Politiste de renom et homme d'influence: avant d'être rattrapé par des accusations d'inceste, Olivier Duhamel s'est fait une place dans l'élite politico-médiatique, notamment à Sciences Po dont il a été un influent dirigeant et au sein du prestigieux club du Siècle.
Les diverses institutions dans lesquelles il jouait un rôle, parfois de premier plan, ont fait part de leur "stupeur" après la publication du livre de sa belle-fille, la juriste Camille Kouchner, qui a accusé ce constitutionnaliste de 70 ans d'avoir agressé sexuellement son jumeau adolescent à la fin des années 1980.
Figure des lieux de pouvoir parisiens depuis des années, il entre à Sciences Po en 1974 comme maître de conférence et y devient une pièce maîtresse.
"Sous l'ère de l'ancien directeur Richard Descoing, il a assuré le cours d'institutions politiques en première année qui a marqué des générations d'étudiants", raconte une professeure titulaire au sein du prestigieux institut.
En 2016, il devient président de la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP), qui a la responsabilité des grandes orientations stratégiques et de la gestion administrative et financière de Sciences Po.
Pour minimiser son rôle, M. Duhamel avait depuis coutume de demander, lors du discours solennel de rentrée des étudiants de première année, lesquels parmi eux connaissaient le président de l'Allemagne, aux pouvoirs très limités. Peu d'élèves avaient la réponse. "Eh bien, je suis le Frank-Walter Steinmeier de Sciences Po !", leur lançait-il dans une boutade.
Depuis l'arrivée de Frédéric Mion à la direction de l'IEP en 2013, il "ne comptait plus vraiment dans la vie étudiante et enseignante et incarnait plutôt un +vieux Sciences Po+" sans influencer la stratégie de recherche et de formation de l'établissement, juge une membre du conseil d'administration de la Fondation.
Le président de la FNSP, poste auquel ne peuvent prétendre que des figures de renom de l'institution, exerce quand même un rôle de représentation.
"Brillant, excellent spécialiste du droit constitutionnel, Olivier Duhamel est surtout un homme de réseaux, avec beaucoup d'entregent, un +soft power+ qui lui vaut d'être consulté sur de nombreux sujets, bien au-delà de Sciences Po", estime aussi un fin connaisseur de l'institution. Au point de devenir au fil des ans "plus connu dans le monde journalistique que dans les amphis..."
- Circulation des élites -Lundi, après la révélation des accusations d'inceste, M. Duhamel, qui animait une émission sur Europe 1 et était chroniqueur sur LCI, a annoncé qu'il mettait fin à l'ensemble de ses fonctions.
Il a aussi démissionné de la présidence de la revue "Pouvoirs", qu'il avait fondée en 1977.
"Il se servait du tremplin universitaire pour graviter dans les milieux politiques et para-universitaires", raille un ancien collègue professeur de Paris 1.
"Il est l'incarnation d'un homme proche de la bourgeoisie parisienne et des réseaux des intellectuels de gauche", affirme aussi un professeur de Sciences Po.
Familier des cercles du pouvoir, il a coécrit des livres avec Martine Aubry ou Daniel Cohn-Bendit.
En 2012, il publie une tribune dans Libération pour dénoncer "les chiens" de la "machine médiatique" qui révèlent les "détails des comportements sexuels de Dominique Strauss-Kahn".
Le 23 avril 2017, il est invité à la Rotonde pour célébrer la victoire d'Emmanuel Macron.
Olivier Duhamel était aussi membre de nombreux clubs auxquels participent les décideurs, comme le "club des juristes", présidé par l'ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve, ou l'Institut Montaigne, groupe de réflexion libéral.
Il présidait aussi depuis le 1er janvier 2020 le "Siècle", un important cercle d'influence parisien, qui rassemble des responsables politiques, syndicaux, des dirigeants de grosses entreprises ou des journalistes.
"C'est un lieu de circulation des élites où s'échangent des idées mais où aucune décision n'est prise", raconte Laurent Joffrin, qui a participé à des dîners du Siècle il y a une quinzaine d'années en tant que patron de presse (L'Obs et Libé).
En février 2020, Olivier Duhamel expliquait à Mediapart qui s'étonnait de voir réunie toute l'élite parisienne en pleine pandémie: "Moi qui ne suis pas mondain, c'est la seule mondanité que je m'autorise car elle est utile: j'y vais à la manière d'un journaliste qui fait un reportage".
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