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Sanctions contre l'Iran: Washington donne un nouveau répit de 4 mois à Bagdad #

3/31/2021, 8:44 AM
Bagdad, IRQ

Washington a accordé à Bagdad quatre nouveaux mois d'exemption des sanctions visant les entités commerçant avec l'Iran, a affirmé mercredi un responsable irakien à l'AFP, l'administration de Joe Biden ayant choisi d'accorder le délai légal maximum peu avant un "dialogue stratégique".

Les importations de gaz et d'électricité iraniens assurent près du tiers de la consommation de l'Irak, dont les infrastructures n'ont ni la capacité ni l'entretien nécessaires pour l'indépendance énergétique de ses 40 millions d'habitants.

Depuis le rétablissement fin 2018 de ses sanctions contre Téhéran, Washington n'a cessé d'allonger les délais accordés à Bagdad pour trouver d'autres fournisseurs.

En janvier, l'administration de Donald Trump avait accordé trois mois d'exemption juste avant son remplacement. Celle de son successeur a accordé un mois de plus, a affirmé à l'AFP un responsable irakien s'exprimant sous couvert d'anonymat.

Une main tendue qui semble indiquer que la nouvelle administration américaine entend entamer le "dialogue stratégique" prévu le 7 avril par visioconférence avec un coup de pouce à un gouvernement irakien régulièrement menacé par les factions armées pro-Iran et qui s'apprête à aborder l'été -- l'un des plus chauds au monde et synonyme chaque année de contestation sociale sur fond de pénurie d'électricité.

De l'autre côté, Bagdad doit également composer avec Téhéran, grand ennemi de Washington, auquel il doit près de six milliards de dollars d'impayés de gaz et d'électricité.

Si les exemptions américaines permettent à Bagdad de se fournir chez son voisin sans risquer de représailles, elles l'empêchent néanmoins de payer ses factures iraniennes en dollars -- une devise dont l'Iran étouffé par les sanctions a grand besoin.

Des sources de sécurité occidentales et irakiennes ont toutefois indiqué à l'AFP que des responsables américains avaient donné leur feu vert à Bagdad pour qu'il transfère une partie des fonds dus à Téhéran via un compte bancaire en Suisse.

lk/sbh/bfi

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MAR 29

Ecrasé par la "pyramide" de la corruption en Irak, Hassanein rêve de s'exiler #

3/29/2021, 4:15 AM

Pendant des mois, il a manifesté contre la corruption, déposé plaintes et recours, en vain. De guerre lasse, Hassanein Mohsen ne pense désormais plus qu'à une chose: quitter son pays, l'Irak.

"Ce n'est pas possible de vivre ici sans payer des pots-de-vin", assène ce père de quatre enfants dans sa maison de Kerbala, à 100 km au sud de Bagdad.

"J'ai fait tout ce que j'ai pu mais ce pays coule de plus en plus", affirme ce chômeur de 36 ans, alors que l'Irak est désormais à la 21ème place des pays les plus corrompus au monde selon Transparency International.

Hassanein a pourtant cru à la "révolution d'octobre", révolte populaire inédite débutée en octobre 2019 avant de faire long feu.

A l'époque, il laisse à Kerbala sa femme enceinte Nour et leurs enfants pour aller conspuer les politiciens "corrompus" et "voleurs", à Bagdad, sur la place Tahrir, avec des centaines de milliers d'autres Irakiens.

"C'était mon devoir: il fallait que j'arrive à vivre dignement ou que je meure dignement", dit-il à l'AFP. Et quand Nour lui propose de recommencer leur vie ailleurs, il refuse, pris par l'élan révolutionnaire. "Les choses vont enfin changer", assure-t-il alors.

- "Tribunaux corrompus" -

Mais aujourd'hui, dit-il, rien n'a changé, la corruption est partout, tout le temps.

Il assure avoir déboursé plus de 1.000 dollars (environ 836 euros) en pots-de-vin pour renouveler son passeport, régulariser ses impôts ou simplement faire corriger des coquilles sur des documents d'identité.

Quand il s'est essayé à l'importation de meubles jordaniens, il a dû donner un lit, une armoire, des tables de chevet à un garde-frontière pour faire entrer en Irak sa cargaison --pourtant légalement enregistrée.

