Les élections au Kenya, mode d'emploi #
Les Kényans sont appelés aux urnes mardi pour désigner au suffrage universel direct leur nouveau président, le cinquième depuis l'indépendance en 1963 de ce pays d'Afrique de l'Est.
Sur les 17 candidatures initiales, seules quatre ont été validées par la commission électorale (IEBC), soit le plus petit nombre de candidats à la présidentielle depuis l'instauration du multipartisme au début des années 1990.
Parmi eux, William Ruto, 55 ans, actuel vice-président à la réputation sulfureuse. Cet ancien député et ministre de l'Agriculture se présente pour la première fois, sous la bannière de son nouveau parti l'UDA (United Democratic Alliance).
Il fait figure de favori avec Raila Odinga.
Ce dernier, ancien Premier ministre, est passé à partir de 2018 du statut de leader de l'opposition à celui d'allié du parti au pouvoir. A 77 ans, c'est sa cinquième tentative pour devenir chef de l'Etat. Il est en lice sous l'étiquette de la coalition Azimio la Umoja (Quête d'unité).
David Mwaure, ancien avocat et prêtre de 65 ans, représente quant à lui le parti Agano, et George Wajackoyah, excentrique avocat de 63 ans, le parti Roots (racines) inspiré du rastafarisme.
Outre le président, les plus de 22,1 millions d'électeurs inscrits (dont près de 40% ont moins de 34 ans) sont également appelés à élire 290 députés, 47 femmes représentantes pour siéger à l'Assemblée nationale, 47 sénateurs, 47 gouverneurs de comté et 1.450 membres des assemblées de comtés.
Au total, 46.229 bureaux de vote seront ouverts de 06H00 à 17H00 locales.
Chaque électeur recevra six bulletins de couleurs différentes, une couleur par scrutin, et pas un bulletin supplémentaire n'a été imprimé, selon l'IEBC.
La société civile kényane, l'Union africaine, l'Union européenne entre autres vont déployer des centaines d'observateurs.
L'identification électronique des électeurs, introduite à partir de 2009, était au coeur de la contestation du scrutin de 2017 annulé puis reprogrammé.
En arrivant au bureau de vote, les électeurs sont dirigés vers un kit biométrique - une tablette équipée d'un système de reconnaissance des empreintes digitales - permettant de s'assurer qu'ils y sont bien inscrits.
Une fois les bulletins glissés dans les urnes, l'électeur se voit déposer de l'encre indélébile sur un doigt, preuve qu'il a accompli son devoir de citoyen et gage qu'il ne peut voter une seconde fois.
Quelque 1.272 bureaux de vote ont une couverture internet "faible" ou nulle. Dans ces zones, des modems-satellites seront utilisés pour assurer la transmission électronique, assure l'IEBC.
Le comptage manuel servira de filet de sécurité en cas de défaillance de la transmission électronique des résultats, source de litige en 2017.
Cette année-là, l'IEBC avait été vivement critiquée pour son processus de compilation et de vérification des résultats.
Environ 150.000 officiers seront déployés pour assurer la sécurité des bureaux de vote, selon le chef de la police Hilary Mutyambai.
Les écoles, dans lesquelles sont installées la plupart des bureaux de vote, sont fermées jusqu'à mercredi, et une grande chaîne de supermarchés a invité ses clients à s'approvisionner en prévision de la fermeture de ses magasins mardi.
Les périodes électorales ont été marquées à plusieurs reprises par des violences, notamment politico-ethniques comme en 2007-2008 quand plus de 1.100 personnes ont été tuées et des centaines de milliers déplacées.
Pour l'emporter, un candidat doit recueillir 50% des voix plus un vote, ainsi que 25% des voix dans la moitié des 47 comtés.
Si ces conditions ne sont pas remplies, un second tour doit être organisé dans les 30 jours.
Les résultats doivent ensuite être proclamés dans les sept jours suivant l'élection. Si personne ne les conteste, le nouveau chef de l'Etat élu doit être investi dans les deux semaines suivant l'annonce des résultats définitifs.
En cas de contentieux et d'annulation du scrutin par la Cour suprême, comme en 2017 quand elle avait été saisie par l'opposition, un nouveau scrutin doit se tenir dans les 60 jours suivant la décision.
En 2017, la Cour suprême avait justifié cette décision en faisant peser la responsabilité de ce scrutin "ni transparent, ni vérifiable" sur la commission électorale.
al-ho/sva/md/blb/ybl
Dernier jour de campagne au Kenya avant la présidentielle de mardi #
La campagne présidentielle s'achève samedi au Kenya, avec deux grands meetings des principaux candidats dans la capitale Nairobi, à trois jours d'un scrutin à fort enjeu, avec en toile de fond l'inflation et les violences post-électorales passées.
Quelque 22,1 millions d'électeurs sont appelés aux urnes pour choisir le successeur d'Uhuru Kenyatta, en poste depuis 2013 et dans l'impossibilité de briguer un troisième mandat. Ils doivent aussi élire les députés et les représentants locaux du pays, considéré comme celui où la démocratie est la mieux enracinée en Afrique de l'Est.
Pour les convaincre et clôturer une campagne dominée par la crise économique et une certaine apathie, les candidats jettent leurs dernières forces dans la bataille.
Certains sillonnent les rues avec des sonos hurlant des slogans accrocheurs. Les deux favoris à la présidentielle organisent, eux, deux méga-meetings à Nairobi.
William Ruto, 55 ans et vice-président sortant, a choisi le stade de Nyayo et ses 30.000 places assises. A une quinzaine de kilomètres de là, son principal rival Raila Odinga, 77 ans et ancien leader de l'opposition désormais porté par le pouvoir, fera vibrer les 60.000 places du stade Kasarani.
Le premier a fait du pouvoir d'achat son cheval de bataille. Il s'est présenté comme porte-voix des "débrouillards" du petit peuple, promettant des emplois quand trois personnes sur dix vivent dans l'extrême pauvreté avec moins de 1,90 dollar par jour, selon la Banque mondiale.
Le second a pris comme étendard la lutte contre la corruption endémique dans le pays, classé 128e sur 180 pays selon l'ONG Transparency International.
Tous deux avaient initialement annoncé avoir choisi le même stade pour ce dernier meeting, faisant craindre des tensions.
L'inflation, qui a grimpé à 8,3% en juillet, et l'explosion des prix du carburant et d'aliments de base semble toutefois avoir atténué cette année l'effervescence électorale.
"Les conditions économiques ont été difficiles pour les Kényans qui ont à peine eu la chance de se remettre de l'impact de la pandémie de Covid-19", relève l'analyste politique Zaynab Mohamed, dans une note publiée jeudi par le cabinet britannique Oxford Economics.
"De nombreux Kényans ont du mal à joindre les deux bouts et disent ne pas se laisser avoir par les promesses vides des politiciens", relève-t-elle.
L'enjeu économique pourrait, selon certains experts, supplanter le vote tribal, un facteur-clé depuis toujours dans les isoloirs kényans.
Si la campagne s'est parfois faite virulente sur les réseaux sociaux, les incidents ont été rares dans la rue. Quelque 150.000 officiers doivent néanmoins être déployés mardi à travers le pays pour assurer la sécurité.
