Le plan social annoncé par le géant hôtelier AccorInvest préfigure-t-il une vague de destructions de postes dans un secteur hôtelier très éprouvé par la crise sanitaire et pour qui 2021 s'annonce d'ores et déjà difficile?
Ce jeudi, le Premier ministre Jean Castex devrait annoncer un nouvel élargissement de l'accès au Fonds de solidarité, afin qu'il puisse bénéficier davantage aux établissements regroupés dans des holdings et des groupes, notamment familiaux, une bouffée d'air très attendue par nombre de professionnels.
Dans un secteur en grande souffrance, AccorInvest prépare un plan social, annoncé mercredi, portant sur près de 1.900 suppressions d'emplois en Europe, dont 767 en France, contre lequel quelques dizaines de salariés et militants syndicaux ont manifesté jeudi, devant le Novotel Paris Tour Eiffel. "Zéro suppression d'emploi avec de l'argent public", ont-ils scandé.
"La casse sociale a déjà commencé depuis des mois, mais on n'en parle pas parce qu'ils font des petits PSE, de moins de neuf salariés. On a des groupes qui ont 200, 300 salariés et qui régulièrement suppriment neuf emplois. Alors que quand on fait un gros PSE, ça attire l'attention", a déclaré à l'AFP Nabil Azzouz, secrétaire fédéral FO Hôtellerie restauration.
Ex-filiale d'Accor, AccorInvest exploite près de 900 hôtels sous différentes marques du géant français de l'hôtellerie (Ibis, Novotel, Mercure...) dans 28 pays. Fragilisée par la pandémie de Covid-19 qui a amputé son chiffre d'affaires de 70%, l'entreprise a demandé un prêt garanti par l'État (PGE) de 470 millions d'euros et doit réaliser une augmentation de capital de même ampleur.
Déjà fin octobre, Accor, sixième groupe hôtelier mondial, avait annoncé la suppression d'un millier d'emplois dans le monde, dont "300 à 400" en France, après avoir perdu 1,5 milliard d'euros au premier semestre.
"Des mastodontes qu'on imaginait insubmersibles sont aujourd'hui fragilisés", constate Didier Arino, directeur du cabinet spécialisé Protourisme. "La question c'est: combien de temps va durer la crise? Il y aura une reprise et elle sera forte, mais entre-temps il ne faut pas mourir ou être trop fragilisé", relève-t-il. "Ceux qui s'en sortiront sont ceux qui ont des fonds propres, de la trésorerie et des soutiens financiers".
- "Fin du chômage partiel" -Des groupes dont la rentabilité était basée sur un fort taux d'occupation et des prix élevés, souffrent particulièrement: le taux d'occupation des hôtels -qui n'ont pas été contraints de fermer, mais ont massivement gardé portes closes ou tourné au ralenti faute de clients- a chuté à moins de 33% en 2020.
"C'est un niveau catastrophique car le seuil de rentabilité est aux alentours de 60%", souligne Jean-Virgile Crance, président du Groupement national des chaînes hôtelières (GNC). "On arrive à un moment extrêmement difficile: les entreprises se retrouvent avec des taux d'endettement très élevés et un manque de visibilité évident sur la sortie de crise".
Face à ces difficultés, le patronat du secteur (Umih, GNI, GNC) veut voir le chômage partiel prolongé a minima jusqu'en juin 2021.
"Un décret doit le repousser jusqu'à fin février seulement: comment voulez-vous que les entreprises les plus impactées et les plus endettées ne soient pas amenées à faire des arbitrages par rapport à leurs charges, avec une reprise qui s'annonce longue et difficile?", demande M. Crance.
De fait, à l'heure actuelle, "les groupes se préparent à la fin du chômage partiel", estime Johanna Jourdain, analyste sur le secteur hôtelier à Oddo BHF. "Ils anticipent des volumes qui ne reviendront pas en 2021, alors que les dispositifs d'aide pourraient ne plus être là". "On peut s'attendre à des annonces sur d'autres groupes".
L'hôtellerie haut de gamme, la plus dépendante de la clientèle étrangère, dont le flux s'est tari avec les restrictions aux frontières, et d'affaires, alors que congrès et séminaires sont à l'arrêt, est celle qui souffre le plus.
Fin juillet, le groupe Hôtels Constellation a ainsi annoncé son intention de supprimer 247 emplois dans ses hôtels Martinez à Cannes, Hyatt Regency Paris Étoile et Hyatt Louvre dans la capitale.
Selon l'étude sur l'industrie hôtelière européenne publiée mardi par le cabinet Deloitte, 74% des professionnels interrogés s'attendent à voir l'activité encore en difficulté au premier semestre.
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