Le fléau des rodéos urbains, que l'arsenal législatif actuel ne parvient pas à enrayer, a pris un tour dramatique vendredi soir après qu'un jeune a grièvement blessé deux enfants de 10 et 11 ans à Pontoise avec sa moto de cross.
Et dimanche, à Verdon-sur-Mer en Gironde, deux motards de 14 et 16 ans se sont percutés lors d'un rodéo. Le plus jeune a dû être héliporté au CHU de Bordeaux et l'autre a été plus légèrement blessé.
- Qu'est-ce qu'un rodéo urbain ? -De jeunes adeptes du cross s'élancent à moto, font se cabrer leur bécane sur la roue arrière et réalisent des acrobaties. Voici le principe du rodéo urbain, une pratique qui se rapproche du "stunt", discipline motorisée composée de figures spectaculaires, née aux Etats-Unis dans les années 1980.
Les rodéos sauvages "sont aussi un défi à l'autorité et un signe d'appropriation du territoire par les voyous", avait expliqué en 2020 à l'AFP le commissaire Patrick Longuet, alors en poste à Marseille, en assurant que ces engins sont souvent "des instruments de collecte de stupéfiants", utilisés "pour ravitailler les points de vente".
- Les mesures actuelles -Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 3 août 2018, la pratique du rodéo urbain est passée d'une "simple" infraction au code de la route à un délit passible d'un an de prison et de 15.000 euros d'amende.
Une peine sujette à des sanctions plus importantes, en fonction de différents facteurs: deux ans d'emprisonnement et 30.000 euros d'amende en cas de pratique collective, trois ans et 40.000 euros si les auteurs ont consommé de l'alcool, des stupéfiants ou conduisent sans permis. Cinq ans et 75.000 euros si deux des motifs ci-dessous sont réunis.
La peine peut être complétée par une suspension du permis de conduire pendant trois ans maximum, de travaux d'intérêt général voire de "la confiscation du véhicule dont le condamné s'est servi pour commettre l'infraction".
Exception faite si le véritable propriétaire prouve "sa bonne foi" appréciée "au regard d'éléments géographiques et matériels objectifs", selon la loi "responsabilité pénale et sécurité intérieure" promulguée en janvier.
- Les lacunes apparentes -"Ce qui est apparu le plus important pour avoir un effet dissuasif c'est de confisquer les engins et les détruire", a expliqué lundi Natalia Pouzyreff, la députée des Yvelines sur RTL.
Dans un rapport d'évaluation de la loi d'août 2018, publié en 2021, Natalia Pouzyreff et le député de l'Essonne, Robin Reda, rappelaient que policiers et gendarmes avaient pour consignes de n'engager une poursuite qu'en cas de "délits graves", pour des auteurs "susceptibles de mettre en danger la vie d'autrui". Ils demandaient de privilégier les interpellations "différées", notamment en relevant la plaque d'immatriculation, plutôt que des interventions dans le feu de l'action, plus risquées et dangereuses.
Les deux parlementaires avaient suggéré il y a un an le recours aux drones en complément des caméras mais rien n'a abouti en ce sens, jusqu'à maintenant.
- Les rodéos urbains en chiffres -Le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti évoquait en janvier dernier une augmentation de 1.400% depuis 2018 des condamnations pour rodéos urbains.
Depuis deux mois, la police a procédé à 1.200 interpellations et saisi 700 motos, quads ou voitures, selon le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.
En 2021, 987 personnes avaient été placées en garde à vue et 1.242 engins motorisés saisis, selon Beauvau.
- "Certitude de sanction" -Gérald Darmanin a annoncé lundi une intensification des contrôles pour lutter contre ces actes "criminels qui viennent blesser très gravement des enfants".
"Je souhaite qu'il y ait 10.000 opérations de contrôle à partir d'aujourd'hui sur tout le territoire national", a-t-il dit.
Le porte-parole du syndicat Unité SGP Police Ile-de-France François Bersani, n'est pas convaincu pour autant, souhaitant "une certitude de la sanction".
"Le problème, c'est que Monsieur Darmanin, à part demander à faire plus de contrôles n'a pas la main sur la réponse pénale. Sur les rodéos urbains, aucun policier ne va prendre le risque d'être traduit en justice pour contrôler un véhicule", ajoute-t-il.
"Les policiers ne demandent pas une nouvelle loi, de la refaire ou de l'aggraver. Appliquons déjà ce qui existe", conclut François Bersani.
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