Dans ce pays aux 46 tribus, les élections ont donné lieu à des contestations, parfois violentes. En 2007-2008, plus de 1.100 personnes sont mortes dans des affrontements politico-ethniques et des centaines de milliers ont été déplacées.
Les résultats sont aussi régulièrement contestés en justice. En 2017, la Cour suprême avait annulé l'élection - une première en Afrique - et demandé la tenue d'un nouveau scrutin.
Ces dernières semaines, nombreux ont été les appels au calme de la société civile et de la communauté internationale.
Une quinzaine d'ambassades, dont celle des Etats-Unis, ont ainsi plaidé vendredi dans un communiqué commun pour des élections "libres, justes et pacifiques" au Kenya, "point d'ancrage pour la stabilité, la sécurité et la démocratie, non seulement dans la région, mais aussi sur le continent ou à travers le monde".
La Commission électorale (IEBC) a, elle, assuré avoir mis en place les garde-fous nécessaires pour empêcher fraudes et manipulations et parer à d'éventuels problèmes techniques.
al/sva/blb/ybl
Les crises électorales au Kenya #
Le Kenya, qui élit mardi le successeur du président Uhuru Kenyatta, a connu plusieurs périodes électorales marquées par des violences meurtrières, notamment ethniques, et par des contestations de résultats qui ont abouti en 2017 à une annulation du scrutin.
Le 29 décembre 1992, Daniel arap Moi, au pouvoir depuis 1978, est élu président lors du premier scrutin multipartite face à une opposition divisée.
Des violences, opposant les Kalenjin, ethnie minoritaire du président, aux Kikuyu, majoritaires et soutenant les partis d'opposition, précèdent puis suivent le scrutin, faisant des centaines de morts dans la vallée du Rift.
Le 27 décembre 2007, des émeutes éclatent après la réélection contestée de Mwai Kibaki à la présidence, face à Raila Odinga, son ancien allié devenu son rival.
La vallée du Rift devient l'épicentre d'affrontements entre des membres des communautés kalenjin et luo, qui ont majoritairement soutenu M. Odinga, et leurs voisins kikuyu, l'ethnie de M. Kibaki.
En février 2008, les deux leaders signent un accord sous la pression de la communauté internationale, aboutissant à un gouvernement de coalition dirigé par Raila Odinga. Les violences ont fait plus de 1.100 morts et 600.000 déplacés, dans un pays jusqu'alors réputé stable.
En mars 2010, la Cour pénale internationale (CPI) autorise l'ouverture d'une enquête pour crimes contre l'humanité sur ces violences et en 2012, ses juges confirment les accusations contre quatre Kényans. Parmi eux, Uhuru Kenyatta, fils du premier président kényan et candidat à la présidentielle de 2013, ainsi que William Ruto, son colistier.
Le 4 mars 2013, Uhuru Kenyatta remporte la présidentielle.
Le 8 octobre 2014, il devient le premier chef d'Etat à comparaître en cours de mandat devant la CPI.
En décembre, la Cour abandonne les poursuites contre lui, faute de preuves suffisantes. En 2016, elle abandonne pour la même raison des poursuites contre son vice-président William Ruto.
La présidentielle du 8 août est remportée par Uhuru Kenyatta face à Raila Odinga, qui rejette les résultats, manipulés selon lui par piratage informatique, et dépose un recours.
L'annonce des résultats déclenche des émeutes et des pillages dans des fiefs de l'opposition.
Le 1er septembre, la Cour suprême invalide le scrutin pour "irrégularités" et ordonne une nouvelle élection, une première en Afrique.
En octobre, Uhuru Kenyatta est réélu lors d'un nouveau vote boycotté par l'opposition et marqué par une faible participation.
Des violences post-électorales font des dizaines de morts, principalement dans la brutale répression des manifestations de l'opposition par la police.
En 2018, les deux hommes sidèrent le pays en se serrant la main et en déclarant une trêve.
acm-ang/mw/sva/blb/ybl
Kenya: des ONG alertent sur les violences faites aux femmes durant les élections #
Attaque verbale, harcèlement et même viols: les femmes ont été victimes de violences durant la campagne électorale au Kenya, alertent deux organisations de défense des droits de l'homme vendredi, à trois jours du scrutin du 9 août.
La campagne "a été entachée de violences visant les femmes" malgré les avertissements et les promesses du gouvernement de s'attaquer au problème, affirment la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) et l'ONG Commission des droits de l'homme du Kenya (KHRC) dans un communiqué.
Elles évoquent "plusieurs" cas de viol durant la campagne, dont quatre cas en marge d'un meeting finalement annulé le 19 juin.
Le Kenya tient mardi ses élections générales qui verront 22,1 millions d'électeurs désigner leur président, mais aussi leurs parlementaires, gouverneurs et quelque 1.500 élus locaux.
Les femmes candidates - dont trois figurent comme colistières de prétendants à la présidence - ont été "confrontées à un langage sexiste et agressif, (...) aux stéréotypes de genre, aux abus sexistes en ligne et au harcèlement sexuel", soulignent les deux organisations.
Elles estiment que "ces tactiques sont délibérément utilisées pour empêcher les femmes politiques ou les candidates de participer à la politique".
Les élections au Kenya ont à plusieurs reprises donné lieu à des explosions de violences, y compris à caractère sexistes et sexuelles.
Lors de la crise post-électorale de 2007-2008 qui avait fait plus de 1.100 morts, au moins 900 personnes avaient été victimes d'agressions sexuelles, notamment des viols collectifs et des actes de castration, selon des associations de défense des droits de l'homme.
Lors des violences qui ont suivi le scrutin de 2017, les violences sexuelles contre les femmes et les filles ont été répandues, selon la KHRC, qui a documenté 201 cas de violences sexuelles et sexistes liées aux élections.
Plus de la moitié des attaques impliquaient des forces de sécurité et "à ce jour, aucune mesure n'a été prise par le gouvernement pour garantir la justice aux victimes", souligne le communiqué.
"L'incapacité du gouvernement à freiner le ciblage des femmes en politique et à tenir les auteurs responsables (...) a permis la répétition des violences", affirme la vice-présidente de la FIDH Sheila Muwanga.
Le mois dernier, des experts de l'ONU ont exhorté les autorités kényanes à "veiller à ce que les femmes puissent participer librement au processus électoral sans discrimination, harcèlement ou crainte d'une éventuelle répétition de violences sexuelles et sexistes".
En 2020, un tribunal de Nairobi a ordonné au gouvernement d'indemniser quatre femmes victimes de la vague de violences sexuelles qui s'est déroulée après le vote de 2007.
ho/amu/sva/al/cl
Pouvoir d'achat, dette, corruption: les défis du futur président kényan #
De la lutte contre la vie chère à celle contre la corruption endémique, nombreux sont les défis qui attendent le vainqueur de l'élection présidentielle convoquée mardi au Kenya, pour maintenir le cap de cette dynamique économie d'Afrique de l'Est.
"Pas de nourriture, pas d'élections". Des centaines de manifestants déjà durement touchés par les retombées économiques du Covid-19 ont menacé début juillet de bouder les urnes si les prix des produits essentiels (denrées alimentaires, essence...) ne baissaient pas.
Une aide gouvernementale a été promise le 20 juillet pour réduire le prix de la farine de maïs, qui sert à préparer l'ugali, plat de base dans le pays.
