour Ousman Artchakov, porte-parole de l'association Daymohk, "notre seule faute, c'est que nous ne cédons pas devant ces dealers".
Plusieurs associations ont adressé samedi une lettre ouverte au ministre de l'Intérieur. "Notre origine ne cesse d'être trainée dans la boue (...) Nous n'aurons de cesse de nous battre pour nos droits pour réfuter ces préjugés", écrivent-elles notamment.
aag-apz/dlm
Des centaines de Tchétchènes défilent contre la stigmatisation de leur communauté #
Plusieurs centaines de Tchétchènes ont manifesté samedi à Rennes et à Strasbourg contre la stigmatisation dont leur communauté fait selon eux l'objet et pour honorer la mémoire d'un des leurs tué par balle la semaine dernière dans la capitale bretonne.
"On tire sur nous deux fois: la première fois pour nous tuer, la deuxième fois pour nous salir", a dénoncé Magomed, 30 ans, voisin d'Hamzat Labazanov, 23 ans, tué d'une balle dans la tête, le 17 mars en pleine journée, dans le quartier Cleunay à Rennes.
Deux hommes d'une vingtaine d'années, connus de la justice, ont été mis en examen pour meurtre en bande organisée et complicité et incarcérés. Le jour des faits, le procureur de Rennes Philippe Astruc a évoqué un "possible règlement de comptes sur fond de trafic de stupéfiants".
"Dès qu'il se passe quelque chose avec un Tchétchène, on nous colle cette étiquette", a regretté Magomed. "Les membres de notre communauté meurent et c'est nous qui sommes accusés."
Près de 400 Tchétchènes, venus de toute la Bretagne, du Mans ou de Rouen, se sont rassemblés à Rennes près de l'immeuble de la victime. Ils ont observé un temps de prière puis ont marché jusqu'au Carrefour City devant lequel Hamzat a été tué.
"C'était quelqu'un de bien, tout le monde l'aimait, avait confiance en lui", a décrit un jeune Tchétchène de 23 ans à la fine barbe.
"Un petit gars en or, qui n'a jamais été mêlé à quoi que ce soit d'illégal", a approuvé Magomed, 31 ans, ingénieur logisticien, qui habite le même immeuble.
Selon ses proches, Hamzat a été tué parce qu'il a voulu chasser des dealeurs du hall de son immeuble. Lue pendant le rassemblement, une résolution de l'association Paix et droits de l'homme a dénoncé les "informations erronées" et "accusations tendancieuses à l'encontre des réfugiés tchétchènes".
Le père de la victime a appelé au calme et demandé aux plus jeunes de se tenir à distance des points de deal.
A Strasbourg, environ 150 Tchétchènes se sont également rassemblés place de la République, dont certains venus de Paris, Nice ou Reims. "Nous sommes des réfugiés politiques qui avons laissé notre patrie pour vivre EN PAIX", proclamait une pancarte.
aag-apz/dlm
Homme égorgé par une schizophrène: une plainte vise le suivi psychiatrique #
Les proches d'un quinquagénaire égorgé en février à Grenoble ont déposé plainte contre X pour homicide involontaire après avoir découvert que la suspecte, schizophrène, faisait l'objet d'un suivi psychiatrique ancien en raison d'une dangerosité potentielle, selon leur avocat.
Ce suivi sur décision des autorités avait été mis en place de longue date après un passage à l'acte violent dans son milieu familial, a précisé samedi Me Hervé Gerbi, confirmant des informations du Parisien.
Fin février, la victime, âgée de 52 ans, a été tuée d'un coup de cutter. Une femme de 57 ans avait ensuite reconnu les faits, évoquant "des voix" qui l'auraient poussée à agir, selon le parquet. Elle a fait l'objet d'une hospitalisation sous contrainte.
Elle était suivie précédemment en milieu ouvert par un centre médico-psychologique géré par le centre hospitalier Alpes-Isère de Saint-Egrève (Isère), un établissement de santé mentale. Le jour des faits, la suspecte avait assisté aux obsèques de sa fille.
"On sait que la situation vécue par cette femme, confrontée à la maladie de sa fille, avait été parfaitement identifiée comme un risque de déstabilisation", indique Me Gerbi, qui s'interroge dès lors sur les mesures d'accompagnement de la patiente mises en oeuvre par les psychiatres dans ce contexte.
"Un suivi SDRE (Soins sur décision du représentant de l'Etat, NDLR) a deux conditions cumulatives: des troubles mentaux et des risques pour la sécurité des personnes. Et la responsabilité en matière d'appréciation de cette dangerosité ne s'arrête pas aux portes de l'hôpital, elle est encore plus importante à l'extérieur", estime Me Gerbi.
En 2008 à Grenoble, un étudiant avait été poignardé dans la rue par un patient schizophrène de l'hôpital de Saint-Egrève, qui s'était échappé du parc où il était autorisé à sortir. Sa famille, représentée par Me Gerbi, a obtenu en 2019 la condamnation définitive (à 18 mois de prison avec sursis) du psychiatre qui suivait le meurtrier, pour homicide involontaire. Cette affaire avait fait grand bruit dans le milieu de la psychiatrie.
ppy/shu
Génocide au Rwanda: après le rapport sur le rôle de la France, des suites judiciaires? #
Le rapport sur le rôle de la France dans le génocide des Tutsi du Rwanda en 1994 aura-t-il des répercussions judiciaires? Pour l'heure, une trentaine d'enquêtes sont en cours à Paris mais rares sont celles qui s'intéressent aux responsabilités dans les cercles dirigeants français.
Vingt-sept ans après les massacres qui ont fait 800.000 morts en trois mois dans le petit pays d'Afrique centrale, c'est un éclairage déterminant qui est porté sur l'implication de la France, qui resta jusqu'au bout l'allié du régime hutu de Kigali.
Selon ce rapport, fruit de deux années d'analyse des archives, les autorités françaises portent "des responsabilités lourdes et accablantes" dans la dérive ayant abouti au génocide des Tutsi en 1994.
"Rien ne vient démontrer" qu'elle se sont rendues "complice" du génocide, "si l'on entend par là une volonté de s'associer à l'entreprise génocidaire", estime toutefois la commission d'historiens qui a rédigé le document.
Après sa remise vendredi, l'Elysée a assuré que la France poursuivrait "ses efforts en matière de lutte contre l'impunité des personnes responsables de crimes de génocide".
En raison des liens historiques entre Paris et le régime du président rwandais Juvénal Habyarimana, nombre de personnes soupçonnées d'être des génocidaires ont trouvé refuge en France après 1994.
Plusieurs ont été arrêtées, mais la Cour de cassation s'est constamment opposée aux extraditions vers leur pays de Rwandais soupçonnés d'avoir pris part au génocide, en vertu du principe de non-rétroactivité de la loi.
Ainsi, Paris a refusé d'extrader Agathe Habyarimana, veuve de l'ex-président rwandais, soupçonnée d'être impliquée dans le génocide, ce qu'elle conteste. Une enquête la visant est ouverte à Paris depuis 2008.
Pour Alain Gauthier, du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR) à l'origine de près d'une trentaine de plaintes déposées en France, "ce n'est pas la première fois" que l'Elysée promet de juger les génocidaires présumés rwandais.
"La justice avance lentement depuis longtemps, il n'y a pas eu de procès depuis 2018, les personnes renvoyées devant les assises gagnent du temps en faisant appel", regrette-t-il auprès de l'AFP.
A ce jour, seules trois personnes ont été condamnées définitivement par la justice française dans des procès liés au génocide, à vingt-cinq ans de prison pour un ex-officier de la garde présidentielle, à la perpétuité pour deux anciens bourgmestres.
Déjà reporté à deux reprises en raison de la crise sanitaire du Covid-19, le procès d'un ancien chauffeur d'hôtel franco-rwandais doit débuter en novembre.
Trois autres enquêtes ont donné lieu à des renvois devant les assises, qui font encore l'objet de recours. Et par ailleurs, 31 informations judiciaires et deux enquêtes préliminaires sont actuellement en cours au pôle crimes contre l'humanité du tribunal judiciaire de Paris.
Elles visent surtout des personnes physiques, ou le groupe BNP Paribas accusé par des ONG d'avoir financé en 1994 un achat d'armes au profit de la milice hutu.
Une autre vise l'ancien gendarme de l'Elysée sous François Mitterrand, Paul Barril, qui aurait pu, selon les ONG qui ont porté plainte contre lui, être utilisé au service d'une "stratégie indirecte" de la France pour soutenir le régime rwandais face aux rebelles de l'actuel président Paul Kagame.
Avec le rapport, les regards se tournent vers un autre dossier brûlant, celui des éventuelles responsabilités de l'armée française lors de l'opération Turquoise, accusée par des survivants d'avoir abandonné des centaines de Tutsi ensuite massacrés sur les collines de Bisesero, fin juin 1994.
En juillet 2018, les juges ont clos leurs investigations sans prononcer de mise en examen, ouvrant la voie à un non-lieu. Depuis, ils ont toujours refusé de relancer l'enquête en procédant à de nouvelles auditions ou des confrontations, comme l'ont réclamé plusieurs fois les parties civiles.
