Les avocats de Patrice Amar, vice-procureur au Parquet national financier (PNF), ainsi que des syndicats de magistrats, ont dénoncé lundi la saisine du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) vendredi par le Premier ministre Jean Castex pour enquêter sur d'éventuels manquements aux "obligations déontologiques".
Jean Castex a saisi vendredi le CSM à la suite du rapport de l'Inspection générale de la justice (IGJ) cherchant à vérifier si Eliane Houlette, ancienne cheffe du PNF, et deux magistrats du PNF, M. Amar et Mme Ulrika-Lovisa Delauney-Weiss, avaient "commis" des "manquements" lors d'investigations destinées à identifier la "taupe" qui aurait pu informer Nicolas Sarkozy qu'il était sur écoute dans une affaire de corruption.
La saisine du CSM porte sur Mme Houlette et M. Amar.
Dans un communiqué transmis à l'AFP, Me Marie Lhéritier et Me François Saint-Pierre indiquent avoir pris connaissance lundi du rapport.
Selon eux, il "exonère de toute faute disciplinaire et de tout manquement déontologique Patrice Amar, non seulement dans la conduite de l'enquête préliminaire dite des fadettes mais dans l'ensemble de sa pratique professionnelle de magistrat au PNF".
Selon la conclusion de ce rapport, consulté par l'AFP, l'"analyse n'a pas permis d'objectiver, dans le suivi de cette enquête, un quelconque manquement de M. Amar aux principes déontologiques auxquels tout magistrat est soumis", alors même qu'il a été en grave conflit avec Mme Houlette.
"De même, s'agissant de sa manière de servir, aucun manquement ne peut être relevé contre ce magistrat", poursuit le rapport.
Pour les avocats de M. Amar, Jean Castex a utilisé des "termes trompeurs" dans son communiqué de saisine du CSM en indiquant avoir "relevé, dans les documents portés à sa connaissance, différents éléments susceptibles de faire naître un doute sérieux quant au respect de ses obligations déontologiques" par M. Amar.
"Ce reproche est sans fondement et la saisine du CSM est par conséquent calomnieuse", insistent-ils.
Le PNF avait été mis en cause pour avoir épluché les relevés téléphoniques détaillés ("fadettes") de ténors du barreau - dont Eric Dupond-Moretti - pour identifier qui aurait pu informer l'ancien président Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog qu'ils étaient sur écoute.
Dans cette affaire dite des "écoutes", MM. Sarkozy et Herzog ont été condamnés à trois ans d'emprisonnement, dont un ferme et deux avec sursis, pour corruption et trafic d'influence. Tous deux ont fait appel.
L'émoi suscité par cette affaire avait poussé l'ex-ministre de la Justice Nicole Belloubet à demander un rapport à l'Inspection générale de la justice (IGJ).
M. Dupond-Moretti, devenu entre temps son successeur, avait annoncé l'ouverture d'une enquête administrative en septembre, avant de se déporter face aux accusations de conflit d'intérêts.
Selon ce rapport, "l'enquête (...) a suivi un traitement ordinaire, par un parquet dont l'objectif est avant tout de lutter contre la grande délinquance économique et financière".
Dans un communiqué, l'Union syndicale des magistrats a dénoncé lundi "un procédé scandaleux": "Tous les moyens sont bons pour faire pression sur les magistrats et multiplier les poursuites disciplinaires, même lorsqu'aucune faute n'est établie!"
Il s'agit d'une "une opération de basse politique où tous les coups sont permis", a abondé le Syndicat de la magistrature.
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