Mais ces coups de pouce sont temporaires, "populistes" et "simplistes" au moment où l'inflation grimpe à des niveaux inédits depuis cinq ans pour atteindre 8,3% en juillet, selon Jared Osoro, économiste à l'université de Nairobi.
Les impacts du conflit en Ukraine sont venus assombrir les perspectives de reprise économique.
De 7,5% en 2021, la croissance devrait s'établir à 5,2% en moyenne pour 2023-2024, selon la Banque mondiale qui prévoit par ailleurs une détérioration de la balance commerciale cette année. Le Kenya importe habituellement un cinquième de ses céréales de Russie et 10% d'Ukraine, selon les chiffres officiels.
L'agriculture (plus de 22% du PIB) pâtit aussi de l'envol des prix des engrais et se voit par ailleurs menacée par la sécheresse.
D'ici 2050, la moitié de la population vivra en ville, ce qui entraînera "une myriade de défis" dont l'éducation et l'accès à la santé, note Oxfam. Selon l'ONG, 34% des 17 millions de personnes pauvres au Kenya vivent dans des zones urbaines, pour la plupart dans des logements informels.
Pour accompagner le développement du pays, les gouvernements successifs depuis 2008 poursuivent l'ambitieux programme Vision2030, principalement axé sur les grands projets d'infrastructures.
Conséquence: sous les deux mandats d'Uhuru Kenyatta, la dette a plus que quadruplé pour avoisiner 70 milliards de dollars.
La Chine est désormais le deuxième bailleur du Kenya, derrière la Banque mondiale. Pékin a notamment prêté 5 milliards de dollars pour l'emblématique ligne de train reliant Nairobi au port de Mombasa.
Le Fonds monétaire international, qui a prêté l'année dernière 2,34 milliards de dollars au Kenya, a salué en juillet la poursuite du rebond économique et l'augmentation des recettes fiscales.
Mais "le Kenya reste exposé à des risques élevés de surendettement, et c'est pour cela qu'il est important qu'il reste fermement sur la trajectoire fixée pour réduire la vulnérabilité de la dette", commente Mary Goodman, cheffe de la mission du FMI.
Le bilan en la matière a "stagné", selon l'ONG Transparency International qui plaçait le pays 128e sur 180 dans son dernier index mondial de perception de la corruption.
Sous la pression internationale, de bailleurs et d'investisseurs en particulier, il y a eu un "renforcement des institutions de contrôle", une médiatisation du phénomène incrusté dans toutes les strates de la société et "un assainissement du milieu des affaires", énumère Alexia Van Rij, spécialiste en évaluation des politiques publiques du développement.
La justice s'est par ailleurs penchée sur quelques affaires troubles, dont le vol dans un entrepôt gouvernemental de l'agence kényane d'approvisionnement en médicaments (Kemsa) et l'enrichissement d'un candidat à la vice-présidence.
Si des dizaines de hauts responsables ont été inculpés depuis 2018, dont l'ex-ministre des Finances Henry Rotich, "aucun gros poisson n'a été pris", relève Alexia Van Rij.
Avec les trois-quarts de la population âgés de moins de 34 ans, la jeunesse est l'un des atouts du Kenya, son insertion dans l'emploi l'un de ses principaux défis.
Ils sont environ 500.000 chaque année à décrocher un diplôme dans le supérieur. Mais la corruption, le népotisme ou l'exigence d'expérience constituent autant d'obstacles à leur entrée dans la vie active.
Selon des chiffres officiels publiés en 2020, 5 millions de jeunes étaient sans emploi.
La jeunesse est une "bombe à retardement démographique, sociale et économique", estime Alex Awiti, chercheur kényan en politique publique.
Il appelle à "créer des emplois à une échelle industrielle" avec des incitations financières, notamment pour développer le secteur privé dans un pays où 80% de la main d'oeuvre se trouve dans l'économie informelle.
Il faut aussi développer l'agriculture et "renforcer les compétences dans le secteur industriel et les opportunités dans le secteur manufacturier", préconise-t-il, car "les jeunes croient encore en général que si vous ne connaissez pas quelqu'un dans un service public, vous ne pouvez pas avoir d'emploi".
Fait inédit depuis 2002, le prochain chef de l'Etat ne sera pas kikuyu, l'ethnie la plus nombreuse du pays.
Les deux grands favoris de l'élection, Raila Odinga et William Ruto, sont respectivement Luo et Kalenjin. Seuls leurs colistiers sont issus de cette influente communauté au solide réseau économique.
Le successeur de Kenyatta devra donc bâtir un nouvel équilibre politico-éthnique dans un pays aux 46 ethnies, où l'appartenance communautaire, instrumentalisée depuis les Britanniques, est un pion essentiel de l'échiquier politique.
al/md/sva/cl
Uhuru Kenyatta, héritier millionnaire et président insondable #
Marionnette ou stratège, héritier dilettante ou assoiffé de pouvoir ? Au soir d'une quasi-décennie de présidence du Kenya, Uhuru Muigai Kenyatta reste un chef d'Etat insondable, au bilan en demi-teinte.
Une chose est sûre: le "prince" de la politique kényane est indissociable de sa famille, la plus riche du pays et la seule qui lui ait donné deux présidents.
Silhouette massive, visage rond marqué de lourdes poches sous les yeux, cet homme de 60 ans a consacré son deuxième et dernier mandat à tenter de consolider son héritage politique, tout en gardant une main sur l'avenir en soutenant son ancien rival Raila Odinga pour la présidentielle du 9 août.
Depuis sa réélection en 2017, l'ancien golden boy éduqué aux Etats-Unis s'est notamment efforcé de renforcer la stature internationale du Kenya, qui siège actuellement au Conseil de sécurité de l'ONU et s'affiche fièrement comme la locomotive économique de l'Afrique de l'Est.
Au prix d'une explosion de la dette, l'ancien ministre des Finances (2009-2012) a également poursuivi le développement des infrastructures, dont une voie rapide inaugurée fin juillet à Nairobi, et affiché sa lutte contre la corruption.
Mais l'apathie, voire l'ironie, ont accueilli ce discours dans un pays où les Kenyatta sont perçus comme l'incarnation d'une élite politique corrompue et peu concernée par l'intérêt général.
Au-delà d'un empire financier qui s'étend de l'agroalimentaire (Brookside) à la banque (NCBA) en passant par les médias (Mediamax), la famille est le premier propriétaire terrien du pays - un patrimoine à l'origine critiquée.
La fortune du seul Uhuru, catholique pratiquant et père de trois enfants, était estimée à 500 millions de dollars par Forbes en 2011.
Uhuru ("liberté" en swahili) est le fils du président Jomo Kenyatta (1964-1978), considéré comme le père de l'indépendance, et de son influente quatrième épouse "Mama" Ngina.
Il se lancera en politique au milieu des années 90, poussé par le successeur de son père, l'autocrate Daniel arap Moi (1978-2002).
Battu à sa première tentative présidentielle en 2002, il soutiendra en 2007 le sortant Mwai Kibaki, dont la courte victoire va dégénérer en tueries politico-ethniques opposant Kikuyu et Kalenjin, deux des principales ethnies du pays.
Kenyatta intègre dans la foulée un gouvernement d'union nationale, puis remporte en 2013 la présidentielle.