"Le rapport apporte dans ses conclusions la preuve que l'appareil politique et militaire était bien plus impliqué que ce qu'il disait", constate Eric Plouvier, avocat de l'association Survie. Pour lui, c'est désormais un "débat judiciaire, et non d'historiens, qui doit s'ouvrir" sur la notion de "complicité".
"Ce n'est pas à une commission d'historiens de qualifier juridiquement ou non" si la France a été complice ou pas du génocide, abonde Patrick Baudouin, avocat de la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH), également partie civile. Avec ce rapport, estime-t-il, "on ne peut plus imaginer que l'instruction sur Bisesero se termine par un non-lieu".
edy/pa/shu
France: dix ans après, le mystère du quintuple assassinat d'une famille reste entier #
Dix ans après la disparition d'un homme d'affaires français dont la femme et les quatre enfants ont été retrouvés enterrés dans leur jardin, le mystère reste entier autour de la "tuerie de Nantes", l'une des grandes énigmes criminelles de ces dernières années.
Avril 2011. La famille Dupont de Ligonnès, un couple et leurs enfants âgés de 13 à 21 ans, n'a plus donné de signes de vie depuis plusieurs jours lorsque le parquet ouvre une enquête pour disparition inquiétante.
Puis l'horreur apparaît sous les yeux des enquêteurs qui trouvent enterrés sous la terrasse de la maison familiale à Nantes (ouest), enroulés dans des draps et recouverts de chaux, les corps des enfants Benoît, Anne, Thomas, Arthur et de leur mère Agnès, abattus avec chacun au moins deux balles tirées en pleine tête.
Les autopsies révéleront qu'ils ont été victimes d'une "exécution méthodique", selon les mots du procureur de la République de Nantes à l'époque, Xavier Ronsin.
C'est dans le Var (sud) que le père, Xavier Dupont de Ligonnès, un homme d'affaires au succès limité, issu d'une famille aristocratique et catholique, a été vu pour la dernière fois le 15 avril 2011, s'éloignant de l'hôtel Formule 1 de Roquebrune-sur-Argens à pied avec un sac sur le dos.
Depuis, plus rien. Le principal suspect s'est-il suicidé? A-t-il entamé une cavale qui dure depuis maintenant dix ans? Ces questions restent sans réponses et ont déclenché une fascination pour l'affaire, qui dépasse les frontières de l'Hexagone.
"Les hypothèses les plus variées prospèrent et tout un chacun projette ses fantasmes ou ses émotions sur un scénario dont le dénouement n'est pas encore connu", souligne Xavier Ronsin, qui se souvient de signalements où le suspect a été vu "dans les lieux les plus improbables".
En une décennie, cet homme né à Versailles en 1961, a été "vu" à d'innombrables reprises et les enquêteurs ont pu croire qu'ils étaient sur la bonne piste lorsque des ossements ont été découverts en 2015 près de Fréjus, puis quand des fidèles d'un monastère ont signalé fin 2017 la présence d'un moine ressemblant au père de famille.
Mais les ossements n'étaient pas les siens et le moine n'était pas Xavier Dupont de Ligonnès.
L'ADN a aussi prouvé qu'un retraité français, arrêté sur la base d'une "dénonciation anonyme" à l'aéroport de Glasgow en octobre 2019, n'était pas non plus le suspect du quintuple assassinat.
Si l'on ne sait pas où il se trouve, le temps a, en revanche, permis de fouiller les moindres recoins du passé d'un homme criblé de dettes, catholique pratiquant et issu de la vieille noblesse.
Xavier Ronsin relève que les six habitants du 55, Boulevard Robert Schuman vivaient dans "un environnement familial presque banal, classique, de classe moyenne française".
"Un quintuple assassinat d'une famille aussi classique et insérée, la traque pendant dix ans d'un suspect, l'immense intérêt médiatique que ces morts et cette enquête ont suscité (...), le mystère du devenir de cet homme, tout ceci a bien un caractère exceptionnel", relève M. Ronsin.
"Sans pitié pour les siens", "Le Disparu", "la maison de l'horreur", "Un homme ordinaire", "chaux vive"... en dix ans, le mystère a inspiré un nombre vertigineux d'enquêtes, romans, émissions ou téléfilms, d'auteurs fascinés par le personnage de "XDDL" et sa fuite.
Les documentaires ont été nombreux, comme celui diffusé sur Netflix à l'été 2020 (Les enquêtes extraordinaires). Le magazine Society a vu ses ventes s'envoler - plus de 400.000 - pour une longue enquête parue en août 2020.
Objet de fascination, son entourage, et notamment sa mère Geneviève et sa soeur Christine, qui animent un groupe de prières "Philadelphie", d'inspiration catholique traditionaliste, soupçonné de dérives sectaires.
Autre thème récurrent: l'intérêt de XDDL pour les États-Unis, où il affirme avoir été exfiltré dans un courrier reçu par plusieurs proches début avril 2011.
L'affaire est "le plus grand fait divers de ce début de siècle", selon Fabrice Drouelle, qui présente l'émission culte "Affaires sensibles" sur la radio publique France Inter. "Chacun veut un peu faire sa propre enquête, avoir sa propre opinion. On devient tous un peu journaliste ou flic en s'y penchant".
faa/gvy/vk/cac
Les grandes dates de l'affaire Dupont de Ligonnès #
De fausses pistes en fausse arrestation, voici les moments clé de l'affaire de la famille nantaise Dupont de Ligonnès dont le père, soupçonné d'avoir assassiné en 2011 son épouse et ses quatre enfants, est toujours recherché.
Le 1er avril 2011, Xavier Dupont de Ligonnès, 50 ans, achète dans plusieurs magasins du ciment, une bêche et une houe et, le lendemain, quatre sacs de 10 kg de chaux.
La nuit du 3 au 4 avril est la "date probable" du décès de la mère, Agnès et des enfants Benoît (13 ans), Anne (16 ans) et Arthur (21 ans), selon le parquet de Nantes.
Le 5, Thomas (18 ans) rentre à Nantes dans la soirée à la demande de son père. Il est probablement tué cette nuit-là.
Le 11, le collège des deux benjamins de la famille et l'employeur de l'épouse reçoivent des courriers expliquant leur absence par une mutation en Australie. Neuf proches reçoivent un courrier expliquant le départ soudain de toute la famille pour les Etats-Unis par la double vie d'agent secret qu'aurait eue Xavier Dupont de Ligonnès.
Dans la nuit du 12 au 13, Xavier Dupont de Ligonnès dîne seul et dort dans une luxueuse auberge du Vaucluse.
Le 13 avril, des voisins de la famille, inquiets, passent de premiers appels à la police nantaise.
Le 15 avril, après une nuit passée au Formule 1 de Roquebrune-sur-Argens (Var), Dupont de Ligonnès est vu pour la dernière fois par un témoin, s'éloignant à pied avec un sac sur le dos.
Le 19, une enquête est ouverte pour disparition inquiétante de l'ensemble de la famille.
Le 21, les enquêteurs découvrent les corps d'Agnès et de ses quatre enfants, tués par balles et enroulés dans des draps et recouverts de chaux, sous la terrasse de la maison familiale.
Le 22, les autopsies révèlent une "exécution méthodique", avec chacun au moins deux balles tirées en pleine tête.
Le 29 avril, ont lieu les premières fouilles, infructueuses, autour de Roquebrune-sur-Argens.
Le 10 mai, un mandat d'arrêt international est émis contre Xavier Dupont de Ligonnès.
Du 23 au 28 juin, des fouilles sont organisées sans succès dans une quarantaine de cavités autour de Roquebrune-sur-Argens, puis dans les environs.
Le 26 juillet, la police procède à une quinzaine de perquisitions et 25 auditions libres dans toute la France, parmi les proches parents et amis de Xavier Dupont de Ligonnès. Sans résultat.
En avril 2015, des ossements sont découverts près de Fréjus (Var), non loin du dernier endroit où a été vu le père de famille. Ces ossements humains s'avèreront ne pas être les siens.
En juillet, est envoyé au bureau de l'AFP à Nantes un courrier, daté du 11, et signé "XAVIER Dupont de Ligonnès".
Le 29 juillet, au terme des expertises, la police juge que le message inscrit au dos d'une photo de deux des fils - "Je suis encore vivant", "de là jusquà (sic) cette heure" - est vraisemblablement un faux.
En janvier 2018, la police intervient, sans succès, dans un monastère de Roquebrune-sur-Argens où des fidèles pensaient avoir reconnu Xavier Dupont de Ligonnès.
Le 11 octobre 2019, un homme est arrêté après avoir atterri à Glasgow, en provenance de l'aéroport parisien de Roissy-Charles-de-Gaulle. Selon la police écossaise, ses empreintes correspondent partiellement à celles de Xavier Dupont de Ligonnès.
