Le gouvernement ne "fait pas du tout appel aux collectivités locales" pour enrayer le phénomène de rixes entre jeunes, alors que le travail de médiation donne des résultats à Paris, estime Nicolas Nordman, adjoint à la maire PS Anne Hidalgo chargé de la sécurité, dans un entretien à l'AFP.
Q: Fin janvier, après l'agression du jeune Yuriy dans la capitale, vous réclamiez une "mobilisation renforcée" des pouvoirs publics face aux rixes de plus en plus violentes. Y a-t-il eu des avancées depuis ?
R: "Ces violences sont inacceptables et nécessitent des réponses policières et pénales fortes. Le gouvernement consulte les préfets et travaille avec les ministres concernés. Là où il y a une vraie faille dans son raisonnement, c'est qu'il ne fait pas du tout appel aux collectivités locales. Or, les actions à mener au plus près du terrain sont celles que les collectivités engagent depuis quelques années. C'est le cas à Paris: la stratégie de lutte contre les rixes est en place depuis 2019 et a des résultats. On n'est évidemment pas du tout à l'abri qu'un drame se produise mais la mobilisation des acteurs permet d'éviter un certain nombre de rixes. Nous avons 120 médiateurs, qui travaillent par équipes de 3 à 5 et connaissent les jeunes quasiment individuellement. On va en recruter 20 de plus. Ces derniers week-ends, on a eu des alertes de tensions fortes dans le XIXe et XXe arrondissements. Notre mécanisme d'alerte, qui part de boucles de mail et mobilise les clubs de prévention, la police nationale, la DPSP (Direction de la prévention, de la sécurité et de la protection) - donc la future police municipale - les associations et la justice, permet souvent de faire baisser la tension. En 2020, on a activé 57 fois ce dispositif et on a donc permis d'éviter 57 rixes."
Q: Vous voulez intégrer les communes limitrophes à votre dispositif. Cela va prendre du temps ?
R: "On a déjà une stratégie, qui fonctionne, mais il faut que tous les acteurs de terrain puissent se coordonner car il y des rixes entre jeunes de villes différentes. L'accélération que l'on peut observer en région parisienne, on ne l'observe pas à Paris. Les chiffres parisiens sont plutôt en baisse en termes de nombres et de fréquences de rixes: 52 en 2019, 41 en 2020. Souvent le motif des rixes est extrêmement futile mais de la même manière, on arrive aussi à désamorcer une tension assez facilement avec la discussion. Les médiateurs vont aussi discuter avec les familles, les frères et soeurs, pour que ces derniers convainquent les plus jeunes de ne pas passer à l'acte. C'est pour cela que leur travail est fondamental."
Q: Votre future police municipale aura-t-elle vocation à traiter ces phénomènes de délinquance juvénile, jusqu'ici du ressort de la police nationale?
R: "Parmi leurs missions, nos agents de police municipale auront un rôle de prévention. Notre objectif, c'est d'avoir 5.000 agents avec des fonctions et missions différentes, et avec une double dimension: prévention et répression. Sur les rixes, nous voulons aussi que nos policiers municipaux interviennent dans les collèges pour sensibiliser les jeunes, expliquer les dangers des rixes, physiques et pénaux. La police nationale le fait parfois mais je pense qu'il faut le systématiser."
PROPOS recueillis par Pierrick YVON
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