Le leader kikuyu s'est opportunément allié dans cette course à William Ruto, meneur des Kalenjin. Tous deux sont alors poursuivis par la Cour pénale internationale pour leur rôle dans les tueries de 2007-2008.
Les charges contre le duo exécutif seront finalement abandonnées pendant ce premier mandat, le tribunal dénonçant des "intimidations de témoins".
Uhuru redevient alors fréquentable et accueille tour à tour Barack Obama, le pape François, ainsi qu'une kyrielle d'investisseurs impatients de gagner ce pays dynamique.
A Nairobi, observateurs et diplomates peinent à cerner sa personnalité. Certains décrivent "un fêtard porté sur la bouteille qui ne voulait pas le job", quand d'autres peignent un homme "assez charismatique", "politiquement capable et qui sait parler aux gens".
Mais la capitale bruisse des récits de ses virées nocturnes, incognito au volant d'une banale voiture, protégé par seulement quelques gardes du corps.
Le 1er septembre 2017, après l'annulation historique de sa réélection par la Cour suprême, un Uhuru étonnamment hilare, juché sur le toit d'un 4x4, traitera les juges d'"escrocs" devant les caméras.
Quelques heures plus tard, il acceptera cependant le verdict, et sera définitivement réélu deux mois plus tard.
Mais ses relations avec la justice restent amères. En 2020, il fait fi d'une décision de la Cour suprême de dissoudre le Parlement - qui ne respecte pas le quota de femmes fixé par la Constitution.
La réélection de 2017 a eu lieu dans un pays fracturé, où les manifestations de l'opposition - dont le leader Raila Odinga a boycotté le deuxième scrutin - ont été impitoyablement réprimées par la police.
Si bien que début 2018, le président prend tout le monde de court en concluant une trêve avec Odinga lors d'une poignée de main restée célèbre sous le nom de "Handshake".
Ce pacte a attiré au coeur du pouvoir M. Odinga, tout en mettant sur la touche l'ambitieux vice-président William Ruto - à qui Kenyatta avait initialement promis son soutien pour 2022.
Kenyatta et Odinga porteront ensemble un projet de réforme constitutionnelle, baptisé "Building Bridges Initiative" (BBI) et créant notamment un poste de Premier ministre que beaucoup voyaient destiné au président sortant. Il sera finalement retoqué par la justice.
Le président s'apprête aujourd'hui à quitter, du moins en apparence, la scène politique.
Interrogé l'année dernière sur son désir de rester au pouvoir, un Uhuru souriant déclarait à France 24, levant les yeux au ciel: "Oh, s'il vous plaît, s'il vous plaît ! J'aimerais mieux savourer des vacances en France chaque été."
md/sva/cl
Cinq choses à savoir sur le Kenya #
Le Kenya, riche de sa faune, ses plages et ses terres agricoles, est un moteur économique de l'Afrique de l'Est, et ce malgré la pandémie et une sécheresse inédite depuis 40 ans.
Voici cinq choses à savoir sur ce pays niché entre les Grands Lacs et l'océan Indien.
Le Kenya accède à l'indépendance en 1963 après huit ans de rébellion contre le régime colonial britannique. Jomo Kenyatta devient le premier président de cette jeune République, remplacé à sa mort en 1978 par Daniel arap Moi.
En 2002, onze ans après l'abandon du régime du parti unique, première alternance démocratique: l'opposant Mwai Kibaki remporte la présidentielle.
Mais en 2007, l'annonce contestée de sa réélection entraîne des violences politico-ethniques inédites qui se soldent par plus de 1.100 morts. En 2008, un gouvernement d'union nationale est mis en place, dont Raila Odinga, aujourd'hui candidat, est Premier ministre.
Ce dernier est battu à la présidentielle de 2013 par le fils de Jomo Kenyatta, Uhuru, pourtant alors inculpé par la Cour pénale internationale pour son rôle présumé dans les violences post-électorales de 2007-2008.
Bis repetita en août 2017. La présidentielle est cependant annulée pour "irrégularités" par la Cour suprême, une première en Afrique. Uhuru Kenyatta est élu lors d'un nouveau scrutin, boycotté par son opposant de toujours.
Les deux hommes scellent une alliance surprenante en 2018, aux dépens du vice-président et dauphin désigné William Ruto.
Le pays compte une cinquantaine de parcs et réserves naturelles qui ont attiré 1,5 million de visiteurs en 2021. Parmi ses joyaux, plus de 30.000 girafes et le célèbre "Big five": lion, éléphant, rhinocéros, buffle et léopard.
Wangari Maathai est une des ambassadrices les plus connues de cette biodiversité, récompensée en 2004 par le prix Nobel de la paix pour, entre autres, son travail autour de la plantation d'arbres.
Le Kenya est aussi surnommé "le berceau de l'humanité".
La vallée du Rift, qui s'étend de la Tanzanie à l'Éthiopie en passant par le Kenya, a été le théâtre de découvertes majeures de fossiles. Des restes d'hominidés vieux de près de 6 millions d'années ont été trouvés dans la région du Turkana.
Le Kenya est une des économies les plus dynamiques d'Afrique de l'Est et soigne son image de hub régional.
Son profil est atypique en Afrique: relativement peu de ressources naturelles mais un dynamisme économique et un secteur des services remarquables. L'agriculture est aussi un de ses piliers (plus de 22% du PIB) et la source principale des exportations (thé, fleurs, café).
Après un recul de 0,3% en 2020 lié à la pandémie, l'économie du Kenya a amorcé une reprise en 2021. Mais les prix du carburant et des denrées alimentaires ont explosé, en particulier celui de la farine de maïs - nourriture de base -, attisant la frustration dans ce pays rongé par une corruption endémique. En 2021, il était classé 128e sur 180 pays et territoires par Transparency International.
Les inégalités sont criantes au Kenya, où golfs et bidonvilles peuvent être mitoyens et où le salaire minimum mensuel est de 15.120 shillings (124 euros). Selon l'ONG Oxfam, la fortune des deux Kényans les plus riches est supérieure aux revenus cumulés de 30% de la population, soit 16,5 millions de personnes.
La population d'environ 50 millions d'habitants, selon les chiffres officiels, est en majorité jeune et chrétienne.
Sur les plus de 40 ethnies recensées, les Kikuyu sont le premier groupe numériquement, devant les Luhya, les Kalenjin et les Luo.
Le Kenya fait partie des grandes nations de la course de fond et demi-fond, avec des champions comme Eliud Kipchoge ou Faith Kipyegon.
Le sprinter Ferdinand Omanyala s'est également fait un nom au pays des coureurs de fond, en signant le record d'Afrique du 100 m en 2021 (9.77), puis en réalisant la troisième meilleure performance mondiale en 2022 (9.85).
Mais l'ombre du dopage plane régulièrement. Le pays a été à deux doigts de l'exclusion des Jeux de Rio en 2016 avant d'annoncer l'introduction de mesures spécifiques comme l'adoption d'une loi antidopage.
Le 7 août 1998, un attentat visant l'ambassade américaine à Nairobi fait 213 morts et 5.000 blessés. Il est revendiqué par Al-Qaïda.
Après l'entrée en 2011 de l'armée kényane en Somalie pour y combattre les islamistes radicaux shebab, les attaques se sont multipliées, avec notamment celles du Westgate à Nairobi en 2013 puis de Garissa en 2015. Elles feront respectivement 67 et 148 morts.
