Des militants d'ultra-droite doivent comparaître vendredi pour l'attaque d'un bar antifasciste à Paris en juin : c'est l'occasion pour le chercheur Nicolas Lebourg d'analyser pour l'AFP la disparition progressive de ces affrontements "politiques", supplantés par les violences racistes et "ethnicisées".

Le 4 juin, plusieurs membres du groupuscule des Zouaves avaient fait irruption au Saint-Sauveur (XXe arrondissement), armés notamment de battes de baseball et avaient dégradé l'intérieur du bar et agressé des clients. Cette attaque avait eu lieu quasiment sept ans jour pour jour après la mort du militant antifasciste Clément Méric lors d'une rixe à Paris avec des skinheads d'extrême droite.

Question: Les affrontements entre ultra-droite et extrême gauche sont-ils fréquents ?

Réponse: "Entre 1986 et 2017, sur 300 agressions par l'extrême droite, 67% ont un motif +altérophobe+ -- c'est-à-dire raciste, antisémite ou islamophobe -- et 31% visent les adversaires politiques. L'essentiel c'est donc vraiment l'agression raciale, ethnique.

Nous ne sommes plus dans les années 1970, quand les militants d'Ordre nouveau, du GUD [deux organisations d'extrême droite] tapaient le gauchiste. Mais c'est resté dans notre imaginaire: on a encore beaucoup cette image-là, alors que c'est un peu passé, nous sommes en retard dans notre représentation. C'est, dans les faits, beaucoup moins fréquent que les agressions racistes.

Q: Alors comment comprendre cette attaque ?

R: "C'est un mythe identitaire, c'est pour soi-même, pour se dire qu'il y a un groupe qui est performant contre l'antifascisme. Aujourd'hui, l'essentiel de la violence à l'extrême droite contre les biens ciblent des espaces culturels non-militants: les cimetières et lieux de culte, les mosquées. La violence physique est, elle, complètement ethnicisée. S'attaquer à la gauche, c'est en passant mais ce n'est plus du tout la cible. C'est un épiphénomène, la violence est très faible.

Ils vivent un peu tous sur un mythe: les membres des Zouaves veulent ressembler à ceux du GUD des années 1990, qui voulaient ressembler à ceux du GUD des années 1970, qui voulaient ressembler aux volontaires du front de l'Est... y a beaucoup de ça, essayer de s'inscrire dans le légendaire de la génération précédente.

Il faut cependant noter qu'il y a eu des affrontements à l'hiver 2018/2019, pendant les premières manifestations des gilets jaunes. L'ultra-gauche est bien arrivée à évacuer l'extrême droite après le mois de décembre/janvier. Là on était dans un climat effectivement +années 1960+, avec une rhétorique révolutionnaire et l'idée que la minorité agissante la plus déterminée arriverait à dévier le courant dans son sens.

Q: Que peut-on attendre d'un procès comme celui-là ?

R: Ce qui sera intéressant, c'est la sociologie, parce que le patron des Zouaves, n'est manifestement pas exactement un prolétaire... On voit bien ici qu'il reste à l'extrême droite ce côté +bourgeoisie qui s'encanaille+, qui était un peu passé de mode. Quand vous regardez, à l'époque d'Unité Radicale [groupuscule dissout en 2002 par le gouvernement], les membres étaient des prolétaires. Mais depuis la Manif pour tous, on a l'impression d'un retour des classes aisées dans la radicalité. Ca sera peut-être l'occasion de voir qui sont ces hommes.

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