Le lendemain, un test ADN montre qu'il ne s'agit pas du même homme mais de Guy Joao, un retraité français d'origine portugaise qui rejoignait son épouse écossaise et a été victime d'une dénonciation calomnieuse.
bur-doc/ber/faa/vk
Quatre grandes énigmes judiciaires françaises #
L'affaire Dupont de Ligonnès figure parmi les grandes énigmes judiciaires françaises. Voici quatre autres affaires non élucidées ayant tenu la France en haleine au cours des cinquante dernières années :
Le 5 septembre 2012, un Britannique d'origine irakienne de 50 ans, Saad al-Hilli, sa femme et sa belle-mère sont trouvés morts, avec plusieurs balles dans la tête, dans leur voiture sur une route de campagne près de Chevaline, non loin du lac d'Annecy. Une fillette du couple est grièvement blessée, tandis que sa petite soeur est retrouvée indemne, recroquevillée sous les jambes de sa mère. Un cycliste de la région, probable victime collatérale, a également été abattu.
Le frère aîné de Saad al-Hilli, qui était en conflit avec lui concernant l'héritage paternel, est placé en garde à vue le 24 juin 2013 au Royaume-Uni, puis sous contrôle judiciaire jusqu'en janvier 2014. Au sein de la famille al-Hilli, certains penchent plutôt pour un meurtre lié à l'espionnage industriel (Saad était ingénieur spécialisé dans les satellites). La piste d'un motard aperçu près des lieux du crime a été écartée.
Le Dr Yves Godard, 44 ans, médecin acupuncteur à Caen (Calvados), sa femme Marie-France et ses deux enfants de 4 et 6 ans quittent le 1er septembre 1999 le port de Saint-Malo pour une croisière, pour ne jamais réapparaître. D'importantes traces de sang de l'épouse sont retrouvées au domicile familial de Tilly-sur-Seulles (Calvados).
Tandis qu'Yves Godard est recherché pour homicide volontaire, sa présence avec ses enfants est signalée sur l'île de Man, aux Hébrides et jusqu'en Afrique du sud. Mais un morceau du crâne de sa fille et des ossements du médecin sont retrouvés au large de la Bretagne en 2000 et 2006.
La justice prononce un non-lieu en septembre 2012. Dispute conjugale qui tourne au coup de folie, suicide déguisé pour échapper à des soucis financiers, assassinat sur fond de paradis fiscaux ... les hypothèses restent ouvertes.
Le corps de Grégory Villemin, 4 ans, est découvert dans la Vologne (Vosges), pieds et mains liés, le 16 octobre 1984. Sur fond de jalousies familiales illustrées par les messages anonymes d'un mystérieux "corbeau", les enquêteurs s'orientent d'abord vers Bernard Laroche, un cousin du père. Inculpé d'assassinat et écroué, il est remis en liberté mais tué par le père, Jean-Marie Villemin. Puis la mère, Christine Villemin, est poursuivie à son tour avant d'être innocentée. Depuis quelques années, la justice, qui soupçonne un acte "collectif", s'intéresse à un grand-oncle et une grand-tante de Grégory, ainsi qu'à Murielle Bolle, belle-soeur de Bernard Laroche. De nouvelles expertises ADN ont récemment été autorisées.
Le 6 avril 1972, Brigitte Dewèvre, 16 ans, fille de mineur, est retrouvée étranglée dans un terrain vague à Bruay-en-Artois (Pas-de-Calais). L'enquête s'oriente rapidement vers le notaire Pierre Leroy, dont la voiture a été vue près du lieu de meurtre, et sa compagne Monique Mayeur. Ecroués pendant plusieurs mois, ils obtiendront un non-lieu en octobre 1974.
Entre-temps, en avril 1973, un camarade de la jeune fille, Jean-Pierre F., 17 ans, a avoué l'avoir étranglée, avant de se rétracter. Il est acquitté au bénéfice du doute en 1975, et en appel un an plus tard.
paj/ber/faa/bma
L'ancien procureur de Nantes décrypte le "caractère exceptionnel" de l'affaire Dupont de Ligonnès #
Xavier Ronsin, procureur de la République de Nantes au moment du quintuple assassinat de la famille Dupont de Ligonnès en 2011, explique à l'AFP comment il a vécu cette affaire exceptionnelle et décrypte ce qu'elle a de marquant et de fascinant.
Q: Avez-vous le souvenir du moment où vous avez l'intuition que l'on bascule dans une affaire hors du commun?
R: "L'événement clé dans mes souvenirs s'est produit dans les quelques minutes qui ont précédé une conférence de presse que je devais tenir au tribunal de Nantes pour lancer un appel à témoignages à propos de ce qui n'était jusque-là qu'une disparition plus mystérieuse d'ailleurs qu'inquiétante. Un commissaire de police qui se trouvait dans mon bureau a reçu un appel téléphonique lui annonçant la découverte dans le jardin de la famille d'un premier corps. Cette annonce changeait totalement la perspective et le contenu de la conférence de presse et évidemment j'ai pris immédiatement toute la mesure de cette évolution soudaine de l'enquête."
Q: Pour vous quel a été le temps le plus fort de l'affaire en 2011?
R: "Outre le basculement de l'enquête que je viens d'évoquer, les temps les plus forts dans mon souvenir ont trait à mon propre déplacement avec les enquêteurs dans la maison des Dupont de Ligonnès qui par hasard était très proche de mon propre domicile puis évidemment les autopsies des corps de ces enfants et de leur mère et enfin la gestion quotidienne, heure par heure, du déferlement médiatique à chaque révélation ou fuite sur le déroulement de l'enquête ou de pseudo reconnaissances du suspect dans les lieux les plus improbables."
Q: En quoi cette affaire est-elle exceptionnelle ?
R: "Chaque affaire, surtout si elle de nature criminelle, est exceptionnelle ou singulière et je me méfie toujours des superlatifs médiatiques, car le devoir des enquêteurs et des magistrats est de traiter toutes les affaires judiciaires, y compris les plus banales, avec le même sérieux (...) Mais j'en conviens, un quintuple assassinat d'une famille aussi classique et insérée, la traque pendant dix ans d'un suspect, l'immense intérêt médiatique que ces morts et cette enquête ont suscité, les milliers de témoignages, sérieux ou farfelus recueillis, le mystère du devenir de cet homme, tout ceci à bien un caractère exceptionnel."
Q: Qu'est-ce qui explique la fascination qu'elle suscite depuis une décennie?
R: "Dès lors qu'une affaire criminelle n'est pas totalement résolue sur le plan judiciaire, soit par l'arrestation de l'auteur soit par la découverte de son corps, le mystère fascine (...) Lorsque le meurtrier est extérieur à la famille, paradoxalement je pense que l'horreur du ressenti est moindre que si +le Mal+ est provoqué de l'intérieur du cocon familial, considéré par tous comme étant le plus protecteur du monde dans toutes les sociétés, notamment à l'égard des enfants. S'y ajoute parmi les hypothèses les plus sérieuses pour expliquer ces assassinats, leur caractère planifié, prémédité, y compris par des pièges tendus à des enfants, des traquenards, l'extraordinaire accumulation de mensonges avant et après... une telle densité de volonté criminelle forcément est marquante et fascinante."
Q: La pression médiatique était importante, a-t-elle compliqué l'enquête ?
R: "Je vous confirme que cette pression médiatique a été intense mais qu'elle n'a pas paralysé les investigations. Tous les médias, de télévision, de radio, de presse écrite ou d'internet relayaient au début parfois en boucle, informations vérifiées et rumeurs les plus folles, dans une concurrence exacerbée. J'ai fait le choix délibéré à l'époque de communiquer par mails tous les jours à l'ensemble des journalistes qui le souhaitaient l'intégralité des réponses aux différentes questions qui m'étaient adressées au lieu de privilégier un tel ou un tel ou de confirmer secrètement +de source autorisée+ tel ou tel fait auprès d'un interlocuteur privilégié. J'ai constaté que cette pratique avait apaisé la concurrence et la course à la +fuite+ ou au témoin miracle puisque je partageais tout avec tout le monde avec l'accord préalable du juge d'instruction."
faa/gvy/vk
Dix ans après, le mystère toujours entier de l'affaire Dupont de Ligonnès #
Xavier Dupont de Ligonnès est-il mort ou vivant? Dix ans après la découverte des corps de sa femme et de ses quatre enfants enterrés sous la terrasse de leur maison, le mystère reste entier autour de la "tuerie de Nantes", considérée comme l'une des grandes énigmes criminelles de ces dernières années.
Avril 2011. Un couple et leurs enfants âgés de 13 à 21 ans n'ont plus donné de signes de vie depuis plusieurs jours lorsque le parquet ouvre une enquête pour disparition inquiétante.
Puis l'horreur apparaît sous les yeux des enquêteurs qui trouvent, enroulés dans des draps et recouverts de chaux, les corps de Benoît, Anne, Thomas, Arthur et Agnès, abattus avec chacun au moins deux balles tirées en pleine tête.
Les autopsies révéleront qu'ils ont été victimes d'une "exécution méthodique", selon les mots du procureur de la République de Nantes à l'époque, Xavier Ronsin.
C'est dans le Var que "XDDL" a été vu pour la dernière fois le 15 avril 2011, s'éloignant du Formule 1 de Roquebrune-sur-Argens à pied avec un sac sur le dos.
