"On veut la justice!": à Colmar, dans l'est de la France, les proches d'un jeune Afghan tué par balle dimanche lors d'une altercation, ne décolèrent pas, alors que la traque de son tueur présumé se poursuivait mercredi.
En cette matinée pluvieuse, peu de monde déambule dans les rues du quartier Europe, zone populaire de Colmar, situé non loin de l'Allemagne.
Devant une boulangerie, au pied d'un des nombreux immeubles du quartier, à deux pas du drame qui s'est noué dimanche, des voisins ont déposé six grandes photos de Quayyeem Ahmadzai, des bougies et quelques bouquets de fleurs.
Trois jeunes Afghans veillent le portrait, en silence. Parmi eux, Tarakhin Sardarwali, 21 ans, se présente comme un "très proche" de la victime. Il n'était pas présent lors du drame, "je suis arrivé 10, 15 minutes après...", confie-t-il, encore affecté.
- "Justice" -
Tarakhin Sardarwali s'étonne que quatre jours après, "les policiers (n'aient) toujours pas retrouvé le tireur, c'est choquant (...) Il est toujours libre ! On veut qu'ils l'arrêtent !".
"On veut la justice", insiste le jeune homme originaire de la province de Logar, dans l'est de l'Afghanistan, arrivé en France en 2017.
Selon une source proche de l'enquête, au moins deux jeunes, le tireur présumé et un complice, étaient toujours en fuite mercredi. L'un d'eux est encore mineur, âgé de 17 ans, et l'autre est tout juste majeur.
D'après la procureure locale, Catherine Sorita-Minard, les faits se sont déroulés lors d'une altercation entre deux groupes.
Importunée par les bruits d'un scooter, la victime, entourée d'amis, a demandé au conducteur de s'éloigner. Ce dernier l'a alors insulté, avant de revenir "avec plusieurs individus".
Une rixe a éclaté entre les deux groupes et, "alors qu'une partie des protagonistes se dispersait, un coup de feu était tiré par un individu, selon les témoins entendus dans le cadre de l'enquête, en direction de la victime", a précisé la magistrate.
Touché au thorax, Quayyeem Ahmadzai, 27 ans, est décédé des suites de ses blessures à l'hôpital dans la nuit de dimanche à lundi. L'autopsie, réalisée mercredi, a confirmé qu'il avait été atteint d'une seule balle, a indiqué à l'AFP Catherine Sorita-Minard.
"Je n'ai jamais vu ça", témoigne Djabri, retraité de 66 ans, qui vit à Colmar "depuis 46 ans" et dans le quartier Europe "depuis 16 ans". Dimanche, il dit avoir entendu plusieurs détonations, "deux ou trois. Je croyais que c'étaient des jeunes qui s'amusaient avec des pétards...".
"Et puis j'ai vu un jeune qui courait, qui était devenu fou", manifestement le tireur présumé, "deux copains à lui le suivaient et puis, ils ont commencé à courir" pour prendre la fuite.
"Depuis, on dirait que les gens sont devenus calmes", poursuit Djabri. L'effet peut-être de la présence de policiers de la CRS 8, une unité mobile spécialement créée pour intervenir rapidement sur tout le territoire.
- "Invivable" -
"Il faudrait qu'ils soient là à l'année, pas une semaine, ça devient invivable", assure Djabri, évoquant notamment des "rodéos" de scooters, selon lui, incessants dans certaines rues du quartier.
Évoqué dans un premier temps comme un possible déclencheur à cette rixe mortelle, l'hypothèse d'un "rodéo urbain" a été mise en doute mardi lors d'un point-presse par le maire de Colmar, Eric Straumann (Les Républicains, droite), évoquant plutôt un "différend entre" le tireur et Quayyeem.
Ce dernier, inconnu des services de police, travaillait dans une usine de montage de véhicules Stellantis à Mulhouse (Est), a indiqué à l'AFP Ronald Laventin, responsable syndical sur ce site.
Selon lui, beaucoup de réfugiés syriens et afghans grossissent les rangs des intérimaires dans l'usine.
Quayyeem "était intérimaire et avait été recruté au début de l'été, avec le dernier contingent", selon M. Laventin.
"Il était juste venu pour le week-end pour voir des proches" à Colmar, se désole encore Tarakhin. Selon lui, l'épouse de Quayyeem, restée en Afghanistan avec leurs enfants, "est à l'hôpital" depuis qu'elle a appris la mort de son époux.
A présent, "il faut qu'on envoie le plus vite possible son corps en Afghanistan" pour les funérailles.
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STELLANTIS