La Cour de cassation a saisi mardi la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) de trois questions d'interprétation du droit européen concernant la demande de remise à l'Italie du militant altermondialiste Vincenzo Vecchi, condamné après les émeutes du G8 de Gênes en 2001.
"Il ne paraît pas possible de considérer que l'application correcte du droit de l'Union s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable", écrit la Cour dans un arrêt consulté par l'AFP.
Demandant la mise en oeuvre de la "procédure accélérée", elle transmet trois "questions préjudicielles" à la CJUE portant sur la double incrimination et la proportionnalité du mandat d'arrêt européen (MAE). Dans l'attente de la décision de la CJUE, la Cour de cassation a renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience du 22 juin 2021.
Vincenzo Vecchi, 47 ans, s'est réfugié en Bretagne en 2012 après avoir été condamné à 12 ans et demi de prison en Italie. Après la cour d'appel de Rennes en 2019, celle d'Angers avait refusé en novembre 2020 d'exécuter le mandat d'arrêt européen émis par l'Italie à l'encontre de M. Vecchi, au motif que la peine principale de dix ans de prison, encourue pour "dévastation et pillage", n'avait pas d'équivalent en France.
La cour d'appel a notamment relevé que pour deux des sept faits d'"endommagement" regroupés sous cette incrimination, M. Vecchi avait été condamné pour sa simple présence "à proximité" des lieux de l'infraction, ce qui n'est pas possible en droit français.
L'incrimination de "dévastation et pillage", introduite dans le code pénal italien sous Mussolini, concentre depuis le début de l'affaire les critiques de la défense et du comité de soutien de M. Vecchi. "Est-ce qu'on peut accepter en 2021 qu'on applique un texte hérité du fascisme mussolinien pour des faits d'il y a 20 ans?", a pointé Me Maxime Tessier, avocat de M. Vecchi en parlant d'une "affaire extraordinaire".
L'écrivain Eric Vuillard, prix Goncourt 2017 et membre du comité de soutien de M. Vecchi, s'est réjoui d'une "décision positive dans l'ensemble" car la Cour de cassation "affirme des principes fortement dans toute la première partie de sa décision". Pour Vincenzo Vecchi cependant, "tout ça est très long", a-t-il regretté. "Pour le justiciable, le droit est une machinerie assez pesante."
Condamné en 2009 à douze ans et demi de prison, M. Vecchi faisait partie des "dix de Gênes", dix militants condamnés, souvent à des peines très lourdes, pour les affrontements du G8. Il avait été arrêté le 8 août 2019 à Rochefort-en-Terre (Morbihan) où il travaillait comme peintre en bâtiment depuis de nombreuses années.
Après trois mois de détention, il a été libéré le 15 novembre 2019 par la cour d'appel de Rennes qui a jugé irrégulière "la procédure d'exécution" du mandat d'arrêt européen. La Cour de cassation avait dans un premier temps renvoyé l'affaire devant la cour d'appel d'Angers, avant de saisir la justice européenne.
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