"Des moyens judiciaires considérables ont été déployés et rien n'a été négligé dans la limite du possible puisqu'évidemment chaque centimètre carré de terrain n'a pas pu être étudié dans les montagnes, grottes et recoins proches" de l'hôtel, explique à l'AFP M. Ronsin.
Depuis, plus rien. S'est-il suicidé? A-t-il entamé une cavale qui dure depuis maintenant dix ans? Ces questions restent sans réponses et ont déclenché une fascination pour l'affaire, qui dépasse les frontières de l'Hexagone.
"Les hypothèses les plus variées prospèrent et tout un chacun projette ses fantasmes ou ses émotions sur un scénario dont le dénouement n'est pas encore connu", souligne Xavier Ronsin, qui se souvient de signalements où le suspect a été vu "dans les lieux les plus improbables".
En une décennie, cet homme né à Versailles en 1961, a été "vu" à d'innombrables reprises et les enquêteurs ont pu croire qu'ils étaient sur la bonne piste, lorsque des ossements ont été découverts en 2015 près de Fréjus, puis quand des fidèles d'un monastère varois ont signalé fin 2017 la présence d'un moine ressemblant au père de famille.
Mais les ossements n'étaient pas les siens et le moine n'était pas Xavier Dupont de Ligonnès.
L'ADN a aussi prouvé qu'un retraité français, arrêté sur la base d'une "dénonciation anonyme" à l'aéroport de Glasgow en octobre 2019, n'était pas non plus le suspect du quintuple assassinat.
Si l'on ne sait pas où il se trouve, le temps a, en revanche, permis de fouiller les moindres recoins du passé d'un homme criblé de dettes, catholique pratiquant et issu de la vieille noblesse.
Xavier Ronsin relève que les six habitants du 55, Boulevard Robert Schuman formaient une famille "classique" et "insérée", et évoque "un environnement familial presque banal, classique, de classe moyenne française".
Les caractéristiques d'une telle affaire font aussi que chacun peut se retrouver dans la position "d'épier son voisin de train, de bar, de lieu de séjour afin de démasquer celui qui a disparu", relève-t-il.
Les documentaires ont été nombreux et le succès de l'enquête de Society parue en août 2020 montre que le mystère XDDL continue de fasciner.
A chaque fois, son entourage est évoqué et notamment sa mère Geneviève et sa soeur Christine, qui animent un groupe de prières "Philadelphie", d'inspiration catholique traditionaliste, soupçonné de dérives sectaires. Une enquête préliminaire a été ouverte pour "abus de faiblesse" en 2019 et elle est toujours en cours, selon le parquet de Versailles.
Autre thème récurrent: l'intérêt de XDDL pour les États-Unis, où il affirme avoir été exfiltré dans un courrier reçu par plusieurs proches début avril 2011.
Ce courrier et tous les éléments connus de son agenda, comme lorsqu'il demande à son fils Thomas, étudiant à Angers, de prendre le train pour revenir à Nantes le 5 avril 2011, ont été passés au peigne fin, sans permettre d'expliquer le mobile des crimes.
Les enquêteurs estiment qu'Agnès, Benoît, Anne et Arthur ont été tués dans le nuit du 3 au 4 avril, et Thomas probablement le 5 avril 2011.
faa/gvy/vk
L'affaire Dupont de Ligonnès, un intérêt médiatique et éditorial jamais retombé #
Dix ans après, l'affaire de la "tuerie de Nantes" a inspiré un nombre vertigineux d'enquêtes, romans, émissions, documentaires ou téléfilms, d'auteurs fascinés par le personnage de Xavier Dupont de Ligonnès et sa fuite.
"Sans pitié pour les siens", "Le Disparu", "la maison de l'horreur", "Un homme ordinaire", "chaux vive"... La liste des oeuvres sur le quintuple assassinat et la disparition du suspect Numéro 1 ne tarit pas.
"L'affaire Ligonnès est saisissante par le côté mystère. Chacun veut un peu faire sa propre enquête, avoir sa propre opinion. On devient tous un peu journaliste ou flic en s'y penchant", explique Fabrice Drouelle, qui présente l'émission culte sur France Inter "Affaires sensibles".
"Autant l'affaire Grégory a été le plus grand fait divers du XXe siècle et de l'après-guerre, autant cette affaire est le plus grand fait divers de ce début de siècle", reconnaît le journaliste, qui a présenté plus de 120 faits divers.
L'écrivain Samuel Doux, qui se glisse dans la peau de "XDDL" dans le roman "L'éternité de Xavier Dupont de Ligonnès" (Julliard, 2020), explique l'intérêt suscité par cette affaire par le "fantasme de la disparition".
"On est pris dans nos vies quotidiennes, par les injonctions de la société : il y a une fascination à pouvoir se libérer totalement des liens qui nous unissent à la famille, à la société et de disparaître complètement", explique Samuel Doux. Lui-même se dit touché "par une forme d'obsession pour cette affaire, qui obsède un peu tous les Français, tant elle est incroyable".
Une affaire qui a également intrigué hors de l'Hexagone depuis la diffusion d'un documentaire à l'été 2020 (Les enquêtes extraordinaires) sur Netflix, qui compte 204 millions d'utilisateurs dans plus de 190 pays, selon les chiffres communiqués par le service de presse de la plateforme.
Toujours à l'été, le magazine Society a vu ses ventes s'envoler - plus de 400.000 - pour une longue enquête parue sur l'affaire, aussi disponible en livre (Marabout/So Press). "On savait que ça marcherait, mais on ne pensait pas que ça marcherait aussi bien ! On parle d'un sujet que tout le monde connait et tout le monde a l'impression d'avoir tout lu, en apportant beaucoup d'éléments nouveaux", analyse Franck Annese, directeur de la publication.
Pour expliquer le retentissement de cette affaire, outre son halo de mystère, Franck Annese estime qu'elle "raconte 30 ans de vie française : les relations intimes et amicales, les relations de couple, aussi altérées avec une maltraitance psychologique de Ligonnès envers sa femme. C'est aussi le fantasme de l'argent facile avec internet, avec lui qui croit pouvoir monter des sites et faire fortune, le patriarcat de l'époque, la noblesse désargentée qui vit au-dessus de ses moyens avec des moeurs parfois étranges, sans oublier le fantasme des États-Unis", égrène-t-il.
Pour la journaliste Anne-Sophie Martin, qui a publié en 2016 une enquête fouillée ("Le Disparu", Ring), cet intérêt pour le quintuple assassinat s'explique aussi par le nombre d'écrits laissés par le suspect, ce qui permet aux écrivains et journalistes d'avoir une foule de matière à explorer et de tenter de cerner la personnalité du fugitif.
"On dirait un scribe ! On a l'impression qu'il écrit tout le temps : ses problèmes conjugaux, sur lesquestions de religion, la vie de la famille ou l'éducation des enfants", remarque-t-elle. Autre explication à cette présence en librairie et sur les ondes : "les histoires de famille créent une émotion assez forte dans l'opinion. On a quand même une famille rayée de la carte".
Le psychiatre Michel Lejoyeux a un regard plus critique sur ce déchaînement médiatique. "Quand on parle beaucoup d'un phénomène, on finit par le créer et de susciter de l'intérêt. Un Roland Barthes aurait été intéressé par le sujet, comme une mythologie qui se crée", relève-t-il.
mas/gvy/bma
Rwanda: la France "poursuivra ses efforts" contre l'impunité des responsables de génocide (Elysée) #
La France, où ont trouvé refuge nombre de personnes suspectées d'avoir participé au génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, "poursuivra ses efforts" contre "l'impunité" des responsables de crimes de génocide, a déclaré vendredi l'Elysée après la publication d'un rapport sur le rôle de la France dans cette période.
"Le France poursuivra ses efforts en matière de lutte contre l'impunité des personnes responsables de crimes de génocide", selon un communiqué des services du président Emmanuel Macron qui avait commandé ce rapport d'historiens.
jri-fz-lp/sba
Rwanda: Glucksmann dénonce le "pire scandale de la Ve République" #
Le député européen Raphaël Glucksmann a estimé que la responsabilité de l'Etat français et de François Mitterrand dans le génocide commis au Rwanda en 1994, telle qu'établie par le rapport remis à Emmanuel Macron vendredi, constituait le "pire scandale de la Ve République".
Raphaël Glucksmann avait été pris dans une controverse avec d'anciens ministres socialistes lors des élections européennes de 2019, pour des propos sur l'attitude de François Mitterrand avant et après ce massacre de 800.000 Tutsi par les Hutu.
"Petit à petit, la vérité va s'imposer et c'est un moment important pour la France: une nation se grandit à éclairer les zones les plus sombres de son histoire", a-t-il réagi auprès de l'AFP après la remise du rapport.
Selon le député européen, celui-ci démontre "la responsabilité accablante de l'Etat français et en particulier de François Mitterrand qui a orchestré, dirigé le soutien politique, financier et militaire à un régime extrémiste, raciste qui allait commettre un génocide".
C'est donc pour M. Glucksmann "le pire scandale de la Ve république".
