Son "courage" a été salué par tous, y compris de l'avocat de l'accusé. Cristina, une prostituée transgenre sans papier, a raconté mercredi devant la cour d'assises de Paris les longues minutes de son viol, la peur du VIH, celle d'être tuée et depuis sa vie en miettes.
Au deuxième jour du procès, cette Péruvienne de 39 ans s'approche de la barre. Elle s'appuie sur le pupitre, comme si elle avait peur de s'effondrer. Dans le box, l'accusé, un homme de 28 ans, garde les yeux baissés tout au long du récit.
"Il s'est approché, il m'a demandé le prix. J'ai répondu 50 euros, il m'a dit que c'était trop cher. (...) Il m'a demandé un rabais, j'ai dit non", raconte-t-elle en Espagnol, traduite par une interprète. Il a ensuite sorti un couteau.
C'était en novembre 2018 dans le Bois de Boulogne, une dizaine d'années après l'arrivée en France de Cristina. Dès l'ouverture du procès, mardi, l'accusé a reconnu les faits.
"Je l'ai supplié de ne pas me faire de mal. Tout le temps, il m'a menacée avec son couteau. (...) Je pleurais beaucoup. J'étais terrorisée", témoigne en larmes Cristina, en pantalon de jogging noir et sweat rose à capuche, les cheveux mi-longs retenus en queue de cheval.
"Je lui ai dit, si t'as pas d'argent, c'est pas grave, mais fais-le avec un préservatif. (...) Il criait qu'il pouvait faire ce qu'il voulait avec moi". Il a imposé à cette femme transgenre une fellation et un rapport anal sans protection. Cristina l'accuse aussi de lui avoir volé 150 euros, ce qu'il nie.
Après le viol, dans la voiture de l'accusé, "il m'a proposé de me ramener à ma place. Je lui ai dit non: j'avais peur qu'il me tue". Par contre, Cristina "a gravé dans (sa) tête" la plaque d'immatriculation, élément clé qui a permis à l'enquête de progresser rapidement.
Elle s'est rendue à l'hôpital: "j'avais très peur d'avoir été contaminée par le VIH. (...) J'étais très mal, je n'avais qu'une idée, me suicider". Elle a été hospitalisée une semaine en psychiatrie.
- "Une vie tranquille" -Chose très rare pour une prostituée sans papier victime de viol, Cristina a déposé plainte. "J'ai voulu le dénoncer car je ne voulais pas qu'il fasse du mal à quelqu'un d'autre, peut-être à un enfant".
"Ce que vous avez fait est très courageux. C'est important que vous soyez là", réagit après ce récit l'avocat général, Olivier Auferil. "Je salue votre courage. Je déteste les questions que je vais vous poser", lance pour sa part l'avocat de la défense, avant d'interroger la partie civile sur le couteau, sur le vol d'argent.
Avant Cristina, une autre prostituée transgenre péruvienne a raconté mercredi matin à la cour les agressions et le viol qu'elle a subis. "Au Bois de Boulogne, j'ai regardé la mort", a-t-elle dit, sans pour autant aller voir la police. "Je n'ai pas été assez courageuse pour venir ici".
Cristina continue cependant de subir les conséquences de ce viol au quotidien. "Je n'ai plus retravaillé, j'ai trop peur. Je n'ai plus de logement. Parfois, je n'ai pas assez d'argent pour manger". Elle est hébergée à droite à gauche. "Mais quand la police m'appelle pour me poser des questions, les amis qui m'hébergent me demandent de partir". En situation irrégulière, ils ne veulent pas de problème.
Cristina a besoin d'antidépresseurs et de somnifères. Elle n'a toujours pas de papier. Pourquoi ne pas retourner au Pérou?, l'interroge la présidente. "Ça sera encore pire. La situation était vraiment dure. C'est pour ça que je suis venue ici, en pensant que j'allais travailler dans un restaurant ou quelque chose comme ça. (...) Tout ce que je souhaitais, c'était une vie stable, tranquille".
Le verdict est attendu jeudi. L'accusé devrait être interrogé mercredi après-midi.
ctx/tib/bow