Après le coup d'arrêt du Covid, les brasseurs sous pression avant la reprise #
"Tout le monde est un peu sur le qui-vive, pour savoir si cette reprise sera forte ou pas": à la brasserie Gallia, au nord de Paris, on compte sur la réouverture des terrasses pour relancer un secteur qui était en plein essor jusqu'au choc de la pandémie.
A quelques jours de la réouverture annoncée des terrasses, le carnet de commandes de Gallia se remplit doucement.
"On en est au début, c'est vraiment les frémissements de la reprise", décrit Guillaume Roy, cofondateur de la brasserie francilienne, qui a récemment accru ses capacités de production grâce à une entrée à son capital du géant Heineken.
Derrière lui, de la "Pils de Pantin" fermente dans une cuve depuis plusieurs semaines.
"On a des bars qui avaient encore un peu de stock et tout le monde est un peu sur le qui-vive, pour savoir si cette reprise sera forte ou pas, mais les indicateurs sont assez bons", décrit-il à l'AFP.
"Les cafés-hôtels-restaurants représentaient 80% de notre chiffre avant le début de la crise (...). Cette année nous a forcés à aller beaucoup plus en grande distribution et sur de nouveaux réseaux type e-commerce, et on en est ravis mais on a quand même hâte que les bars rouvrent pour rétablir un peu l'équilibre de nos ventes entre les bars et les supermarchés", ajoute M. Roy.
Une chose est sûre: "Il y a bien eu en 2020 une baisse du marché de la bière et c'est historique", déclare Rémy Sharps, arrivé à la tête de Kronenbourg quatre mois avant le premier confinement en France.
Car si l'Hexagone est toujours en queue de peloton des pays consommateurs de bière en Europe, le secteur, revigoré par la vogue des bières artisanales et le succès du sans-alcool, y affichait depuis quelques années une dynamique insolente.
"Je suis rentré chez Kronenbourg en 2012. Depuis 2013, la catégorie bière se porte très, très bien, on est en croissance annuelle moyenne entre 2% et 3% en volume et plutôt 4% à 5% en valeur", rappelle M. Sharps.
Mais pas en 2020, où la fermeture pendant la moitié de l'année des cafés, hôtels et restaurants, et la mise à l'arrêt des festivals, qui représentent en cumulé 35% des ventes du secteur en France, ont mis un sérieux coup de frein.
Les ventes de bières ont reculé de 7% à 10% en 2020 pour l'ensemble des professionnels, selon une estimation de la brasserie Kronenbourg.
"Je pense qu'on sera plus proche, même un peu au-delà du -10%, plutôt que du -7% qui me semble optimiste", juge pour sa part Maxime Costilhes, délégué général de Brasseurs de France, qui représente la plupart des acteurs du secteur.
"Ceux qui sont en alimentaire, principalement les gros, résistent bien mieux à la crise que les micro-brasseries qui sont en difficulté, parce que très exposées financièrement", relève-t-il.
La France a vu le nombre de petits brasseurs exploser ces dernières années, pour atteindre en 2019 le seuil symbolique des 2.000 entreprises. L'impact financier de la pandémie sur ces PME en pleine croissance inquiète.
Il y a eu "entre 9% et 10% de défaillances sur 2020, comme les années précédentes, mais on a des signaux dans le rouge qui nous inquiètent", explique M. Costilhes à l'AFP. "Aujourd'hui, on a une brasserie sur deux qui est au-delà du 100% d'endettement" rapporté au chiffre d'affaires.
Selon lui cela découle notamment du fort recours aux prêts garantis par l'Etat (PGE), pour faire le dos rond en attendant la fin de la crise. "On ne pourra pas les rembourser immédiatement, il va falloir les étaler dans le temps", estime-t-il. D'autant que "les terrasses, c'est un quart des établissements, on n'est pas dans un redémarrage massif".
En outre, le comportement de cafetiers et de restaurateurs échaudés demeure incertain: "Dans Paris, il y a plein, plein de restaurants qui attendent de voir", rapporte M. Costilhes, rappelant que nombre d'entre eux avaient eu des ventes décevantes lorsqu'ils avaient rouvert en mai lors du premier déconfinement. "Il a plu, donc ils n'ont rien fait."
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