"On a tellement lié notre destin à ce régime rwandais que tous les signaux, y compris des renseignements extérieurs, ont été ignorés, et l'existence une fois établie du génocide n'a pas été une priorité pour la France", a-t-il ajouté.
Bernard Kouchner, ancien ministre de l'Action humanitaire (1992-1993) sous la présidence de François Mitterrand, a quant à lui déclaré à l'AFP: "Je n'ai pas encore lu le rapport mais aveuglement est un bon mot. Ils (le pouvoir français) avaient tous les moyens de se renseigner sur ce qu'il se passait. Ils ne l'ont pas fait".
"Responsabilité accablante", rôle central de François Mitterrand, lanceurs d'alerte peu écoutés et militaires sur le terrain désemparés: le rapport de plus de 1.000 pages de la commission d'historiens, remis à Emmanuel Macron, dresse un tableau précis et documenté sur le rôle de la France dans le génocide des Tutsi au Rwanda, en 1994.
bap-adc/ib/vk
Rapport sur le génocide: Macron salue "une avancée considérable" pour comprendre l'engagement de la France au Rwanda #
Le rapport sur le rôle de la France dans le génocide des Tutsi au Rwanda "marque une avancée considérable dans la compréhension et la qualification de l'engagement" de la France dans ce pays, a estimé vendredi Emmanuel Macron après avoir reçu ses auteurs.
Le chef de l'Etat "encourage" par ailleurs "la poursuite du travail de connaissance et de mémoire sur le génocide des Tutsi", avec l'ouverture "dans les jours qui viennent" des "deux principaux fonds d'archives" sur ce dossier, selon l'Elysée.
jri/fz/sba
La France a été "incapable" de concevoir le génocide rwandais (Duclert) #
Le "tort majeur" de la France au Rwanda a été son incapacité à "penser" le génocide en 1994, mais rien ne démontre qu'elle s'en est rendue "complice" selon Vincent Duclert, président d'une Commission d'historiens qui a remis vendredi son rapport à Emmanuel Macron.
Q - Votre rapport pointe la "faillite" et les "responsabilités accablantes" de la France dans la tragédie rwandaise, pour autant, vous écartez la notion de "complicité" de génocide.
R - On est des historiens, pas des juges. Mais on a assumé cette question de la "complicité", parce que c'est celle que tout le monde se pose.
Premièrement, la France, et c'est probablement un de ses torts majeurs, n'a pas été capable de penser le génocide ni même sa préparation. Ca pose un problème, car la France est signataire de la Convention pour la prévention des génocides de 1948. Il existe donc des outils pour penser un génocide.
Ces outils auraient pu permettre de comprendre que ce n'étaient pas des massacres interethniques, ce n'étaient pas des Hutu qui massacrent des Tutsi et après des Tutsi qui massacrent des Hutu. Non, il y avait une programmation, une volonté de détruire les Tutsi du Rwanda et aussi ceux qui les soutenaient parmi les Hutu démocrates.
Les autorités françaises ont été incapables de penser ça. Incapables.
Alain Juppé (le chef de la diplomatie de droite de l'époque, ndlr), a voulu reconnaître le génocide, mais très vite, on en revient à cette grille de "massacres interethniques", qui est une catastrophe pour l'Afrique.
Peut-on être complice d'un crime qu'on n'a pas pensé ?
En tous cas il y a une faillite intellectuelle des élites françaises.
Deuxièmement, la complicité de génocide c'est de s'associer intentionnellement à l'entreprise génocidaire. Et nous, ce qu'on constate, c'est que dans toutes les archives, il n'y aucun document qui montre que la France voulait s'associer à cette entreprise génocidaire.
La France a été aveugle, a refusé toutes les alertes, mais si on doit considérer qu'il y a complicité, au fond toute la communauté internationale sera complice de ce génocide.
Q- Votre rapport est très sévère pour le président socialiste François Mitterrand et son entourage.
R- Les autorités françaises ont mené une politique totalement déconnectée de la réalité.
C'est une politique qui a été voulue par François Mitterrand. D'abord il avait des liens très étroits avec le président Habyarimana, qui en jouait énormément pour obtenir tout de la France sans rien concéder. Par exemple, il y a des cartes d'identité ethniques qui ont servi lors du génocide à éliminer les Tutsi, la France aurait pu faire pression, refuser de donner des moyens militaires tant qu'Habyarimana n'aurait pas modifié les cartes d'identité.
Mitterrand voulait réussir une politique qui réaliserait ses ambitions du sommet franco-africain de la Baule, qui étaient du reste assez nobles: forcer la démocratisation des pays du champ francophone.
Pour que cette politique française réussisse, il a tout concédé à la dictature d'Habyarimana et a imposé grâce à son état-major particulier et à ses diplomates inféodés une politique qui allait vers la catastrophe.
R - Quels sont les enjeux de ce rapport ?
Q - Il y a derrière tout cela une nouvelle relation avec l'Afrique, une nouvelle relation avec le Rwanda, et c'est absolument essentiel.
Depuis 30 ans c'est un sujet étouffant, plein de violences, de mensonges, plein d'injustice aussi à l'égard des Rwandais.
On a fait un travail méthodique d'historiens. C'est aux Français et au président de la République de s'exprimer désormais.
Ce que je souhaite c'est que ce rapport débouche sur une réconciliation franco-rwandaise sans concession. Les Rwandais, légitimement, attendent quelque chose de la France. Si le président rwandais Paul Kagame accepte le rapport et considère que la France a fait le chemin qu'elle doit faire, pour le coup, c'est l'Afrique qui donnerait une leçon de grandeur à l'Europe et à la France.
cf/fz/pid/thm
Génocide des Tutsi au Rwanda: les principaux points du rapport qui accable la France #
"Responsabilité accablante", rôle central de François Mitterrand, lanceurs d'alerte peu écoutés et militaires sur le terrain désemparés: le rapport d'une commission d'historiens dresse un tableau précis et documenté sur le rôle de la France dans le génocide des Tutsi au Rwanda, en 1994.
Voici les principaux points de ce rapport de plus de 1.000 pages qui compile un travail de plus de deux ans à partir de l'ensemble des archives existantes, dont certaines n'avaient jamais été consultées.
C'est la conclusion choc du rapport: les autorités françaises portent "des responsabilités lourdes et accablantes" dans la dérive ayant abouti au génocide des Tutsi en 1994.
Les responsabilités sont avant tout "politiques", avec un "aveuglement" face au "régime raciste, corrompu et violent" du président hutu Juvénal Habyarimana et ce malgré des "alertes".
"En France à l'inquiétude de ministres, de parlementaires, de haut fonctionnaires, d'intellectuels, il n'est répondu que par l'indifférence, le rejet ou la mauvaise foi", assène le rapport.
Les responsabilités sont également "intellectuelles", avec selon le texte une "obstination" à défendre une lecture ethnique du conflit rwandais dans les années précédant le génocide.
Est pointée l'incapacité des décideurs à penser le génocide et à le distinguer des massacres de masse, notamment.
L'action de la France au Rwanda à cette époque est ainsi présentée comme une "faillite".
Selon le rapport, "rien ne vient démontrer" toutefois qu'elle s'est rendue "complice" du génocide qui a fait au moins 800.000 morts selon l'ONU.
"Si l'on entend par là une volonté de s'associer à l'entreprise génocidaire, rien dans les archives consultées ne vient le démontrer".
Le rapport accable tout particulièrement le président français de l'époque François Mitterrand, décédé en 1996 et son soutien total et durable au président Habyarimana.
"Jamais dans les archives consultées par la Commission, un document n'atteste que le président rwandais ait été désavoué par son homologue français", peut-on lire.
"L'alignement sur le pouvoir rwandais procède d'une volonté du chef de l'État", pointe l'une des conclusions du document.
Entre 1990 et 1994, il est notamment rappelé le soutien militaire sans faille prodigué par la France au Rwanda, y compris via des opérations de formation de l'armée et ce malgré les diverses alertes lancées sur la radicalisation d'une partie du régime hutu.
François Mitterrand n'a cependant pas décidé seul: sa politique sur ce sujet a été largement influencée par un petit cercle de proches, notamment son chef d'état-major particulier Christian Quesnot.
Christian Quesnot ainsi que le conseiller Afrique de l'Elysée Bruno Delaye vont abreuver le président de la République de notes mettant en garde contre le danger du FPR.
Le Front Patriotique Rwandais, parti politique créé par des Tutsi en exil en Ouganda, va mener plusieurs attaques au Rwanda entre 1990 et 1994.
Dès 1990, ces attaques sont qualifiées d'"offensive ougando-tutsi" par une partie des autorités françaises et notamment M. Quesnot.
"Une lecture ethniciste du Rwanda", selon le rapport qui dénonce une "conception qui perdure et alimente une pensée où, les Hutu étant majoritaires, la possibilité d'une victoire du FPR est toujours assimilée à la prise de contrôle anti-démocratique par une minorité ethnique".
C'est cette lecture, prédominante à l'Elysée, qui poussera la France à soutenir le régime hutu, notamment en formant certains militaires du régime avant 1994.