En 2019, 21 personnes meurent dans un nouvel attentat mené contre le complexe hôtelier Dusit, à Nairobi.
Depuis les attaques se font plus sporadiques, concentrées dans l'est du pays.
bur-al/sva/md/cl/jhd
Cannabis et T-shirt fluo: Wajackoyah, intrigant candidat à la présidentielle kényane #
T-shirt fluo, jogging noir et déhanché nonchalant, George Wajackoyah pimente la campagne présidentielle kényane en proposant de légaliser la marijuana et d'exporter serpents et testicules de hyènes pour éponger la dette nationale. Pur excentrique ou pion politique, sa candidature intrigue.
A coups de déclarations fantasques et de meetings express, le novice en politique de 63 ans qui a troqué les costumes trois pièces pour militer parfois pieds-nus, s'est non seulement fait un nom mais pourrait aussi bousculer le 9 août le duel annoncé entre Raila Odinga et William Ruto.
Avec son parti "Roots" aux influences rasta fondé en 2013, il pourrait contraindre les deux poids-lourds à un second tour, ce qui serait une première pour ce pays d'Afrique de l'Est.
Quand son camion de campagne à la tôle rouillée s'arrête sur les bords de route poussiéreux en banlieue de Nairobi, des dizaines de jeunes s'agglutinent.
Les sonos crachent du reggae, la clameur monte devant le candidat Wajackoyah qui distribue sourires, salutations du poing et pour seul slogan: "Bhang", en référence au cannabis qu'il entend légaliser pour alléger le fardeau exponentiel de la dette kényane (estimée à 70 milliards de dollars).
"Je serai le président de tout le monde", lance, jovial, l'excentrique avocat à la barbe grisonnante, "j'aimerais que les gens fassent une chose: voter pour une personne et non pour un parti".
Quelques pas de danse, et le voilà déjà reparti sur la route, sans autre interaction avec la poignée de curieux ni de débat autour de son programme.
Dans son manifeste, George Wajackoyah promet une semaine de travail à quatre jours.
Il présente l'exportation de testicules de hyènes - réputées prisées dans la médecine chinoise -, ainsi que celle de venin, de viande et de peau de serpent comme des remèdes pour l'économie kényane fragilisée par la sécheresse et la guerre en Ukraine.
Ce programme lui a permis d'attirer l'attention du public, contrairement au quatrième candidat David Mwaure, ancien avocat dont la campagne est passée sous les radars. Il pourrait aussi séduire quelques électeurs, en particulier dans les rangs d'une jeunesse en grande majorité sans emploi et plus préoccupée par l'inflation galopante que par le scrutin.
Stephen Kariuki, rencontré au meeting, est l'un d'eux. Selon ce trentenaire sans travail, Wajackoyah a le mérite de "ne pas être milliardaire" contrairement à Odinga et Ruto, et apporte "l'espoir" dans un Kenya où "même si on a des diplômes, on n'a pas de travail".
La trajectoire de Wajackoyah est tout aussi surprenante que son programme.
Parachuté sur la scène politique en février, au moment de l'annonce de sa candidature, il assure lors d'interviews être resté dix mois et demi dans le ventre de sa mère, ou avoir été sauvé de la rue par le paléoanthropologue kényan Richard Leakey et des fidèles de la communauté Hare Krishna.
A sa sortie du lycée en 1980, il intègre la police puis s'impose comme un des meilleurs agents de renseignement sous l'ère du président autocrate Daniel Moi.
Son enquête sur l'assassinat en 1990 du ministre des Affaires étrangères, Robert Ouko, lui vaut d'être arrêté, torturé, et de s'exiler en Grande-Bretagne. Là, il occupe de petits boulots, dont celui de fossoyeur, pour financer ses études avant de retourner au Kenya en 2010.
Durant la campagne, la cote de popularité de ce père de trois enfants n'a jamais décollé, les sondages le créditant tout au plus de quelques centaines de milliers de voix. De quoi peser toutefois en cas d'écart serré entre les deux favoris.
L'ambiguïté récurrente du candidat rasta par rapport à Raila Odinga a alimenté les suspicions sur la sincérité de sa candidature.
La presse nationale questionne l'existence d'un "pacte secret" entre lui et Raila Odinga, la candidature du premier servant à siphonner, au profit du second, quelques voix à William Ruto, vice-président sortant.
Le quotidien Daily Nation titrait ainsi en juin: "Wajackoyah: marionnette de Raila ou troisième force?"
"L'idée que le professeur soutient Odinga est (...) un voeu pieux qui n'existe que dans l'esprit de médias biaisés", s'est défendue jeudi l'équipe de Wajackoyah.
al-oh/sva/cl/jhd
Kenya: William Ruto, porte-parole des "débrouillards" à la réputation sulfureuse #
L'ambitieux et fortuné vice-président William Ruto se présente en challenger du pouvoir à l'élection présidentielle du 9 août, se posant en porte-parole des "débrouillards" du petit peuple et tentant de polir son image sulfureuse.
La voie semblait tracée pour que ce fin stratège de 55 ans, aux costumes toujours élégants, accède au sommet de l'Etat.
Le chef de l'Etat Uhuru Kenyatta - dont il est le vice-président depuis 2013 - l'avait adoubé, l'assurant du soutien du parti présidentiel pour l'élection de 2022 à laquelle lui n'a pas le droit de briguer un troisième mandat.
Mais après sa réélection en 2017, suivie de violences causant des dizaines de morts, Kenyatta s'est progressivement rapproché de son opposant historique Raila Odinga, à qui il a finalement donné son soutien.
Pour beaucoup d'observateurs, une des raisons de ce revirement d'alliances est l'incontrôlable ambition de Ruto.
"Ce qui rend Ruto singulier, c'est la rapidité de son ascension, son ambition", souligne l'analyste politique kényane Nerima Wako-Ojiwa: "Il est allé à contre-courant (des pratiques). Il est passé devant beaucoup de gens sans demander l'autorisation".
"Beaucoup de gens ont peur que s'il arrive au pouvoir, il soit impossible à déloger ensuite", explique-t-elle.
Ruto se présente en opposant aux "dynasties" incarnées par Kenyatta et Odinga, héritiers de deux familles au coeur de la politique kényane depuis l'indépendance en 1963.
Il s'est fait le héraut des "débrouillards" ("hustlers") de la rue comme lui, issu d'une famille modeste de la vallée du Rift.
Ce diplômé en sciences, professeur avant de se lancer en politique dans les années 1990, au sein des jeunesses du parti de l'autocrate Daniel arap Moi, aime à rappeler qu'il n'a eu sa première paire de chaussures qu'à l'âge de 15 ans et qu'il vendait des poulets en bord de route.
Il est aujourd'hui à la tête d'une grande entreprise de volailles, un des piliers de sa fortune - une des plus grandes du pays - qui comprendrait également des hôtels, des milliers d'hectares de terres...
L'étendue de ses actifs a fait l'objet d'une controverse entre le ministère de l'Intérieur et le "DP" (pour Deputy President, vice-président), qui accuse le pouvoir de vouloir le discréditer.
Sa rupture avec Kenyatta est consommée. Il a été un des plus virulents opposants à un projet de révision constitutionnelle défendu par le duo Kenyatta-Odinga et finalement invalidé par la Cour Suprême au terme d'une féroce bataille judiciaire.
