L'ancien secrétaire d'Etat et proche de François Hollande, Kader Arif, est menacé d'un procès: le parquet général demande sa comparution devant la cour de justice de la République (CJR) pour avoir favorisé en 2014 une société gérée par son frère dans un marché public.
Kader Arif, qui fut aussi eurodéputé et député socialiste de la Haute-Garonne, est accusé d'avoir fait conclure, alors qu'il était secrétaire d'Etat aux Anciens combattants, un contrat portant notamment sur du "media-training" entre le ministère de la Défense et une société gérée par son frère, dont le nom n'apparaissait pas. Le marché s'élevait à 60.000 euros pour six ou sept sessions de "media-training", mais une seule avait été réalisée.
Dans son réquisitoire définitif signé le 9 février, le procureur général François Molins a requis un procès pour "prise illégale d'intérêts, détournement de fonds publics et atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics", a précisé mercredi à l'AFP le parquet général.
Il revient désormais à la commission d'instruction de la CJR, seule instance habilitée à juger des membres du gouvernement pour des faits commis dans l'exercice de leurs fonctions, de décider de la tenue ou non d'un procès.
L'avocate de M. Arif n'a pas pu être jointe par l'AFP mercredi.
La révélation de ce contrat avait poussé le secrétaire d'Etat aux Anciens combattants, âgé aujourd'hui de 61 ans, à démissionner le 21 novembre 2014.
Il était déjà fragilisé par une enquête ouverte par le parquet de Toulouse après un signalement, en septembre 2014, d'élus d'opposition (ex-UMP) de l'ancienne région Midi-Pyrénées, terre d'élection de M. Arif.
Ils avaient dénoncé "des anomalies" dans les relations contractuelles entre le conseil régional et deux sociétés successives, AWF Musique puis AWF, appartenant notamment à Aissa Arif, un frère de M. Arif et à leurs neveux.
Kader Arif avait évoqué "des affaires qui ne le (concernaient) absolument pas", mais il avait été contraint de quitter ses fonctions après des perquisitions réalisées dans les locaux de la sous-direction des achats du ministère de la Défense.
- Plusieurs démissions -Le départ de M. Arif était intervenu après d'autres démissions de proches de François Hollande rattrapés par la justice ou le fisc, comme l'ancien ministre du Budget Jérôme Cahuzac, le conseiller politique Aquilino Morelle ou le secrétaire d'Etat Thomas Thévenoud, mettant à mal sa promesse de "République exemplaire".
Le parquet national financier, qui avait ouvert une information judiciaire en 2015 sur les contrats litigieux passés entre AWF Musique et AWF et l'ancienne région Midi-Pyrénées, avait transmis la procédure concernant l'ancien membre du gouvernement à la CJR en décembre 2018.
Après examen, la commission d'instruction de la CJR avait rendu un avis favorable à sa saisine le 17 mai 2019 et une information judiciaire avait été ouverte.
Dans l'information judiciaire menée par des juges d'instruction du pôle financier, trois personnes, dont un frère de M. Arif et l'ancien directeur de cabinet du président socialiste de la région, Martin Malvy, ont été entendus en avril 2016 par l'Office anti-corruption de la police judiciaire (Oclciff).
Selon Mediapart, une société d'Aissa Arif aurait travaillé pour le microparti de François Hollande, Répondre à gauche, pendant la primaire socialiste de 2011 et la campagne présidentielle de 2012. Plus de 700.000 euros auraient été encaissés par cette société spécialisée dans l'image et le son.
La collaboration avait cessé prématurément un mois avant le premier tour, en mars 2012, en raison de problèmes techniques à répétition et un "dédommagement" pour un montant de 85.000 euros avait été réglé par le PS.
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