Total va rester en Birmanie, au nom de la sécurité de ses personnels et pour ne pas priver les Birmans et les Thaïlandais d'électricité, mais s'engage à financer les ONG pour les droits humains à hauteur de ce qu'il versera à l'Etat birman, a annoncé son PDG au Journal du dimanche.
"Il y a des décisions évidentes à prendre et d'autres qui le sont moins", indique Patrick Pouyanné dans une tribune, en évoquant "les dilemmes" du géant pétrolier français.
"Nous avons décidé d'arrêter nos projets et nos forages en Birmanie, mais nous continuons de produire du gaz. Non pas pour maintenir nos profits ni pour continuer à verser des taxes ou impôts à la junte militaire. Mais pour garantir la sécurité de nos personnels, employés et responsables, leur éviter la prison ou le travail forcé, et surtout éviter d'aggraver encore les conditions de vie de ces populations en coupant l'électricité de millions de personnes", explique le PDG.
"Aussi, puisque je ne peux pas prendre la décision d'arrêter la production (...), je prends aujourd'hui la décision de verser aux associations qui travaillent pour les droits humains en Birmanie l'équivalent des taxes que nous serons amenés à payer effectivement à l'Etat birman" à l'avenir.
Total est présent en Birmanie depuis 1992 et plusieurs ONG le pressent de "cesser de financer la junte". Le groupe a versé environ 230 millions de dollars aux autorités birmanes en 2019, puis environ 176 millions en 2020, sous forme de taxes et "droits à la production", selon les documents financiers publiés par la multinationale.
L'armée birmane contrôle la compagnie nationale Myanmar Oil and Gas Enterprise (MOGE), qui a des partenariats avec Total.
En décidant d'arrêter de payer impôts et taxes à l'Etat birman, "nous exposerions les responsables de notre filiale au risque d'être arrêtés et emprisonnés", plaide M. Pouyanné.
Il souligne toutefois que Total n'a "payé aucun impôt ni taxe à la junte militaire depuis le début de la crise en février, tout simplement parce que le système bancaire ne fonctionne plus".
"Une entreprise comme Total peut-elle décider de couper l'électricité de millions de personnes - -et ce faisant le fonctionnement d'hôpitaux, de commerces, bref de la vie courante -- avec les conséquences que cela implique?", interroge le PDG, en ajoutant que "l'accès à l'énergie est un droit fondamental".
Si Total prenait une telle décision, le groupe estime aussi qu'il mettrait ses "collaborateurs birmans (...) dans une situation dramatique" car "la junte n'hésitera pas à recourir au travail forcé".
Le projet de futur développement de sa découverte de gaz sur le permis A6, une zone d'exploration située en offshore profond, à l'ouest de la Birmanie, va s'arrêter. Idem pour "la campagne de forage de puits de gaz en cours": l'appareil de forage sera "démobilisé à compter du mois de mai".
Mais Total continuera la production offshore de gaz du champ de Yadana, car elle "fournit la moitié de l'électricité des près de 5 millions d'habitants de la ville de Rangoun" et "alimente l'ouest de la Thaïlande vers laquelle est exporté l'essentiel de ce gaz". Et la Thaïlande a insisté sur l'importance de ces livraisons, souligne M. Pouyanné.
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