En août 2021, Kenyatta avait mis son vice-président au défi de démissionner "s'il n'est pas content". "Désolé, mais je suis en mission", avait répondu celui qui prône une économie "du bas vers le haut (...) afin de sortir des millions de personnes du désespoir".
Kenyatta le Kikuyu - la première ethnie du pays - et Ruto le Kalenjin - la troisième en nombre - s'étaient alliés en 2012 pour conquérir le pouvoir, dans ce qui avait été surnommé la "coalition des accusés".
Ils étaient tous deux poursuivis pour crimes contre l'humanité par la Cour pénale internationale (CPI) pour leur rôle dans les violences post-électorales de 2007-2008, les pires depuis l'indépendance (plus de 1.100 morts et 600.000 déplacés). Les deux hommes étaient à l'époque dans des camps opposés.
La CPI avait décrit Ruto comme le principal planificateur des violences contre la communauté kikuyu dans son fief kalenjin de la vallée du Rift, avant d'abandonner toutes les poursuites en 2016.
Celui qui était un des hommes les plus craints du pays s'emploie à polir sa réputation sulfureuse, mêlant accusations de violences, de corruption, d'appropriation de terres et de détournement de fonds qu'il ne cesse de démentir.
Dès les prémisses du rapprochement Odinga-Kenyatta, il est parti en campagne, sillonnant le pays en casquette et polo, s'affichant sur les réseaux sociaux.
Ce quinquagénaire, chrétien "born again" revendiqué et père de six enfants, s'affiche en homme affable. Sa rhétorique des "débrouillards", misant sur un clivage social plus qu'ethnique, trouve notamment un écho chez les jeunes.
Ce discours n'est "pas nouveau", estime Nerima Wako-Ojiwa, mais "c'était le timing parfait" dans un pays durement frappé par la crise du Covid-19 et les répercussions économiques de la guerre en Ukraine.
"Il est considéré comme un des stratèges les plus efficaces de la politique kényane", rappelle Nic Cheeseman, professeur à l'université de Birmingham (Royaume-Uni).
"Il a une grande expérience des campagnes électorales", souligne-t-il: "Il a été aux côtés d'Odinga, il a été aux côtés de Kenyatta, (...) il connaît leurs forces et leurs faiblesses".
sva/md/cl/jhd
Kenya: Raila Odinga, l'inusable vétéran de la politique kényane #
Candidat pour la cinquième fois à la présidence du Kenya, Raila Odinga est une figure historique de la politique kényane, qui a incarné durant des décennies l'opposition avant de se rapprocher ces dernières années du pouvoir.
La présidentielle du 9 août constitue probablement la dernière chance d'entrer à State House, le palais présidentiel, pour ce vétéran de la politique aujourd'hui âgé de 77 ans, dont l'ambition et la détermination sont au coeur de l'histoire récente du Kenya.
Engagé dès le début des années 80 contre le régime de parti unique, Raila Amolo Odinga a connu la détention, un bref exil en Norvège, avant d'entrer au Parlement lors des premières élections multipartites de 1992.
C'est lors des scrutins présidentiels de 1997, 2007, 2013 et 2017 que ce leader de la communauté Luo s'imposera comme un acteur politique incontournable, toujours candidat opposé au pouvoir.
En 2007, sa contestation de la victoire de Mwai Kibaki dégénère en sanglantes violences ethniques, faisant plus de 1.100 morts et des centaines de milliers de déplacés.
La crise se résoudra par un accord de partage du pouvoir, avec Odinga Premier ministre (2008-2013). Durant cette période, il est un des artisans de la Constitution de 2010, considérée comme une des plus progressistes du continent.
En 2013 et 2017, il a pour adversaire Uhuru Kenyatta, avec qui la rivalité est historique.
Son père, Jaramogi Oginga Odinga, fut le grand perdant de la lutte pour le pouvoir après l'indépendance du Kenya en 1963, au profit du premier président Jomo Kenyatta... père d'Uhuru.
En 2017, Raila Odinga fait invalider le scrutin par la Cour Suprême, une première en Afrique, à la fureur d'Uhuru Kenyatta, arrivé en tête. Ce dernier sera réélu quelques semaines plus tard lors d'un nouveau vote boycotté par Odinga.
Contestant la légitimité du chef de l'État, "RAO" se fait symboliquement investir "président du peuple".
Mais aujourd'hui, pour de nombreux Kényans, Odinga n'est plus un challenger du pouvoir. Son image d'éternel opposant a été écornée par son rapprochement avec Uhuru Kenyatta depuis quatre ans.
Après les violences post-électorales en 2017 qui ont fait des dizaines de morts, les deux rivaux ont, à la surprise générale, décidé d'une trêve, symbolisée en mars 2018 par une poignée de main restée célèbre.
Certains ont vu dans ce rapprochement avec Kenyatta - qui ne peut briguer un troisième mandat et soutient Odinga pour le scrutin du 9 août - un ralliement opportuniste pour enfin accéder au pouvoir.
Odinga assure avoir agi pour éviter une fracture profonde dans le pays. Les Kényans "savent que je suis une personne indépendante, une personne de conscience avec de très fortes convictions", a-t-il répété devant la presse en juillet: "Je ne peux pas être le larbin ou le candidat de quelqu'un".
"Raila est tout à fait conscient qu'une grande partie du soutien dont il bénéficie vient du fait qu'il est une figure anti-establishment depuis si longtemps. Le +handshake+ a sapé ce récit", explique à l'AFP Gabrielle Lynch, professeure à l'Université de Warwick (Grande-Bretagne).
Surnommé "Agwambo" ("le mystérieux" en langue luo), Raila Odinga est un homme de contradictions.
Ses plus fidèles partisans le considèrent toujours comme un combattant de la démocratie et un réformateur social indispensable dans un pays profondément inégalitaire. Ses détracteurs décrivent un agitateur populiste, prompt à jouer des rivalités ethniques pour assouvir son ambition.
Ces derniers l'ont également souvent épinglé comme "socialiste". S'il a certes suivi des études d'ingénieur à Leipzig, en Allemagne de l'Est communiste et prénommé Fidel son fils aîné - décédé en 2015 - en hommage à Fidel Castro, ce riche homme d'affaires est à la tête d'un solide patrimoine économique, notamment dans le secteur de l'éthanol et du pétrole.
Réputé pour ses talents d'orateur, il a vu son charisme s'éteindre quelque peu avec l'âge. Lors de la campagne, ce grand-père de cinq petits-enfants est apparu vieillissant, bredouillant, l'élocution parfois confuse.
Mais il ne se départit pas de sa passion pour le club d'Arsenal et surtout pour le reggae.
Depuis plusieurs années, il a fait sienne la chanson de Lucky Dube, dont il martèle le titre comme une devise: "Nobody can stop reggae" ("Personne ne peut arrêter le reggae").
bur-sva/md/cl/jhd
Kenya: l'élection présidentielle de nouveau au défi de l'électronique #
Censée apporter fiabilité, crédibilité et rapidité aux scrutins, l'introduction de dispositifs électroniques dans les élections au Kenya a régulièrement été source de controverses et de suspicions, qui restent vives avant l'élection présidentielle du 9 août.
