Les évêques catholiques se réunissent de mardi à vendredi, avec au menu, notamment, le vote de "résolutions" pour lutter contre la pédocriminalité dans l'Eglise, à six mois des conclusions d'une commission indépendante sur le sujet.
Cette assemblée plénière des quelque 120 membres de la Conférence des évêques de France (CEF) se tiendra pour une petite partie d'entre eux à Lourdes - le président Eric de Moulins-Beaufort et une quinzaine d'autres - le reste de l'épiscopat étant en visioconférence.
Elle a lieu dans la foulée d'une rencontre en février lors de laquelle les prélats ont collectivement examiné, sous divers angles, la notion complexe de "responsabilité" au sujet des crimes sexuels commis par des clercs sur les mineurs, mais sans prendre de décision.
Lors de cette session, indique la CEF, les évêques entendent conclure les discussions menées depuis deux ans et demi par quatre groupes de travail, portant sur quatre dimensions: le volet "mémoriel" (éventuels lieux de mémoire, monuments, ndlr), l'accompagnement des auteurs d'agressions, la prévention et "la dimension financière" permettant de reconnaître la souffrance des victimes.
"À partir de leurs conclusions, l'Assemblée plénière se prononcera par des résolutions vendredi", affirme-t-elle dans un communiqué, sans préciser leur teneur.
S'agira-t-il de déclarations de principe ? D'un engagement dans un processus avec différentes étapes ? Ou bien de mesures très précises ?
"Les évêques veulent avancer", précise à l'AFP l'un des porte-parole, Vincent Neymon. "Au moins les feuilles de routes seront tracées, y compris dans la dimension financière" et "après, il n'y aura plus besoin de prendre de grandes décisions", selon lui.
L'archevêque de Strasbourg Luc Ravel est plus nuancé: "Ce sera une première série de mesures, par exemple des engagements de principe, mais évidemment on ne peut aller jusqu'au bout de notre dispositif avant d'avoir reçu le rapport de la Ciase".
- financer des soins -Voulue par l'épiscopat et les instituts religieux, la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Eglise (Ciase) présidée par Jean-Marc Sauvé, chargée de faire la lumière sur ces faits depuis les années 1950, doit rendre ses préconisations fin septembre.
"Nous avons voulu cette commission, on ne peut quand même pas faire fi de ses conclusions, ce serait irrationnel !", juge Mgr Ravel, à l'instar d'une partie des victimes ou de certaines associations de laïcs impliqués dans l'Eglise. Il jugerait "cohérent" d'attendre l'assemblée d'automne de la CEF prévue en novembre.
La Ciase a récemment estimé à "au moins 10.000" le nombre de victimes depuis 70 ans. Les questions de responsabilité et de réparations feront partie de son rapport.
L'épiscopat avait déjà dû suspendre une décision prise en 2019 pour les personnes agressées - le versement d'une somme forfaitaire identique pour toutes - le dispositif ayant été mal perçu à la fois par des victimes et des fidèles.
Pour le moment, "les évêques sont d'accord pour un accompagnement financier des personnes qui ont besoin de se reconstruire, de financer des soins", souligne Luc Ravel.
Plusieurs membres du collectif de victimes Foi et Résilience, associés aux quatre groupes de travail, s'attendent à une forme de déclaration dans laquelle "l'Eglise reconnaîtrait sa part de responsabilité, dans la survenance et la pérennisation des abus", comme le souligne à l'AFP l'un d'eux, Jacques P., qui préfère garder l'anonymat.
Un point pas confirmé par la CEF. Son président Eric de Moulins-Beaufort prendra la parole vendredi dans la matinée.
Des démarches de "demande de pardon" pourraient aussi être examinées par les évêques, tout comme l'idée de convenir d'un lieu de mémoire.
La proposition de mettre sur pied une "plateforme d'écoute" des victimes au niveau national est par ailleurs discutée par l'épiscopat et par la Conférence des religieuses et religieux de France (instituts religieux), indique la présidente de cette dernière, Véronique Margron. Ce projet pourrait aboutir "plutôt au moment de la publication du rapport de la Ciase", estime-t-elle.
Certains prélats plaident aussi pour une réforme, plusieurs fois évoquée, du droit canonique (le droit de l'Eglise), qui permettrait d'instaurer, par exemple, un tribunal pénal canonique au niveau national, ce qui n'existe pas aujourd'hui.
Enfin les évêques aborderont la question des finances de l'Eglise "dans le contexte très particulier de la crise sanitaire", après deux premiers jours consacrés à l'écologie.
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