La France ne parlait toutefois pas d'une seule voix sur la question du Rwanda, rappelle le rapport, y compris au sein du gouvernement.
Pierre Joxe, ministre de la Défense entre 1991 et 1993, a ainsi plusieurs fois souhaité réévaluer l'appui militaire au Rwanda, mais il n'aura que rarement gain de cause auprès du Président.
La Direction générale des services extérieurs (DGSE) avait également alerté, en 1993 notamment, sur la responsabilité du président Habyarimana dans les massacres de Tutsi, mettant en doute sa "bonne foi".
Et dès octobre 1990, soit plus de trois ans avant le génocide, l'attaché de défense français à Kigali, le colonel René Galinié, avait mis en garde Paris sur la possibilité d'une élimination physique de centaines de milliers de Tutsi.
Le document ne se contente pas d'épingler des fautes idéologiques de la France, il met également des "dérives institutionnelles" et des "pratiques irrégulières", en particulier du côté de l'Etat-major particulier de la présidence, dirigé par Chistian Quesnot.
"La Commission a démontré l'existence de pratiques irrégulières d'administration, de chaînes parallèles de communication et même de commandement, de contournement des règles d'engagement et des procédures légales, d'actes d'intimidation et d'entreprises d'éviction de responsables ou d'agents", dénonce le rapport.
Parmi les exemples, est notamment cité un fax d'octobre 1990 envoyé par l'adjoint de M. Quesnot, le colonel Jean-Pierre Huchon, où il demande quasi explicitement à l'attaché de défense à Kigali de contribuer à l'entreprise de propagande contre le FPR.
Des écrits qui "pourraient s'apparenter à des pratiques d'officine" pour les rapporteurs.
Déployée sous mandat de l'ONU le 22 juin 1994, plus de deux mois après le début du génocide, la force Turquoise avait officiellement une mission humanitaire.
Dans la pratique, l'objectif était de mettre fin aux massacres.
"Les troupes déployées ne sont pas préparées aux terribles réalités qu'elles rencontrent au Rwanda et ont pu en subir de profonds traumatismes", note le rapport qui rappelle les "nombreuses incertitudes" qui entourent le déploiement des militaires, notamment sur le périmètre de leur mission.
Une autre question est posée dans le rapport sur Turquoise: la France a t-elle mis fin au génocide par cette opération comme cela a été affirmé à l'époque au niveau politique?
"Certes, le nombre de Tutsi encore menacés fin juin, extraits de situations dangereuses et sauvés, se compte en milliers, mais la France, longtemps aveugle devant la réalité du génocide, est intervenue trop tard pour des centaines de milliers d'autres", ajoute le texte.
Les rapporteurs pointent par ailleurs que l'action humanitaire de l'opération a bénéficié à "des populations très majoritairement hutu et qui comptent parmi elles, non seulement des tueurs, mais aussi des commanditaires du génocide".
14 juillet 1994: le général Lafourcade, chef de l'opération Turquoise, informe l'Etat-major de la présence de cinq membres du gouvernement intérimaire hutu, à l'origine du génocide, dont son président dans la Zone humanitaire sûre, au sud-ouest du Rwanda.
Il déclare "attendre les ordres". Six jours plus tard, une note de la DGSE donne même la localisation précise de certains d'entre eux.
"Les responsables du génocide ne seront néanmoins pas appréhendés par les forces françaises", notent les rapporteurs.
Alors les militaires français ont-ils laissé volontairement filer des génocidaires?
"Les archives montrent que les autorités françaises n'ont jamais envisagé sérieusement de procéder à des arrestations", conclut le rapport.
"Elles se sont plutôt efforcées de convaincre les membres du gouvernement intérimaire de quitter la Zone humanitaire sûre", ajoute le texte.
Le rapport, fort de nombreux documents sur le sujet, montre que la France a notamment assuré que l'arrestation des suspects ne relevait pas de son mandat mais de celui de la mission de l'ONU (Minuar).
Elle avait également justifié sa position en estimant que les droits de la défense ne pourraient être garantis si les suspects étaient remis au FPR qui venait de prendre le pouvoir.
pid-cf-lp/fz/blb
Génocide au Rwanda: Mitterrand, un président aveuglé, selon un rapport #
Chef de l'Etat français pendant le génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, François Mitterrand a refusé de modifier sa politique avec Kigali pendant les années qui ont précédé le drame. Un rôle crucial selon le rapport d'une commission d'historiens.
"Les autorités françaises ont fait preuve d'un aveuglement continu dans leur soutien à un régime raciste, corrompu et violent. L'alignement sur le pouvoir rwandais procède d'une volonté du chef de l'État". La conclusion du document n'entretient aucun doute sur l'implication de M. Mitterrand.
Car entre 1990 et 1994 la relation franco-rwandaise est avant tout celle d'un "coup de coeur" du président français pour son homologue rwandais, selon une note remise en 1993 à Michel Rocard, ex-Premier ministre.
Régulièrement reçu à Paris par son homologue, Juvénal Habyarimana, le président hutu, a "l'oreille de l'Elysée", selon le rapport qui parle de "liens personnels" entre les deux hommes.
"A chaque fois qu'il vient à l'Élysée, il obtient l'appui du président", précise le rapport.
Mais au-delà de cette relation d'amitié, François Mitterrand voit le Rwanda comme le laboratoire de sa nouvelle politique africaine impulsée en 1990 par le discours de la Baule.
A cette occasion, il fait passer un message simple: la France soutiendra militairement les pays qui le souhaitent à condition qu'ils s'engagent sur la voie de la démocratie.
C'est ce deal "donnant-donnant" qui est passé avec Habyarimana, même si des voix discordantes alertaient sur les risques de passer un tel accord avec un régime déjà suspecté de commettre des violences contre les Tutsi.
"Le choix, cependant, est fait au plus haut niveau de l'État de la mettre en oeuvre", indique le rapport Duclert.
Dans la pratique, cette politique se traduit par l'opération Noroît, officiellement chargée de protéger les ressortissants français dans un pays secoué par des attaques des rebelles du Front patriotique rwandais (FPR).
La mission, censée être courte et limitée dans le temps, s'étirera en vérité sur plusieurs années: une volonté du président Mitterrand et de son entourage, malgré les demandes régulières du ministère de la Défense de rapatrier cette compagnie.
Le dispositif sera même renforcé au cours de l'année 1991, avec la mise en place d'un détachement d'aide et d'instruction (DAMI) qui permettra pendant les années précédant le génocide à des militaires français de former leurs homologues rwandais.
En 1992, les signaux d'alarme quant au durcissement d'une partie du régime hutu s'accélèrent.
En février d'abord, après les massacres de Tutsi au Bugesera (sud-est), le renseignement militaire français signale le doute profond qu'il faut avoir face à une grande partie des institutions rwandaises et parle de risque "d'extension des pogroms".
En août de la même année, l'Etat-major des armées craint "des incidents ethniques débouchant sur une chasse aux Tutsi".
Et en octobre, c'est une note de Jean-Marc de la Sablière, directeur des affaires africaines au Quai d'Orsay qui signale "les activités des extrémistes hutu" et leur "hostilité à ce qui pourrait entamer les pouvoirs" du président.
Mais à aucun moment la position de l'Elysée ne fléchit.
"On peut se demander si, finalement, les décideurs français voulaient vraiment entendre une analyse qui venait, au moins en partie, contredire la politique mise en oeuvre au Rwanda", dénonce le rapport.
Mais Mitterrand ne prend pas ses décisions totalement seul. Autour de lui, quelques personnages-clés, des fidèles comme le secrétaire général Hubert Védrine, et d'autres qui l'ont aidé à orienter sa politique rwandaise, à commencer par son chef d'état major particulier, le général Christian Quesnot.
Dans le rapport, où il est cité plus de 150 fois, Quesnot est largement présenté comme un soutien actif du président Habyarimana.
Sa lecture du conflit au Rwanda est purement ethniciste, soutient le rapport: hostile au FPR qu'il voit comme le parti des Tutsi soutenus par un pays étranger, l'Ouganda, et qui menace la sécurité et le pouvoir en place au Rwanda.
Elle est partagée notamment par son adjoint, le général Jean-Pierre Huchon, et par le conseiller Afrique de l'Elysée, Bruno Delaye. Elle va largement influencer la politique française au Rwanda.
Face aux attaques plus pressantes du FPR en 1993, Quesnot recommande par exemple le "renforcement de notre soutien à l'armée rwandaise". Une note approuvée par le chef de l'Etat avec la mention "D'accord Urgent", écrite à la main.
La cohabitation à l'oeuvre en France à partir du printemps 1993 ne changera pas grand-chose: les décisions continuent d'être prises dans ce cercle restreint autour du président.
Le 7 avril 1994, l'avion du président Habyarimana est abattu, point de départ d'un génocide de trois mois qui tuera 800.000 personnes selon l'ONU, principalement des Tutsi.
Deux mois après le début des massacres, Mitterrand utilise le mot "génocide perpétré par des Hutu" mais l'attribue non pas à quelque chose de systémique mais à la "folie qui s'est emparée d'eux après l'assassinat de leur président".