Après les sanglantes violences post-électorales de 2007-2008, les autorités ont introduit une part de technologie dans le processus électoral pour tenter de crédibiliser les résultats et limiter les délais d'annonce sources de tensions.
Elle concerne l'inscription sur les listes électorales, l'identification au bureau de vote et la transmission des résultats.
L'enregistrement des électeurs via des kits biométriques mobiles a permis de gonfler le nombre d'inscrits, passé de 14,3 millions en 2013 à 19,6 millions en 2017 et 22,1 millions cette année, dans ce qui est unanimement reconnu comme une avancée démocratique majeure.
Ce registre de données biométriques (empreintes digitales, photo) est utilisé le jour de l'élection pour identifier électroniquement les électeurs au bureau de vote, avant une procédure de vote classique avec un bulletin papier déposé dans l'urne.
La technologie intervient à nouveau à la fermeture du bureau de vote. Après le dépouillement manuel, les résultats sont transmis électroniquement à l'échelon de la circonscription pour être compilés, puis au niveau national pour aboutir au résultat final.
En 2013, le système informatique avait largement failli, contraignant la commission électorale à basculer sur un système manuel. L'opposition, emmenée par Raila Odinga, avait dénoncé une action délibérée de sabotage en faveur du vainqueur Uhuru Kenyatta.
En 2017, l'identification biométrique avait correctement fonctionné mais la transmission des résultats avait été au coeur de la contestation de la réélection de Kenyatta.
Le camp Odinga affirmait notamment que le système avait été piraté pour favoriser le président sortant. Après audit, le fournisseur français, OT-Morpho, avait démenti toute manipulation ou piratage.
La Cour suprême avait invalidé le résultat et demandé un nouveau vote, évoquant notamment des "irrégularités" dans la transmission des résultats.
Dans un rapport publié en 2018, la mission d'observation de l'UE avait noté une "amélioration" dans l'usage de technologies, mais pointé des "tests insuffisants en termes de capacité et de sécurité".
La commission électorale (IEBC) a mené des tests de transmission de résultats en juin sur 2.900 bureaux de vote, avec un taux de réussite de 46%, puis fin juillet sur un échantillon réduit de 580 bureaux, avec 92% de succès.
"Mais il y a 46.233 bureaux de vote (...) donc ça reste une zone grise. Nous ne sommes pas sûrs que le système de transmission fonctionnera à 100%", note Mulle Musau, du Groupe d'observation des élections (Elog), association qui scrute depuis 2010 le bon déroulement des votes.
Cette année, 1.272 bureaux de vote se trouvent dans des zones avec une couverture internet faible ou nulle (contre environ 11.000 en 2017). Selon l'IEBC, les transmissions depuis ces bureaux seront assurées par des modems-satellite.
L'IEBC assure avoir paré à toute défaillance.
Les plus de 55.000 kits électroniques déployés fonctionnent avec deux batteries autonomes. Chaque circonscription sera dotée de six kits de secours et en ultime recours, un retour à un système manuel, tel un registre électoral papier, sera possible.
"Un kit n'a besoin d'internet que lorsqu'il transmet les résultats. Il fonctionne hors ligne, il ne peut pas être piraté", a également affirmé Justus Nyang'aya, un des responsables de l'IEBC.
Pour limiter les possibilités de fraude, les formulaires de résultats seront photographiés et envoyés sous forme de photo - et non en fichier texte comme en 2017. Ils seront ensuite recoupés avec les originaux papier, acheminés physiquement.
D'une manière générale, la technologie "a rendu nos élections beaucoup plus complexes, (...) plus floues et donc opaques", estime Mulle Musau.
"Quand les gens ont le sentiment que les choses sont floues, ça devient très dangereux", ajoute-t-il. "Le plus gros problème de nos élections tient en un mot: la confiance".
La société britannique Smartmatic, qui a remplacé OT-Morpho, a fait l'objet de critiques, qui affirment que plusieurs élections dans lesquelles elle a été impliquée - notamment en Ouganda, aux Philippines, au Venezuela - ont connu des failles.
"Les processus électoraux, d'une manière générale, sont vulnérables à la désinformation. Les acteurs malveillants diffusent systématiquement des mensonges pour saper les élections en alimentant la peur, l'anxiété et la méfiance", a répondu une porte-parole, Samira Saba, dans un courriel à l'AFP.
En juin, il a également été découvert qu'un million d'électeurs avaient été illégalement changés de circonscriptions dans la base de données l'IEBC.
Si trois employés de l'IEBC ont été arrêtés et les transferts d'électeurs annulés, l'affaire est venue alimenter un climat de suspicion croissante envers la fiabilité du système.
sva/md/cl/jhd
Le Kenya appelé à voter, malgré l'apathie et la crise économique #
Les Kényans se rendent aux urnes mardi pour des élections présidentielle, législatives et locales à forts enjeux dans ce pays d'Afrique de l'Est en proie à une certaine désillusion politique et une explosion du coût de la vie.
Quatre candidats sont en lice pour la fonction suprême, dont l'actuel vice-président William Ruto, et Raila Odinga, ancien leader de l'opposition désormais soutenu par le pouvoir.
Les avocats David Mwaure et George Wajackoyah - un ancien espion excentrique qui veut légaliser le cannabis - sont également dans la course, mais la présidentielle s'annonce comme un duel, serré, entre Ruto et Odinga.
"Il est très difficile de dire qui va gagner l'élection, c'est à pile ou face pour celui qui sera le plus attirant émotionnellement", affirme à l'AFP l'universitaire et analyste Macharia Munene.
Les deux favoris, dont les portraits s'étalent sur d'immenses panneaux à travers tout le pays, sont des visages bien connus des Kényans.
Odinga, 77 ans, est un vétéran de la lutte démocratique, qui a connu la prison avant d'accéder à la Primature (2008-2013) et qui se présente à la présidence pour la cinquième fois.
Ruto, 55 ans, occupe la vice-présidence depuis près d'une décennie et s'était vu promettre par le président sortant Uhuru Kenyatta de lui succéder en 2022. Mais une alliance inattendue entre Kenyatta et Odinga l'a marginalisé à partir de 2018.
Aujourd'hui, dans un retournement de situation typique de la très versatile politique kényane, Odinga est soutenu par l'appareil étatique tandis que Ruto fait figure de challenger du pouvoir.
La victoire du premier, un Luo, ou du second, un Kalenjin, ouvrira quoi qu'il en soit une nouvelle page après plus de vingt ans de présidences kikuyu, la première et très influente communauté du pays.
Ces manoeuvres politiciennes ont alimenté une certaine apathie au sein de la population, notamment chez les jeunes, moins nombreux qu'attendu à s'inscrire sur les listes électorales.
Au total, les 22,1 millions d'électeurs devront voter six fois mardi pour choisir leur président, mais aussi leurs parlementaires, gouverneurs et quelque 1.500 élus locaux.
Mais pour beaucoup, "la politique ne semble pas résoudre les problèmes", estime le chercheur indépendant en politique publique Alex Awiti.
"Le prochain président, le prochain sénateur, le prochain gouverneur fera juste la même chose" que son prédécesseur, ajoute-t-il à propos de la désillusion des électeurs dans ce pays notamment miné par la corruption.
Odinga a fait de la lutte contre ce fléau sa priorité, nommant comme colistière Martha Karua, une ancienne ministre réputée inflexible, et dénonçant les procédures judiciaires en cours contre le colistier de Ruto, Rigathi Gachagua.