En Irak, toutes les étapes de la vie sont rythmées par la corruption: pour la naissance d'un enfant, il vaut mieux offrir un bakchich aux soignants pour être bien traité, pour construire sa maison, il faut s'assurer d'avoir graissé la patte de militaires pour qu'ils laissent passer béton et autres briques au check-point installé à l'entrée de chaque quartier...

Et tout ça, dit-il, n'est que le bas de la "pyramide".

Selon les chiffres officiels irakiens, depuis 2003, plus de 410 milliards d'euros ont disparu dans les vapeurs de la corruption, soit deux fois le PIB du pays, deuxième producteur de l'Opep, et autant de fonds qui n'ont pas été alloués aux infrastructures.

Tout en haut, "des politiciens volent depuis des années l'argent destiné aux services publics", accuse Hassanein qui, lui, doit payer des compagnies privées "pour l'eau potable, l'électricité ou les soins médicaux".

Dans ce pays, aux infrastructures détruites par les guerres à répétition ou tombées en ruines faute d'entretien, les générateurs pallient depuis des années aux longues heures de la journée où l'électricité nationale ne fonctionne pas. La santé, gratuite sous le régime du dictateur déchu Saddam Hussein, s'y paie à prix d'or dans des cliniques privées.

- Menaces -

Hassanein a déposé une demi-douzaine de plaintes auprès de la Commission gouvernementale anti-corruption, en vain.

Il a eu beau rassembler des documents qui selon lui prouvent que des responsables et des politiciens ont détourné des fonds ou alloué des projets à des amis, "les tribunaux eux-mêmes sont trop corrompus pour agir", accuse-t-il.

A Bagdad, un avocat confirme: "la loi ne s'applique qu'aux plus faibles", dit-il à l'AFP. "Les élus, les responsables peuvent d'un coup de téléphone forcer un juge à abandonner les charges contre eux, soit par la menace, soit en payant des pots-de-vin."

A force de se faire remarquer, lui reprochent ses proches, il s'est fermé les portes de l'embauche dans les administrations ou les entreprises locales.

Aujourd'hui, sa famille vit principalement grâce à l'argent envoyé par des proches émigrés aux Etats-Unis.

"Parfois je regrette, je me demande pourquoi je suis allé manifester", dit Hassanein, qui ne cache pas sa peur après l'assassinat et l'enlèvement de dizaines de militants ayant dénoncé le clientélisme et le népotisme dans le pays.

"Je reçois des appels menaçants de gens qui se présentent comme des agents du renseignement. Maintenant, je ne sors plus sans un pistolet."

L'Organisation internationale pour les migrations (OIM) estime que la corruption est l'une des principales raisons qui a poussé les Irakiens à s'exiler en Europe ces dix dernières années.

C'est auprès de cette agence de l'ONU que la famille Mohsen a déposé en 2016 une demande de départ aux Etats-Unis.

"C'était une erreur de rester, on n'a jamais eu la chance de vraiment profiter de notre vie", se lamente Nour.

mjg/sbh/vl/dp/ahe

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MAR 29

Ecrasé par la "pyramide" de la corruption en Irak, Hassanein rêve de s'exiler #

3/29/2021, 4:15 AM
Kerbala, IRQ

Pendant des mois, il a manifesté contre la corruption, déposé plaintes et recours, en vain. De guerre lasse, Hassanein Mohsen ne pense désormais plus qu'à une chose: quitter son pays, l'Irak.

"Ce n'est pas possible de vivre ici sans payer des pots-de-vin", assène ce père de quatre enfants dans sa maison de Kerbala, à 100 km au sud de Bagdad.

"J'ai fait tout ce que j'ai pu mais ce pays coule de plus en plus", affirme ce chômeur de 36 ans, alors que l'Irak est désormais à la 21ème place des pays les plus corrompus au monde selon Transparency International.

Hassanein a pourtant cru à la "révolution d'octobre", révolte populaire inédite débutée en octobre 2019 avant de faire long feu.

