Installer des "yeux" dans les pinèdes pour traquer la moindre fumée, prépositionner des bataillons dans la forêt pour réagir immédiatement à tout départ de feu: les pompiers des Bouches-du-Rhône sont en vigilance maximale durant cet été particulièrement chaud et sec en France.
"Nous sommes les yeux des pompiers, le premier maillon de la chaîne", clament fièrement Laurent Lambert et son épouse Danielle*, sapeurs-pompiers affectés 24h sur 24 dans une vigie, près de Marseille, qui surplombe les massifs de tout ce département du Sud-Est, à quelque 800 mètres d'altitude.
Le couple s'est installé dans la vigie du Grand Puech, sur les hauteurs du village provençal de Mimet, fin mai. Affectés à ce poste depuis 23 ans - un métier "passion", assurent-ils -, ils se rendent compte que la saison des feux s'allonge d'année en année.
"On ne sait pas quand ça va terminer, peut-être fin septembre, peut-être plus tard", explique Danielle. Avec une vue panoramique à 360°C, ils surveillent, chaque jour et parfois la nuit, lorsque le risque d'incendie est élevé, "plus de 50.000 hectares de massifs forestiers".
Les quinquagénaires, habitués de l'exercice, scrutent dans un premier temps à l'oeil nu. "On guette toujours en binôme", détaille Danielle, afin d'être certain de ne rien manquer. "La moindre fumée nous tape à l'oeil, et avec la sécheresse, le panache monte très vite" dans les airs.
Outre la surveillance à travers la salle vitrée de la vigie, semblable à celle d'un phare, M. Lambert est aussi en contact permanent avec le Centre opérationnel départemental d'incendie et de secours (Codis), qui lui demande confirmation des appels signalant un départ de feu.
Le département compte 29 vigies, dont 13 habitées 24 heures sur 24. Un dispositif en phase avec la stratégie adoptée par les pompiers en zone méditerranéenne, la plus touchée par les incendies historiquement: détecter au plus vite un départ de feu, y faire intervenir très rapidement des moyens terrestres et aériens massifs.
"95% des feux ne dépassent pas un hectare grâce à l'intervention dans les dix minutes des forestiers-sapeurs avec des véhicules légers, appuyés si nécessaire par des pompiers et des hélicoptères bombardiers d'eau", indique à l'AFP Grégory Allione, président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers.
- "Engagement massif" -Si les époux prennent à coeur leur métier saisonnier, c'est aussi car ils tiennent aux massifs qui les ont vu grandir. "On a la chance d'avoir un patrimoine magnifique, le patrimoine de (l'écrivain Marcel) Pagnol", qu'ils veulent protéger.
Cette même peur "de voir (les) massifs brûler" a poussé les secours à placer, de manière préventive, des groupes d'intervention en forêt.
"Avec des conditions climatiques comme celles-ci, des fortes chaleurs, la sécheresse et parfois du vent, nous privilégions un engagement massif", explique à l'AFP le lieutenant Rémi Girardet, positionné préventivement avec cinq collègues dans une zone boisée proche de l'autoroute, leur permettant d'intervenir en moins de dix minutes sur un départ de feu.
Ce lundi, entre 150 et 200 hommes sont positionnés dans des forêts, prêts à intervenir. Dimanche, près de 500 pompiers étaient mobilisés sur un incendie ayant détruit 35 hectares de végétation à une vingtaine de kilomètres de Marseille.
Pour le lieutenant Rémi Girardet, la saison est "sous haute tension" avec le mois de juillet le plus chaud depuis 1947 en région Provence-Alpes-Côte d'Azur. S'il ne pleut pas, la suite de l'été peut être "catastrophique", met-il en garde.
Pompier depuis plus de 30 ans, il a connu des incendies très virulents à la fin des années 1980, brûlant des dizaines de milliers d'hectares, endommageant des maisons.
"Depuis, on a plus de moyens, des engins plus spécifiques, un meilleur maillage" explique-t-il, mais malgré la réactivité des équipes, "on peut maîtriser quelques feux, mais si on a plusieurs départs en même temps, il y en aura un qui s'échappera".
Au centre de commandement du Codis, le colonel Pierre Bépoix, directeur adjoint du Service départemental d'incendie et de secours des Bouches-du-Rhône, détaille les missions réalisées par d'autres pompiers, de l'ombre cette fois: traiter les appels, organiser "la chaîne des secours", contrôler les caméras de surveillance placées dans les massifs échappant à la visibilité des vigies.
Alors que la quasi-totalité de la France est placée en alerte sécheresse, les secours martèlent les bons gestes: ne pas jeter de mégots, bannir les barbecues et respecter les arrêtés de fermeture de massifs au public.
* Le prénom a été modifié à la demande de l'intéressée
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