"La France n'a aucune responsabilité dans ce drame", assure-t-il un mois plus tard.
pid-cf-lp/fz/cs/blb
Génocide des Tutsi au Rwanda: les principaux points du rapport qui accable la France #
"Responsabilité accablante", rôle central de François Mitterrand, lanceurs d'alerte peu écoutés et militaires sur le terrain désemparés: le rapport d'une commission d'historiens dresse un tableau précis et documenté sur le rôle de la France dans le génocide des Tutsi au Rwanda, en 1994.
Voici les principaux points de ce rapport de plus de 1.000 pages qui compile un travail de plus de deux ans à partir de l'ensemble des archives existantes, dont certaines n'avaient jamais été consultées.
C'est la conclusion choc du rapport: les autorités françaises portent "des responsabilités lourdes et accablantes" dans la dérive ayant abouti au génocide des Tutsi en 1994.
Les responsabilités sont avant tout "politiques", avec un "aveuglement" face au "régime raciste, corrompu et violent" du président hutu Juvénal Habyarimana et ce malgré des "alertes".
"En France à l'inquiétude de ministres, de parlementaires, de haut fonctionnaires, d'intellectuels, il n'est répondu que par l'indifférence, le rejet ou la mauvaise foi", assène le rapport.
Les responsabilités sont également "intellectuelles", avec selon le texte une "obstination" à défendre une lecture ethnique du conflit rwandais dans les années précédant le génocide.
Est pointée l'incapacité des décideurs à penser le génocide et à le distinguer des massacres de masse, notamment.
L'action de la France au Rwanda à cette époque est ainsi présentée comme une "faillite".
Selon le rapport, "rien ne vient démontrer" toutefois qu'elle s'est rendue "complice" du génocide qui a fait au moins 800.000 morts selon l'ONU.
"Si l'on entend par là une volonté de s'associer à l'entreprise génocidaire, rien dans les archives consultées ne vient le démontrer".
Le rapport accable tout particulièrement le président français de l'époque François Mitterrand, décédé en 1996 et son soutien total et durable au président Habyarimana.
"Jamais dans les archives consultées par la Commission, un document n'atteste que le président rwandais ait été désavoué par son homologue français", peut-on lire.
"L'alignement sur le pouvoir rwandais procède d'une volonté du chef de l'État", pointe l'une des conclusions du document.
Entre 1990 et 1994, il est notamment rappelé le soutien militaire sans faille prodigué par la France au Rwanda, y compris via des opérations de formation de l'armée et ce malgré les diverses alertes lancées sur la radicalisation d'une partie du régime hutu.
François Mitterrand n'a cependant pas décidé seul: sa politique sur ce sujet a été largement influencée par un petit cercle de proches, notamment son chef d'état-major particulier Christian Quesnot.
Christian Quesnot ainsi que le conseiller Afrique de l'Elysée Bruno Delaye vont abreuver le président de la République de notes mettant en garde contre le danger du FPR.
Le Front Patriotique Rwandais, parti politique créé par des Tutsi en exil en Ouganda, va mener plusieurs attaques au Rwanda entre 1990 et 1994.
Dès 1990, ces attaques sont qualifiées d'"offensive ougando-tutsi" par une partie des autorités françaises et notamment M. Quesnot.
"Une lecture ethniciste du Rwanda", selon le rapport qui dénonce une "conception qui perdure et alimente une pensée où, les Hutu étant majoritaires, la possibilité d'une victoire du FPR est toujours assimilée à la prise de contrôle anti-démocratique par une minorité ethnique".
C'est cette lecture, prédominante à l'Elysée, qui poussera la France à soutenir le régime hutu, notamment en formant certains militaires du régime avant 1994.
La France ne parlait toutefois pas d'une seule voix sur la question du Rwanda, rappelle le rapport, y compris au sein du gouvernement.
Pierre Joxe, ministre de la Défense entre 1991 et 1993, a ainsi plusieurs fois souhaité réévaluer l'appui militaire au Rwanda, mais il n'aura que rarement gain de cause auprès du Président.
La Direction générale des services extérieurs (DGSE) avait également alerté, en 1993 notamment, sur la responsabilité du président Habyarimana dans les massacres de Tutsi, mettant en doute sa "bonne foi".
Et dès octobre 1990, soit plus de trois ans avant le génocide, l'attaché de défense français à Kigali, le colonel René Galinié, avait mis en garde Paris sur la possibilité d'une élimination physique de centaines de milliers de Tutsi.
Le document ne se contente pas d'épingler des fautes idéologiques de la France, il met également des "dérives institutionnelles" et des "pratiques irrégulières", en particulier du côté de l'Etat-major particulier de la présidence, dirigé par Chistian Quesnot.
"La Commission a démontré l'existence de pratiques irrégulières d'administration, de chaînes parallèles de communication et même de commandement, de contournement des règles d'engagement et des procédures légales, d'actes d'intimidation et d'entreprises d'éviction de responsables ou d'agents", dénonce le rapport.
Parmi les exemples, est notamment cité un fax d'octobre 1990 envoyé par l'adjoint de M. Quesnot, le colonel Jean-Pierre Huchon, où il demande quasi explicitement à l'attaché de défense à Kigali de contribuer à l'entreprise de propagande contre le FPR.
Des écrits qui "pourraient s'apparenter à des pratiques d'officine" pour les rapporteurs.
Déployée sous mandat de l'ONU le 22 juin 1994, plus de deux mois après le début du génocide, la force Turquoise avait officiellement une mission humanitaire.
Dans la pratique, l'objectif était de mettre fin aux massacres.
"Les troupes déployées ne sont pas préparées aux terribles réalités qu'elles rencontrent au Rwanda et ont pu en subir de profonds traumatismes", note le rapport qui rappelle les "nombreuses incertitudes" qui entourent le déploiement des militaires, notamment sur le périmètre de leur mission.
Une autre question est posée dans le rapport sur Turquoise: la France a t-elle mis fin au génocide par cette opération comme cela a été affirmé à l'époque au niveau politique?
"Certes, le nombre de Tutsi encore menacés fin juin, extraits de situations dangereuses et sauvés, se compte en milliers, mais la France, longtemps aveugle devant la réalité du génocide, est intervenue trop tard pour des centaines de milliers d'autres", ajoute le texte.
Les rapporteurs pointent par ailleurs que l'action humanitaire de l'opération a bénéficié à "des populations très majoritairement hutu et qui comptent parmi elles, non seulement des tueurs, mais aussi des commanditaires du génocide".
14 juillet 1994: le général Lafourcade, chef de l'opération Turquoise, informe l'Etat-major de la présence de cinq membres du gouvernement intérimaire hutu, à l'origine du génocide, dont son président dans la Zone humanitaire sûre, au sud-ouest du Rwanda.
Il déclare "attendre les ordres". Six jours plus tard, une note de la DGSE donne même la localisation précise de certains d'entre eux.
"Les responsables du génocide ne seront néanmoins pas appréhendés par les forces françaises", notent les rapporteurs.
Alors les militaires français ont-ils laissé volontairement filer des génocidaires?
"Les archives montrent que les autorités françaises n'ont jamais envisagé sérieusement de procéder à des arrestations", conclut le rapport.
"Elles se sont plutôt efforcées de convaincre les membres du gouvernement intérimaire de quitter la Zone humanitaire sûre", ajoute le texte.
Le rapport, fort de nombreux documents sur le sujet, montre que la France a notamment assuré que l'arrestation des suspects ne relevait pas de son mandat mais de celui de la mission de l'ONU (Minuar).
Elle avait également justifié sa position en estimant que les droits de la défense ne pourraient être garantis si les suspects étaient remis au FPR qui venait de prendre le pouvoir.
pid-cf-lp/fz/blb
Aux assises, la douleur des proches d'un mécanicien assassiné en Corse #
"On ne m'appellera plus papa": le père d'un mécanicien de 35 ans assassiné en 2016 près d'Ajaccio, a témoigné de sa douleur devant les assises de Corse-du-Sud où sont jugés cinq accusés qui nient les faits.
Âgé de 35 ans, Jean-Michel German, présenté comme "sans histoire et ayant tourné le dos à son passé de toxicomane", a été atteint le 7 septembre 2016 vers 08H00 de plusieurs projectiles de fusil de chasse et de revolver devant la résidence de sa compagne à Alata, un village voisin d'Ajaccio.
Jean-Louis German, 65 ans, retraité de l'ancienne compagnie d'électricité EDF a relaté à la barre, en retenant ses larmes, comment, en apprenant la mort de son fils de la bouche d'un gendarme, "le monde s'écroule".
"C'était un bon gosse, un gamin adorable, il aimait la vie, il faisait du jet(-ski), du motocross", "on faisait beaucoup de mécanique ensemble". "Il disait, il me faut du bruit et des odeurs d'essence pour que ça me plaise".
La voix tremblante, il lâche: "On ne m'appellera plus jamais papa, on ne m'appellera pas non plus papy ou babbu" (grand-père) et "quand je mourrai, mon nom disparaitra avec moi parce que je n'ai plus de descendance".
