Emmanuel Macron a annoncé jeudi la création de "Prépas Talents" aux écoles de la haute fonction publique. Directeur de l'ENA, Patrick Gérard veut "vraiment recruter" des étudiants issus de milieux défavorisés et dit comment.
QUESTION : Emmanuel Macron avait annoncé en avril 2019 la suppression de l'ENA après la crise des "gilets jaunes" et il n'en sera rien. C'est évidemment un soulagement ?
REPONSE : Aucune décision définitive n'a été prise. Mais si l'on veut encourager des étudiants et notamment des étudiants modestes à passer les concours de l'école, il est difficile de leur dire en même temps que cette école sera supprimée. Moi, je pense aux étudiants, aux agents de l'école qui sont inquiets depuis deux ans et à tous nos partenaires internationaux qui, eux, savent que l'ENA est une marque de la France et y sont très attachés.
Q. Comment l'ENA entend-elle accompagner les mesures annoncées aujourd'hui ?
R. Nous sommes très heureux de recevoir les moyens de développer la diversité sociale à l'ENA. On ne demandait que cela et, aujourd'hui, nous souhaitons vraiment recruter des étudiants venant de milieux défavorisés ou de territoires éloignés, l'outre-mer en particulier. Nous voulons que ces étudiants arrêtent de se dire qu'une école comme l'ENA n'est pas faite pour eux. De concert avec l'INET (l'Institut national des études territoriales, NDLR), nous allons doubler les effectifs de notre classe préparatoire "Egalité des chances" à Strasbourg, qui va passer de 12 à 24 étudiants à la rentrée de septembre, et créer une nouvelle classe avec 24 élèves aussi dans l'ouest de la France outre celle de Paris qui en compte déjà autant. Nous allons mobiliser aussi nos élèves sur les +Cordées de la réussite+ pour encourager de jeunes lycéens à envisager une carrière dans la fonction publique, en demandant notamment à nos élèves qui sont en stage dans les départements d'aller dans les lycées des villes les plus éloignées. Et si d'autres établissements universitaires en France veulent créer des "Prépas Talents", nous les aiderons. Il y a sans doute aussi une réflexion à avoir sur l'épreuve d'anglais du concours d'entrée. Des jeunes ont eu la chance de partir en Angleterre ou aux Etats-Unis, d'autres non. Nous proposerons des modifications pour le concours 2022.
Q. Faut-il aller plus loin, assumer une discrimination positive ?
R. Ce n'est pas ce que l'on cherche à faire. Ce que nous voulons, c'est que les élèves des prépas "Egalité des chances" ou "Talents" passent le même concours que les autres. Notre démarche n'est pas de faire des concours au rabais. Mais elle a pour objectif de mieux préparer les étudiants à ce concours difficile. Il ne s'agit justement pas de les discriminer et qu'ils soient à part après. Parmi les 46 étudiants qui seront reçus au concours 2021, 6 viendront des classes préparatoires "Egalité des chances". Ils passeront le même concours, les mêmes épreuves et on rajoute des places pour eux. Ils seront ensuite complètement intégrés à la promotion, sans distinction avec ceux qui ont fait le concours externe classique.
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