Un quadragénaire "massacré gratuitement" par deux "caïds", un troisième qui participe "par peur": des peines de 20 et 15 ans de réclusion ont été requises jeudi contre deux cousins accusés de tentative de meurtre aggravée, et d'un an ferme et du sursis pour le "complice" qui avait tout raconté.
Mohamed Ainaoui et Bilal Belgherbi, âgés de 19 et 20 ans au moment des faits, comparaissent depuis une semaine devant les assises du Nord à Douai pour avoir, dans la nuit du 27 au 28 mai 2015 à Libercourt (Pas-de-Calais), sauvagement passé à tabac un père de famille venu chercher ses chiens dans leur cité, avant de brûler sa voiture dans un champ proche.
Sorti du véhicule in extremis, Fabien Lherbier avait été retrouvé à quelques mètres, brûlé au deuxième degré sur 20% du corps et presque mort. Il est resté invalide à 66% et a perdu en partie la mémoire, notamment sur cette nuit-là.
Ainaoui, comme Belgherbi, ont toujours nié les faits. C'est une lettre et un témoignage anonymes, reçus en 2015, qui avaient orienté les enquêteurs vers les deux cousins, évoquant une agression partie d'un "mauvais regard".
L'accusation tient en grande partie sur les aveux d'un troisième homme, Mohammed Boumaaraf, filmé par la vidéosurveillance d'une station service alors qu'il remplissait un bidon d'essence à 05H00 du matin.
Il assure être tombé par hasard sur les cousins, réputés pour leur violence, avoir été témoin de l'agression puis "contraint" d'aller chercher l'essence et de les accompagner sur la deuxième scène de crime.
- "Roi du quartier" -"Il faudrait être un génie du mensonge pour monter une telle histoire de toutes pièces", a estimé l'avocat général Olivier Agnus.
Car le récit de Boumaaraf est "corroboré par plein d'éléments, dont l'exploitation des téléphones" et des témoignages, a-t-il asséné, rappelant aussi "les pressions" exercées par Belgherbi en prison via d'autres détenus ou "l'attitude" d'Ainaoui, parti en Algérie peu après les faits.
Pour avoir "emmené Fabien Lherbier aux frontières de la mort", M. Agnus a requis 20 ans de réclusion criminelle à l'encontre d'Ainaoui, "le plus dangereux, le meneur", déjà condamné une quinzaine de fois pour divers délits.
"C'était le roi du quartier. Quand il a vu M. Lherbier sur son territoire", ils ont eu une altercation, "et il l'a massacré, (...) gratuitement", a-t-il tancé.
M. Agnus a aussi requis 15 ans de réclusion contre Bilal Belgherbi, pour avoir "fracassé une bouteille sur le crâne" de la victime, puis suivi son cousin dans ce déchaînement de violence. "Mais il a eu un sursaut d'humanité", sortant M. Lherbier du coffre au dernier moment, selon Boumaaraf.
Quant à ce dernier, "il a été soumis à la peur", a souligné M. Agnus, demandant l'acquittement pour "la complicité de tentative de meurtre", mais un an de prison ferme et quatre de sursis pour sa participation à l'incendie.
- "Pas de preuves" -Le procès a enfin révélé "l'omerta" régnant dans cette cité, a estimé l'avocat général, tous les témoins cités semblant rester "silencieux par peur de représailles".
"Est-ce que vous mettriez votre main au feu que Boumaaraf dit la vérité?" a lancé aux jurés l'avocat de Belgherbi, Me Julien Delarue. "Il n'y a pas de preuves, pas de certitudes" mais seulement "des émotions, des impressions", a-t-il assuré.
Ce sont "des hypothèses, des interprétations", un dossier énorme "dont on sort deux ou trois écoutes", a renchéri l'avocat d'Ainaoui Me Grégory Billet, s'attelant à discréditer Boumaaraf. "Avez-vous un élément objectif, technique, qui prouve que M. Ainaoui était sur les lieux? (...) Rien".
"+Ils ont détruit ma vie, mais surtout, celle de ma femme et de mes enfants+", avait griffonné jeudi Fabien Lherbier depuis son fauteuil roulant, dans un mot lu par son avocat Loïc Bussy. Venu cette semaine chercher des réponses, "il n'a eu droit qu'à un océan de mensonges".
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