Interrogé sur les anciens problèmes d'addiction de son fils, il a indiqué qu'il ne parlait pas de ça avec lui. "Je crois qu'il s'en était sorti, il allait bien". Sur les difficultés financières, M. German avait conscience, parfois, "de fins de mois difficiles".
Son fils avait-il peur? Se sentait-il menacé? "Non, pas du tout", tranche-t-il, confiant avoir "entière confiance en la justice" et espérer "que justice soit faite".
La compagne de Jean-Michel German, depuis sept ans au moment de l'assassinat, est ensuite arrivée en pleurs à la barre: "Je suis brisée depuis ce jour-là. Ca a été un gros choc émotionnel, je n'arrive pas à me remettre psychologiquement. Je suis très choquée de ces images, de cette flaque de sang", a-t-elle difficilement confié.
Quelles sont vos attentes? "D'avoir des réponses, pourquoi on l'a tué, pourquoi on me l'a pris".
Les réquisitions sont attendues lundi et le verdict mercredi.
mc/iw/pb
Le génocide de 1994 au Rwanda #
Le génocide commis en 1994 au Rwanda, à l'instigation du régime extrémiste hutu alors au pouvoir, a fait environ 800.000 morts entre avril et juillet 1994, essentiellement parmi la minorité tutsi, mais aussi chez les Hutu modérés, selon l'ONU.
Le soir du 6 avril 1994, l'avion du président rwandais hutu, Juvénal Habyarimana, de retour d'Arusha (Tanzanie) où se tenaient des négociations de paix avec la rébellion du Front patriotique rwandais (FPR, à majorité tutsi, aujourd'hui au pouvoir), est abattu au-dessus de Kigali.
Dans les heures qui suivent, plusieurs ministres, accusés de collusion avec le FPR, sont tués. La Première ministre, Agathe Uwilingiyimana, Hutu modérée, est assassinée par des militaires, de même que dix Casques bleus belges de la Mission d'observation des Nations unies (Minuar) chargés de la protéger.
Commencent alors les massacres à grande échelle.
Les Tutsi sont accusés par le pouvoir, alors dominé par les Hutu, de collusion avec la rébellion du FPR venue d'Ouganda.
Des listes de personnes à tuer sont établies par les autorités. Leurs bras armés, les milices Interahamwe et l'armée (Forces armées rwandaises, FAR), massacrent méthodiquement les "Inyenzi" ("cafards" en kinyarwanda, pour désigner les Tutsi), ainsi que les Hutu opposés au parti d'Habyarimana et ceux qui refusent de participer aux tueries.
Les massacres s'étendent à tout le pays. Hommes, femmes et enfants sont exterminés à coups de machettes, déchiquetés par les grenades et les obus, dans les rues, chez eux, et même dans les églises et les écoles où ils s'étaient réfugiés.
La population, encouragée par les autorités et des médias, prend largement part aux massacres.
La communauté internationale reste paralysée. Le 21 avril, au plus fort des massacres, l'ONU décide, pour des raisons de sécurité, de réduire drastiquement l'effectif de la Minuar, de 2.300 à seulement 270 hommes.
Le 28 avril 1994, la branche belge de l'organisation Médecins sans frontières (MSF) affirme qu'un véritable génocide est en cours.
Le 4 juillet, le FPR s'empare de Kigali, mettant fin au génocide. La victoire des rebelles déclenche un exode de centaines de milliers de Hutu, sur fond d'opération militaro-humanitaire Turquoise, menée par la France.
Celle-ci sera accusée par le FPR de vouloir sauver le régime et les auteurs du génocide.
Le 8 novembre 1994, l'ONU crée un Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) à Arusha (Tanzanie). En 1998, il prononce ses premières peines de réclusion à perpétuité. Ses décisions constituent la première reconnaissance du génocide contre la minorité tutsi rwandaise par la justice internationale.
De nombreuses condamnations ont été depuis prononcées dans le monde pour des faits liés au génocide rwandais.
acm/mw/fz/hba
Génocide rwandais: plus de 25 ans de controverses entre Paris et Kigali #
Retour sur les vives controverses autour de l'attitude de la France face au génocide de 1994 au Rwanda.
Au début des années 90, la France soutient le président rwandais Juvénal Habyarimana, un hutu en butte à la rébellion tutsi du Front patriotique rwandais (FPR), basée en Ouganda, menée par Paul Kagame.
Après une offensive du FPR déclenchée le 1er octobre 1990, Paris envoie dans le cadre de l'opération "Noroit" jusqu'à 600 soldats qui participent à l'évacuation d'étrangers.
Le 6 avril 1994, l'avion du président Habyarimana est abattu au-dessus de Kigali. S'ensuivent des massacres à grande échelle de Tutsi, accusés par le pouvoir hutu de collusion avec la rébellion du FPR.
Quelque 500 parachutistes français évacuent plus d'un millier de ressortissants français et étrangers.
Le 22 juin, l'ONU donne son feu vert à la France pour Turquoise, une opération militaire à but humanitaire. Le FPR accuse Paris de chercher à sauver le régime et les auteurs du génocide.
Turquoise mobilise jusqu'à août 2.500 soldats français et crée une "zone humanitaire sûre" (ZHS) dans le sud-ouest, freinant de facto la progression du FPR. Le 4 juillet, celui-ci s'empare de Kigali, mettant fin au génocide, qui a fait 800.000 morts selon l'ONU.
En 2005, une enquête est ouverte à Paris sur le massacre de Bisesero en juin 1994 dont des rescapés accusent les soldats français d'avoir abandonné des centaines de Tutsi aux génocidaires. L'enquête est close sans mise en examen.
En juin 2018, un ex-aviateur français ayant participé à Turquoise conteste, sous couvert d'anonymat, son caractère strictement humanitaire, affirmant que les militaires français étaient préparés à "frapper" les troupes du FPR.
En février 2020, Mediapart dévoile un télégramme diplomatique selon lequel Paris a décidé en juillet 1994 de ne pas interpeller les autorités rwandaises responsables du génocide.
Le 15 décembre 1998, une mission parlementaire française exonère la France, "nullement impliquée" dans le génocide, mais retient une certaine responsabilité, due à "une erreur globale de stratégie" et à des "dysfonctionnements institutionnels".
Le lendemain, Kigali accuse la France d'être "coupable de crimes de génocide au Rwanda".
Le 17 novembre 2006, le juge français Jean-Louis Bruguière recommande des poursuites contre le président Paul Kagame, ancien chef du FPR, pour sa "participation présumée" à l'attentat déclencheur du génocide, puis signe neuf mandats d'arrêt contre ses proches. Kigali rompt ses relations diplomatiques avec Paris, rétablies trois ans plus tard.
La cour d'appel de Paris confirmera l'abandon des poursuites mi-2020, après une ordonnance de non-lieu fin 2018, faute de "charges suffisantes". Les avocats des familles se sont pourvues en cassation.
En 2008, une commission d'enquête rwandaise (commission Mucyo) accuse Paris d'avoir activement "participé" à l'exécution du génocide.
En janvier 2010, un rapport rwandais sur l'attentat désigne comme responsable une frange extrémiste des Forces armées rwandaises.
En janvier 2012, un rapport d'expertise français conclut que l'avion a été abattu par des missiles tirés depuis un camp tenu par des loyalistes. Pour Kigali, le rapport "rend justice" à sa position.
Deux procès liés au génocide ont débouché en France sur trois condamnations définitives: l'ex-officier de la garde présidentielle Pascal Simbikangwa a été condamné à 25 ans de prison. Octavien Ngenzi et Tito Barahira, anciens bourgmestres du village de Kabarondo, théâtre de massacres, ont été condamnés à la perpétuité.
Le procès de l'ancien chauffeur d'hôtel franco-rwandais Claude Muhayimana, accusé de "complicité" de génocide est prévu à partir du 22 novembre.
Trois autres investigations, visant l'ex-préfet Laurent Bucyibaruta et les médecins Sosthène Munyemana et Eugène Rwamucyo, se sont conclues par un renvoi aux assises. Les trois hommes ont déposé des recours.
En octobre 2020, la France remet à la justice internationale Félicien Kabuga, arrêté après 25 ans de cavale, accusé d'être "le financier" du génocide.
Les relations franco-rwandaises s'améliorent fin 2018, après le soutien appuyé de Paris à la nomination de la rwandaise Louise Mushikiwabo à la tête de la Francophonie.
Le 5 avril 2019, le président français Emmanuel Macron crée une commission de chercheurs ayant accès aux "archives françaises concernant le Rwanda entre 1990 et 1994", pour faire la lumière sur le rôle de Paris.
Le 7 avril, son absence aux commémorations du 25ème anniversaire du génocide au Rwanda, officiellement pour raisons d'agenda, déçoit les Rwandais.
En février 2020, le président rwandais salue un "esprit nouveau" et une "amélioration" dans les relations bilatérales.
Fin juin, Paris et Kigali signent des accords de financement pour près de 50 millions d'euros, notamment pour lutter contre le Covid-19, relançant leur coopération.
acm-ang/mw/fz/sba