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La démission de Draghi donne des sueurs froides aux marchés et à l'Europe #

7/21/2022, 1:20 PM

La démission du Premier ministre italien Mario Draghi, gage de sérieux dans un pays traditionnellement instable, a suscité jeudi de fortes craintes en Europe et mis en émoi les investisseurs, qui redoutent une envolée du coût de son énorme dette.

Fait rare, le commissaire européen à l'Économie Paolo Gentiloni est sorti de sa réserve dès mercredi, fustigeant les partis "irresponsables" qui ont lâché l'ancien patron de la BCE, au risque de plonger le pays dans une "tempête parfaite".

Pour Paris, le départ de Mario Draghi, "pilier pour l'Europe", ouvre une "période d'incertitudes", selon la secrétaire d'État chargée de l'Europe Laurence Boone.

La sortie de scène de Mario Draghi arrive au pire moment pour l'Italie qui doit faire face au choc de la guerre en Ukraine, réduire sa dépendance au gaz russe et mettre en route des réformes difficiles en vue de l'octroi des fonds du plan de relance européen.

"Sa démission est une perte pour l'Italie, car le gouvernement Draghi était en train de réaliser un programme de réformes attendu depuis des décennies", a commenté à l'AFP Giuliano Noci, professeur de stratégie à l'école Polytechnique de Milan, et "c'est également une perte pour l'Europe" où M. Draghi "était devenu un point de référence".

"L'Italie n'est pas la Grèce, mais la troisième économie d'Europe. Une crise grave en Italie aurait des répercussions négatives immédiates dans toute l'Europe", redoute-t-il.

- Manne de 200 milliards d'euros -

Première bénéficiaire du plan de relance européen, l'Italie compte sur une manne de près de 200 milliards d'euros pour stimuler sa croissance, longtemps à la traîne par rapport à ses voisins.

Mais le déboursement des fonds est lié à une série de réformes, qui semblent compromises avec le départ de M. Draghi, même si ce dernier continue à expédier les affaires courantes.

"L'Italie risque de perdre des dizaines de milliards d'euros du plan de relance si 70% des réformes prévues dans le plan ne sont pas réalisées fin 2022", prévient un diplomate européen.

Signe de la nervosité des investisseurs, la Bourse de Milan subissait le plus fort recul en Europe, avec une baisse de 2% à l'ouverture.

Autre inquiétude, l'Italie croule sous une dette colossale de plus de 2.700 milliards d'euros, soit quelque 150% du PIB, le ratio le plus élevé de la zone euro derrière la Grèce.

Le "spread", l'écart, très surveillé, entre les taux d'intérêt allemand et italien à dix ans, évoluait à 230 points jeudi, en hausse de 6,63%, après être monté jusqu'à 238 points peu après la démission de M. Draghi.

- Nouvelle arme de la BCE -

Son départ, certes attendu, a compliqué la tâche de son successeur à la tête de la BCE, Christine Lagarde, qui annonçait le même jour un nouvel instrument visant à juguler les "spreads" des pays les plus fragiles.

Dans la mesure où ce futur dispositif est surtout censé contrer des hausses de taux dues à la spéculation, "il est peu probable" que la BCE y ait recours pour remédier à un "risque politique et budgétaire", a prévenu Jack Allen-Reynolds, analyste de Capital Economics.

Un retour au pouvoir de la droite populiste, en tête des sondages, risque de faire dérailler le "spread", comme ce fut le cas en 2018, après l'arrivée d'une coalition entre la Ligue (extrême droite) et le M5S (antisystème).

"La crédibilité de l'Italie souffre grandement" du départ de l'ancien banquier central, juge Federico Vetrella, analyste d'IG Italia. Selon lui, le "spread" pourrait atteindre "300 points à moyen terme", ce qui "rendra le poids de la dette publique encore plus lourd".

Faut-il pour autant redouter un retour à une crise de la dette italienne comme en 2012?

"Pas nécessairement, tout dépendra de l'attitude de la BCE et de l'Union européenne", estime M. Noci. "Les marchés ne s'intéressent pas à la couleur des gouvernements, mais à leur stabilité et à la clarté de leurs objectifs".

bur-bh/gab/LyS

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