Peu connues, dépourvues de moyens, éloignées du terrain... Les commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI), censées faire vivre depuis 2017 le dialogue social dans les très petites entreprises, et pour lesquelles votent depuis lundi les salariés de ces TPE, sont encore des structures en devenir.
- DES COMMISSIONS ISSUES DE LA LOI REBSAMENLes CPRI ont été créées par la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, pour pallier l'absence de représentants syndicaux dans les entreprises de moins de onze salariés et permettre l'émergence d'un dialogue social de proximité.
Elles se composent de dix représentants des organisations patronales, et de dix représentants syndicaux, tous issus de TPE et désignés par leurs organisations. Les sièges syndicaux sont répartis proportionnellement à l'audience des syndicats dans la région auprès des salariés des TPE.
Ces commissions ont pour mission de conseiller salariés et employeurs sur les dispositions qui leur sont applicables, de prévenir les conflits individuels ou collectifs dans les entreprises sur demande des intéressés, de faire des propositions en matière d'activités sociales et culturelles.
Lors des débats à l'Assemblée, des députés PS frondeurs avaient déposé des amendements pour que les CPRI puissent négocier pour les salariés, avant de les retirer face à l'avis défavorable du gouvernement.
- DES "COQUILLES VIDES" ?La loi prévoyait que les CPRI soient mises en place dès le 1er juillet 2017. Dans les faits, "cela dysfonctionne beaucoup", et certaines commissions n'étaient toujours pas opérationnelles à l'été 2019, selon les remontées du terrain obtenues par Karen Gournay, en charge du dossier chez FO.
En cause, selon la syndicaliste: la mauvaise volonté, parfois, du patronat; l'absence de "cadrage" sur les missions exactes de ces CPRI; le manque de moyens.
"A part une ou deux, elles sont toutes perdues et ne savent pas ce qu'on attend d'elles", résume Mme Gournay, qui n'hésite pas à parler de "coquilles vides".
Contrairement à ce qui a été prévu pour les CPRIA et les CPR-PL, des commissions équivalentes mises en place pour l'artisanat et les professions libérales, "il n'y a pas de financement, ce qui fait que ces commissions ont du mal à démarrer ou à se mettre en oeuvre", confirme Inès Minin, secrétaire nationale CFDT.
La prévention des conflits reste à peu de chose près un voeu pieux, l'accord des deux parties étant nécessaire pour engager une démarche. Parfois "c'est très tendu pour qu'on puisse entrer dans l'entreprise", témoigne Christophe Destaing, représentant CFDT à la CPRI d'Occitanie.
"On a un patronat qui estime qu'il n'a pas besoin d'un dialogue avec les organisations syndicales puisqu'il discute déjà avec ses salariés", pointe Mme Minin.
Les CPRI souffrent aussi d'être trop peu connues. "La réalité c'est que nous n'avons reçu aucune demande de ces salariés et patrons (...). Nous n'avons tout simplement pas trouvé notre public", déplore Angélique Schwartz (CFDT), qui a siégé à la CPRI de Provence Alpes-Côte d'Azur.
Autre écueil, selon Lynda Bensalla (CGT), membre de la CPRI d'Auvergne-Rhône Alpes, la taille des bassins d'emploi couverts: "On rayonne sur toute la région", avec au total "600.000 salariés" à représenter, souligne-t-elle.
- QUELLES EVOLUTIONS ?Dans l'ensemble, les syndicats sont d'accord pour reconnaître l'utilité sur le papier de ces CPRI, tout en pointant leurs faiblesses. Plusieurs évoquent la nécessité de mettre en oeuvre ces commissions au niveau départemental, de les doter de moyens, de mieux définir leurs missions.
"On a bien conscience qu'on est dans un début de processus (...). Aller vers une représentation pleine et entière des travailleurs de ces toutes petites entreprises, c'est un long chemin. Les CPRI sont une étape", souligne le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger.
Interrogé par l'AFP, le chef du bureau de la démocratie sociale à la direction générale du travail, Paul Cassavia, reconnaît "qu'il y a des choses qui fonctionnent plus ou moins bien".
Les CPRI doivent être renouvelées avant le 31 décembre, ce qui sera l'occasion de "réaliser un bilan", affirme-t-il.
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