A l'époque, il laisse à Kerbala sa femme enceinte Nour et leurs enfants pour aller conspuer les politiciens "corrompus" et "voleurs", à Bagdad, sur la place Tahrir, avec des centaines de milliers d'autres Irakiens.

"C'était mon devoir: il fallait que j'arrive à vivre dignement ou que je meure dignement", dit-il à l'AFP. Et quand Nour lui propose de recommencer leur vie ailleurs, il refuse, pris par l'élan révolutionnaire. "Les choses vont enfin changer", assure-t-il alors.

- "Tribunaux corrompus" -

Mais aujourd'hui, dit-il, rien n'a changé, la corruption est partout, tout le temps.

Il assure avoir déboursé plus de 1.000 dollars (environ 836 euros) en pots-de-vin pour renouveler son passeport, régulariser ses impôts ou simplement faire corriger des coquilles sur des documents d'identité.

Quand il s'est essayé à l'importation de meubles jordaniens, il a dû donner un lit, une armoire, des tables de chevet à un garde-frontière pour faire entrer en Irak sa cargaison --pourtant légalement enregistrée.

En Irak, toutes les étapes de la vie sont rythmées par la corruption: pour la naissance d'un enfant, il vaut mieux offrir un bakchich aux soignants pour être bien traité, pour construire sa maison, il faut s'assurer d'avoir graissé la patte de militaires pour qu'ils laissent passer béton et autres briques au check-point installé à l'entrée de chaque quartier...

Et tout ça, dit-il, n'est que le bas de la "pyramide".

Selon les chiffres officiels irakiens, depuis 2003, plus de 410 milliards d'euros ont disparu dans les vapeurs de la corruption, soit deux fois le PIB du pays, deuxième producteur de l'Opep, et autant de fonds qui n'ont pas été alloués aux infrastructures.

Tout en haut, "des politiciens volent depuis des années l'argent destiné aux services publics", accuse Hassanein qui, lui, doit payer des compagnies privées "pour l'eau potable, l'électricité ou les soins médicaux".

Dans ce pays, aux infrastructures détruites par les guerres à répétition ou tombées en ruines faute d'entretien, les générateurs pallient depuis des années aux longues heures de la journée où l'électricité nationale ne fonctionne pas. La santé, gratuite sous le régime du dictateur déchu Saddam Hussein, s'y paie à prix d'or dans des cliniques privées.

- Menaces -

Hassanein a déposé une demi-douzaine de plaintes auprès de la Commission gouvernementale anti-corruption, en vain.

Il a eu beau rassembler des documents qui selon lui prouvent que des responsables et des politiciens ont détourné des fonds ou alloué des projets à des amis, "les tribunaux eux-mêmes sont trop corrompus pour agir", accuse-t-il.

A Bagdad, un avocat confirme: "la loi ne s'applique qu'aux plus faibles", dit-il à l'AFP. "Les élus, les responsables peuvent d'un coup de téléphone forcer un juge à abandonner les charges contre eux, soit par la menace, soit en payant des pots-de-vin."

A force de se faire remarquer, lui reprochent ses proches, il s'est fermé les portes de l'embauche dans les administrations ou les entreprises locales.

Aujourd'hui, sa famille vit principalement grâce à l'argent envoyé par des proches émigrés aux Etats-Unis.

"Parfois je regrette, je me demande pourquoi je suis allé manifester", dit Hassanein, qui ne cache pas sa peur après l'assassinat et l'enlèvement de dizaines de militants ayant dénoncé le clientélisme et le népotisme dans le pays.

"Je reçois des appels menaçants de gens qui se présentent comme des agents du renseignement. Maintenant, je ne sors plus sans un pistolet."

L'Organisation internationale pour les migrations (OIM) estime que la corruption est l'une des principales raisons qui a poussé les Irakiens à s'exiler en Europe ces dix dernières années.

C'est auprès de cette agence de l'ONU que la famille Mohsen a déposé en 2016 une demande de départ aux Etats-Unis.

"C'était une erreur de rester, on n'a jamais eu la chance de vraiment profiter de notre vie", se lamente Nour.

mjg/sbh/vl/dp/ahe

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LocationKerbala - IRQ
Date3/29/2021, 4:15 AM