Le Front national est sous la présidence de Jean-Marie Le Pen le refuge politique des anciens combattants de l'OAS, qui lui lègue des électeurs autant qu'une culture "coloniale" mais dont l'influence s'estompe, surtout après l'arrivée de Marine Le Pen à sa tête.
Le paradoxe reste que l'ancien patron du FN, qui combat en Algérie en 1956, est contacté par l'OAS à plusieurs reprises mais refuse d'en faire partie, se méfiant d'une "organisation secrète" remplie d'indicateurs.
Après les accords d'Evian de 1962 qui mettent fin à la guerre d'Algérie, des membres de cette organisation armée clandestine des ultras de l'Algérie française se lancent en politique, mais c'est "une cascade d'échecs", rappelle l'historien Olivier Dard, auteur de "Voyage au coeur de l'OAS" (Perrin, 2005).
L'élection présidentielle de 1965 notamment est une "formidable désillusion" pour les partisans du candidat Jean-Louis Tixier-Vignancourt --avocat du général putschiste et chef de l'OAS Raoul Salan-- dont la campagne est alors conduite par Jean-Marie Le Pen. Au lieu des 10% des voix espérés, ils finissent à 5,2%.
C'est finalement Jean-Marie Le Pen, co-fondateur du Front national en 1972, qui agrège les partisans de l'Algérie française à son petit parti composite, réunissant plusieurs tendances de l'extrême droite, allant des catholiques intégristes jusqu'aux néofascistes.
- France "amputée" -L'OAS expérimente elle-même ce "compromis nationaliste" en 1961-62 dans "une quasi union sacrée" des différents courants, et l'historien spécialiste de l'extrême droite Nicolas Lebourg se demande "si on aurait pu faire le FN sans l'OAS".
L'ancien officier de l'OAS Jean-François Collin, 81 ans, ex élu FN à Hyères, a purgé 5 ans de prison pour un attentat en métropole. Il explique à l'AFP avoir adhéré au FN parce que De Gaulle a "trahi sa parole et amputé la France de 15 départements". Aujourd'hui il regrette encore de "ne pas s'être occupé personnellement" du général.
Ancien conjuré de l'attentat du Petit-Clamart, Louis de Condé rallie le FN en 1982 par crainte d'une "France algérienne". Il est encore candidat FN aux municipales de 2014 dans l'Allier.
La composante OAS reste importante au FN jusqu'au milieu des années 80. Un de ses anciens chefs Pierre Sergent est élu député en 1986. L'ancien parachutiste Roger Holeindre s'y occupe des jeunes et des anciens combattants. Jean-Marie Le Pen et sa petite-fille Marion Maréchal assistent à ses obsèques le 6 février 2020.
Mais quand le FN investit en 1985-86 des jeunes candidats, plus identitaires, comme Bruno Mégret, les partisans de l'Algérie française y voient une trahison. "Une autre génération militante va privilégier la question de l'immigration quand l'obsession pour la première était l'anticommunisme", explique Olivier Dard.
L'OAS défend un nationalisme d'assimilation, plus "Empire colonial" qu'ethno-différentialiste (qui préfère "chacun chez soi", NDLR). "Roger Holeindre était dans la communion avec les harkis, l'armée d'Afrique, l'Indochine, loin de l'approche ethnique", souligne M. Dard.
- Hommage à De Gaulle -"Algérie française", "FLN terroriste", scandent encore les militants dans un meeting de Jean-Marie Le Pen le 2 avril 1987 quand ce dernier s'adresse aux "beurs arrogants" pour leur dire "que certains des leurs sont morts pour leur donner une patrie, et non pas pour qu'ils viennent dans la nôtre".
Mais l'influence de l'OAS au FN s'estompe avec les années, et davantage encore quand Marine Le Pen reprend le flambeau du FN en 2011 et veut le "dédiaboliser".
Elle exclut alors les militants du mouvement pétainiste et antisémite l'Oeuvre française, successeur de Jeune Nation, dont les partisans ont participé aux attentats de l'OAS en métropole.
Certes les électeurs pied-noirs du sud de la France continuent à voter davantage pour le FN, comme à Perpignan, remportée en 2020 par l'ex numéro deux d'origine pied-noir Louis Aliot.
Mais la cheffe du RN (ex-FN) assume désormais une "continuité" avec De Gaulle et va même lui rendre hommage sur l'île de Sein en juin 2020. Faisant s'étrangler Jean-François Collin, qui votait FN depuis toujours, mais ne votera plus pour elle en 2022.
"C'est une trahison et une bêtise: les gaullistes ne vont pas se rallier à elle, ils ne lui pardonneront jamais le passé", estime l'ancien officier.
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