En face, Ruto, sulfureux homme d'affaires parti de rien, se pose en champion des petites gens, leur promettant aides et emplois quand trois Kényans sur dix vivent avec moins de 1,90 dollars par jour selon la Banque Mondiale.
Le thème du pouvoir d'achat est devenu majeur dans cette locomotive économique régionale secouée par les conséquences du Covid-19, de la guerre en Ukraine et d'une grave sécheresse.
Derrière son petit kiosque à légumes dans une rue de Nairobi, Peter Kibacia constate avec dépit que les clients achètent moins qu'avant en raison de l'explosion des prix alimentaires.
"Personne n'économise en ce moment", affirme cet homme de 40 ans, père de trois enfants.
Dans ce contexte, l'enjeu économique pourrait même, selon certains experts, supplanter cette année le vote tribal, un facteur-clé depuis toujours dans les isoloirs kényans.
Quinze ans ont passé depuis les violences post-électorales de 2007-08 qui avaient fait plus de 1.100 morts principalement dans des affrontements entre Kikuyu et Kalenjin.
Mais cette blessure profonde continue de faire peser le spectre de nouvelles violences sur le Kenya, un îlot de stabilité démocratique dans une région tourmentée.
Lors de la dernière présidentielle, en 2017, la contestation des résultats par Raila Odinga avait débouché sur une sévère répression policière, faisant des dizaines de morts.
Depuis vingt ans, chaque élection a été contestée - jusque devant la Cour Suprême en 2013 et de 2017. Ce dernier avait même été annulé en raison d'"irrégularités" - une première en Afrique.
La Commission nationale de cohésion et d'intégrité, un organisme de promotion de la paix créé après 2007-08, a estimé dans un récent rapport à 53% la probabilité de violences au cours de la période électorale.
Des sources diplomatiques ont affirmé à l'AFP être confiantes dans le fait que le calme prévaudra le jour du scrutin.
Les écoles, qui accueillent la plupart des bureaux de vote, sont d'ores et déjà fermées et une grande enseigne de supermarchés a invité les clients à faire des provisions.
"C'est précaire (...) Mais nous allons prier pour une élection pacifique", estime de son côté Suzana Napwora, une étudiante de 22 ans qui votera mardi pour la première fois.
md-amu-al/sva/jhd
Six mois de campagne électorale tout-terrain au Kenya #
Aux enterrements, en chanson ou même en nettoyant des toilettes publiques: les candidats aux élections présidentielle, législatives et locales au Kenya n'ont négligé aucun moyen pour rallier un maximum de voix.
Le 9 août, 22,1 millions de Kényans désigneront l'ensemble de leurs représentants, du président de la République aux assemblées de comté, en passant par les députés, sénateurs et gouverneurs. Six scrutins au total, terme de six campagnes qui ont rythmé la vie du pays ces derniers mois.
Ce géant d'Afrique de l'Est a paru moins passionné cette année que lors de précédentes élections. Outre les habituels convois électoraux crachant musique et slogans et les portraits géants le long des rues, les candidats se sont démenés pour tenter de sortir les électeurs d'une certaine apathie.
Dans la capitale Nairobi, la course au poste de gouverneur a parfois pris un tour inattendu avec Polycarp Igathe, candidat du parti présidentiel.
Cet ancien responsable commercial d'une grande banque est un visage connu des Nairobiens. Il avait été élu vice-gouverneur en 2017 sur le ticket du sulfureux Mike Sonko, avant de démissionner en raison de désaccords.
Cette année, Igathe a été vu passant la serpillère dans des toilettes publiques, donnant un coup de main pour laver des voitures, vendant des chapatis dans la rue, servant des bières dans un bar-restaurant...
Cette campagne inhabituelle a déclenché un torrent de commentaires sur les réseaux sociaux, parfois enthousiastes, le plus souvent ironiques.
"Nairobiens, sachez qu'il y a quelqu'un du nom de Polycarp Igathe, il peut facilement entrer chez vous dès 05H00 du matin pour préparer le petit-déjeuner et même faire la vaisselle. Il est accompagné de dix caméras et de sécurité. Ne les confondez pas avec des CAMBRIOLEURS", a raillé un internaute sur Twitter.
"Je prévois d'aller au salon de coiffure demain. Pourquoi je vous dis ça ? Je poste juste ça là au cas où Polycarp Igathe serait de service pour les shampooings", blaguait une autre.
Le candidat a revendiqué cette stratégie. "La façon dont j'ai conçu ma campagne, ma première phase était de m'ancrer et de m'enraciner dans le quotidien des Nairobiens", expliquait-il en mai.
Au Kenya, un autre lieu pour être vu et entendu du plus grand nombre sont les enterrements.
Sous le règne de l'autocrate Daniel Arap Moi (1978-2002), ces cérémonies étaient un des rares espaces où la parole se libérait.
"Faire campagne aux enterrements, c'est devenu une culture. C'est un endroit où beaucoup de personnes sont réunies, un public clé en main. Vous avez juste à venir et parler", explique l'analyste politique Nerima Wako-Ojiwa.
Fin avril, les funérailles de l'ancien président Mwai Kibaki (2002-20013), auxquelles assistaient le chef de l'Etat sortant Uhuru Kenyatta et les deux principaux concurrents à la présidentielle Raila Odinga et William Ruto, ont ainsi donné lieu à des hommages funèbres aux accents électoraux, chacun revendiquant son héritage dans son fief du Mont Kenya, région réputée stratégique électoralement.
Depuis l'avènement du tube "Unbwogable" qui a porté la victoire de Kibaki en 2002 et mis fin aux 24 années de pouvoir de Moi, la musique est devenue un élément-clé des stratégies électorales.
Cette année, on a pu voir Odinga, 77 ans, dans plusieurs clips musicaux, dont le hit "Leo ni Leo" ("C'est aujourd'hui") où il apparaît en blouson bombers entouré de jeunes. Certains observateurs ont vu dans ces déhanchements une tentative du septuagénaire de se montrer en prise avec la nouvelle génération.
Une chanson a été au coeur de controverses: le tube de rap "Sipangwingwi".
Depuis sa sortie à l'automne 2021, ce titre de deux lycéens - qui peut se traduire par "On décide pas pour moi" - a cumulé plus de 7,5 millions de vues sur YouTube et été reprise sur des dizaines de milliers de vidéos TikTok.
Le duo s'est déchiré, l'un soutenant Odinga, l'autre Ruto, chacun venant interpréter le tube à leurs conventions d'investiture respectives.
William Ruto en a fait un slogan de campagne, avec la variante "Hatupangwingwi" ("On décide pas pour nous"), en défiance aux "dynasties" politiques représentées par Odinga et son soutien Kenyatta.
Mais en avril, la formule "hatupangwingwi" a été classée par une commission gouvernementale parmi 12 expressions interdites car susceptibles d'alimenter des discours de haine.
Dans les heures suivant l'annonce, Ruto postait sur Twitter le message "Hatupangwingwi !" accompagné d'un remix du clip de "Sipangwingwi", le mettant en scène avec un des auteurs.
En juillet, un tribunal a invalidé l'interdiction de la formule, relançant la viralité du slogan à moins d'un mois du jour J.
sva/md/cpy/jhd