Le juge des enfants Edouard Durand et la travailleuse sociale Nathalie Mathieu ont pris la tête jeudi d'une commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants qui devra notamment définir des pistes pour améliorer la prévention et faciliter la parole des victimes, a constaté une journaliste de l'AFP.
Très attendue par les victimes et les associations, cette commission travaillera pendant environ deux ans, avec un premier point d'étape au premier trimestre 2022, a précisé le secrétaire d'Etat chargé de l'Enfance et des Familles Adrien Taquet.
Elle devra faire en sorte "que le couvercle du silence et du déni ne se referme jamais" sur ces "crimes de masse", des violences "silencieuses et dévastatrices", a-t-il ajouté.
En décembre, cette instance avait connu un faux départ, avec une présidence confiée à l'ex-garde des Sceaux Elisabeth Guigou. L'ancienne ministre socialiste avait dû renoncer à sa mission mi-janvier, après avoir été citée parmi les proches d'Olivier Duhamel, accusé de viols incestueux par sa belle-fille Camille Kouchner.
Les deux coprésidents ont dit à l'AFP leur "volonté d'aller vite" et revendiqué une "grande liberté de ton".
"Cette commission est une réponse politique forte à l'attente des victimes (...). Notre premier devoir est de dire +on vous croit!+", a souligné M. Durand, observant que pour certains enfants, "la maison, l'école, le club de sport" sont les lieux "de la peur, du danger, de la violence", alors qu'ils devraient être ceux de la sécurité.
"Il est temps de s'attaquer à la question de la famille et des rapports de domination à l'oeuvre dans la famille, les institutions et la société. Sinon on est encore là dans 20 ans", a déclaré pour sa part Nathalie Mathieu, directrice générale d'une association spécialisée dans la prise en charge d'enfants victimes d'inceste.
Elle a souligné le besoin de "disposer de données épidémiologiques et statistiques", ce qui sera une des grandes priorités de cette "commission indépendante inceste et violences sexuelles faites aux enfants" (Ciivise).
Son lancement survient alors que l'Assemblée nationale doit examiner la semaine prochaine une proposition de loi visant à renforcer la protection contre ces abus, via notamment un seuil de "non-consentement" pour les mineurs fixé à 15 ans.
Outre ses deux coprésidents, la Ciivise compte 20 membres (dont des pédiatres, psychiatres, psychologues, magistrats, sociologues ou militants associatifs), ainsi que sept "membres associés qualifiés", dont d'anciennes victimes.
En France, selon l'enquête Virage de 2015, 14,5% des femmes et 4% des hommes ont subi des violences sexuelles au cours de leur vie. Parmi ces victimes, plus de la moitié des femmes et deux tiers des hommes ont subi ces violences avant 18 ans.
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