L'avant-garde des Marcheurs oscille entre perplexité et méfiance face à la volonté tenace de François Bayrou de mettre en place la proportionnelle aux législatives de 2022, en soupçonnant le patron du MoDem de faire grimper les enchères pour servir d'autres desseins.
A quoi joue vraiment M. Bayrou ? La question en suscite bien d'autres chez les fidèles d'Emmanuel Macron, avertis par l'expérience de la campagne de 2017.
A l'époque, M. Bayrou, faisant valoir à raison le poids décisif de son ralliement au candidat Macron, avait su manoeuvrer jusqu'au clash pour obtenir un contingent satisfaisant, et inédit, d'une quarantaine de députés MoDem.
Depuis, les partenaires LREM et MoDem ont cheminé de conserve malgré quelques regains de tension, jusqu'à ce que M. Bayrou engage un bras de fer autour de la proportionnelle, une conviction ancienne qu'il souhaite voir instaurée aux prochaines élections législatives.
Lettre à Emmanuel Macron, propositions de loi (PPL) déposées à l'Assemblée, appel au référendum, et même menace à peine voilée de reprendre sa "liberté", selon une phrase rapportée mercredi par Le Parisien... M. Bayrou ne ménage pas sa peine.
Mais il paraît boxer dans le vide, au vu de la tiédeur des Marcheurs et du mutisme du chef de l'Etat qui, selon un proche, a adopté la stratégie du "démerdez-vous" sur la question.
Encore mercredi, le président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand (LREM) a dit "craindre" qu'il ne soit "trop tard" pour cette réforme dans un calendrier législatif embouteillé. "Moi, quand je vais dans mon Finistère ou ailleurs, personne ne me parle de ça", a encore argué M. Ferrand.
"On fait oeuvre de procrastination sur un sujet dont tout le monde se fout", résume un cadre de la majorité, en attendant que les patrons des groupes de députés LREM, MoDem et Agir tentent de s'accorder, mercredi prochain, sur l'éventuelle inscription d'une PPL à l'ordre du jour parlementaire.
Mais les Marcheurs soulignent aussi que si M. Macron s'était bien engagé dans son programme sur l'introduction d'une "dose de proportionnelle" aux législatives, la proposition de M. Bayrou d'une proportionnelle intégrale allait donc au-delà des promesses.
Un mode de scrutin profitable au Modem, qui serait quoiqu'il arrive "un groupe charnière", assure un proche de M. Macron, et ce "quel que soit le candidat et le président", Emmanuel Macron comme "Xavier Bertrand", relève-t-il encore.
- "Coup de billard" -Observant l'embarras général, car "personne n'a envie de mettre une claque à François Bayrou", ce même proche note aussi que le MoDem pourrait se saisir du "prétexte" d'un refus pour "ruer dans les brancards juste avant les régionales".
Car dans certaines régions, le parti centriste est tenaillé entre la majorité sortante de droite - dont il est une composante (Ile-de-France, Grand Est, Hauts-de-France...) - et son accord national avec LREM, avec la crainte de lâcher la proie pour l'ombre en cas de fiasco de la majorité présidentielle aux élections de juin.
A ce titre, la défection mardi de 7 conseillers sortants du MoDem sur 13 en Ile-de-France, dont une figure historique du parti, Yann Wehrling, qui ont annoncé leur soutien à la sortante ex-LR Valérie Pécresse plutôt qu'à la liste LREM, interroge: se sont-ils totalement affranchis de l'assentiment de M. Bayrou ?
M. Macron a en tout cas fait savoir mercredi que "dans ce contexte de crise (...) toute division relève de la faute morale", selon le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal.
S'interrogeant sur la "sincérité du combat" du MoDem, un autre fidèle du président théorise. "Cela pourrait être: +je construis une défaite en demandant un truc impossible pour obtenir quelque chose en retour+. Ca sent le coup de billard pour les régionales, voire les législatives de 2022", pressent-il.
L'offensive de M. Bayrou intervient aussi dans une période personnelle douloureuse, après le décès en janvier de l'ancienne ministre et députée Marielle de Sarnez, son "alter ego" politique.
"Il y a quelque chose de testamentaire", explique un cadre du MoDem, qui y voit une manière pour M. Bayrou de prouver à ses troupes qu'il est plus que jamais apte au combat. "Certains se sont dits : tiens, François va être affaibli après la mort de Marielle. Mais je leur déconseille de jouer avec ça", avertit le même.
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